Bénin – Ravip : « avec le régime Talon, nous devons être sur nos gardes » dixit Daniel Edah

Le Recensement administratif à vocation d’identification de la population (Ravip) initié par le régime du Président Talon suscite la polémique dans l’opinion publique béninoise depuis quelques semaines. Pour en parler, une équipe de « Bénin Web Tv » s’est entretenue avec le Président du Mouvement pour la prospérité solidaire (Mps), Daniel Edah. C’est donc à son domicile situé dans l’arrondissement de Pahou (Commune de Ouidah) que cet ancien cadre de l’Organisation international de la francophonie nous a reçu dans la soirée du jeudi 19 octobre 2017. L’accueil était chaleureux, très…

Assis dans un fauteuil bourré brune de type « présidentiel » au milieu d’une vaste pièce sobrement décorée, Daniel Edah a d’abord livré ses appréciations du projet du Ravip avant de porter son regard d’expert international sur les craintes soulevées par les uns et les autres dans la mise en œuvre du projet. Candidat non élu à la présidentielle de mars 2016, Daniel Edah a également exprimé au cours notre entretien, son souhait pour la réussite de l’opération du Ravip et a lancé un vibrant appel au Président Talon. Lisez plutôt.

Quelle est votre appréciation du projet du Ravip au Bénin ?

Merci pour l’opportunité que vous me donnez de me prononcer sur cette initiative gouvernementale. Dans un premier temps, je tiens à saluer l’initiative parce qu’elle n’est une invention du Président Patrice Talon. Il se fait que c’est lui qui la met en œuvre sinon, d’autres acteurs avant les élections de 2016 ont eu à proposer un outil pareil.

Pour ceux qui ont eu l’occasion de parcourir mon projet de société, alors que j’étais candidat à l’élection présidentielle au point 55 de nos 77 engagements pour le Bénin, nous disions : « Reprendre le recensement administratif à vocation d’état civil, attribuer un numéro d’identification à vie à chaque béninois, instituer une nouvelle carte d’identité nationale à prix subventionné et permettre à chaque citoyen béninois de disposer de sa carte nationale d’identité. Ce nouveau système d’identification servira de base à l’amélioration du système électoral ».

Pour ceux qui se souviennent, ce projet de société avait été déjà débattu en juin-juillet 2015, longtemps avant qu’on ne soit au courant que le Président Patrice Talon allait être candidat. Donc aujourd’hui en tant que acteur politique inscrit dans l’opposition au régime dit de la « Rupture », du « Nouveau Départ » ou du « Bénin Révélé », dire que je ne salue pas cette initiative serait me contredire.

Quelle analyse faites-vous des craintes des uns et des autres au sujet du projet du Ravip ?

Oui ! Ce sont des craintes légitimes, c’est une contestation légitime à deux titres. D’abord, nous venons d’éviter de justesse, une révision de notre constitution qui devrait entre autre consacrer le règne du 666 sur le Bénin. Ce que j’appelle 666, c’est le mandat présidentiel de 6 ans, le mandat des députés de 6 ans, le mandat des maires de 6 ans et quand ont aligne, ça fait 666, au-delà de tous les autres aspects que ce projet du Président Patrice Talon comportait. Depuis le rejet de ce projet controversé, le gouvernement a décidé de faire de la politique avec « ruse » et « rage »… ça, c’est ce qui concerne nos réalités internes. Il y a d’autres éléments sur lesquels je préfère passer.

Mais … l’opérateur « Safran », pour ce que nous savons, cet opérateur est au cœur de la crise électorale au Kenya, cet opérateur a été condamné récemment pour des faits de corruption au Nigéria. Il est clair que cet opérateur a des antécédents négatifs qui montrent qu’il est au centre de la mafia, de la manipulation des chiffres, du tripatouillage. Si ce marché avait été attribué par appel d’offres, ça ne poserait aucun problème mais que ça se fasse de gré à gré et que ce soit cet opérateur à problème que l’on a choisi, je me dis, il y a un gros risque…

Peut-être que le gouvernement n’avait pas meilleur choix que « Safran » !

Pourquoi est-ce que dans cette attribution du marché gré à gré, on a préféré aller au-delà des frontières béninoises ? Moi je vous dis qu’il y a au moins un opérateur de nationalité béninoise qui dispose de la technologie sur place ici pour faire ce travail. Cet opérateur avait été déjà floué dans le cadre de la Lépi (Liste électorale permanente informatisée – ndlr) puisque associé à l’élaboration du cahier de charges et après on l’a abandonné pour aller choisir d’autres. (…)

Moi je n’ai aucun problème avec les étrangers qui font affaires au Bénin ! Je suis pour l’ouverture du Bénin aux investisseurs étrangers, à tous ceux qui peuvent apporter une plus-value à notre économie. Mais quand on a la solution chez soi, on l’abandonne pour aller ailleurs et que la solution qu’on va chercher ailleurs a déjà fait ses preuves en terme de fraudes ailleurs, eh bien, je me demande ce que nous prépare le régime du Président Patrice Talon en fonçant parce que ce régime fonce. Dans sa politique de « ruse » et de « rage », il ne s’arrête devant rien du tout, rien ne les effraie, ils foncent…

On parle de recensement administratif… il y a-t-il alors matière à craindre que le Ravip devienne un instrument électoral ?

Je souhaite que les organisations de la société civile qui, pour moi, craignent à juste titre le pire, n’aient pas raison, je souhaite que les syndicats n’aient pas raison, qu’en dehors du MPS (Mouvement pour la prospérité solidaire), les autres partis politiques de l’opposition, en fin !… ceux qui ont le courage de s’afficher opposition, je souhaite qu’ils n’aient pas raison. Mais avec le régime du Président Patrice Talon, nous devons apprendre à être sur nos gardes.

Voilà un Président, qui avait promis en tant que candidat ne faire qu’un seul mandat. Et je puis vous assurer que ça fait partie des raisons pour lesquelles, entre les deux tours, le candidat Daniel Edah l’avait soutenu ! Après, ce qu’il a voulu faire passer coûte que coûte n’a pas marché, il dit j’aviserai. Si on nous fabrique un Ravip tripatouillé et qu’après on avise pour dire que « les élections coûtent chères, nous avons déjà un outil, qu’on aille puiser dans cela pour actualiser la Lépi », nous avons déjà dit « Oui », l’outil Ravip existe, les données existent, donc à priori ce sont les données de tous les béninois, qu’est-ce que nous allons dire ? On va dire « Non » ? On ne refusera pas ! C’est une question de logique !

Ils ne l’ont pas encore dit. Mais si ça se disait ? Nous devons anticiper… Si on conduit cet outil stratégique dans un climat non consensuel, ça veut dire qu’on n’aime pas le Bénin. Cet outil, s’il est bien conduit, va assoir les bases d’une bonne planification du développement de notre pays à tous les niveaux : au niveau sécuritaire, au niveau financier, au niveau économique, au niveau social… Franchement ! C’est un outil que moi j’avais proposé en tant que candidat pour le Bénin, aujourd’hui, le Président Patrice Talon veut le mettre en œuvre, je ne peux souhaiter que cela se réalise mais il ne faut pas que cela se réalise dans un climat de non consensus, il ne faut pas que cela se fasse à pas forcé…

Pensez-vous donc que le moment est mal choisi pour lancer le Ravip ?

Oui ! Le moment est très mal choisi ! Malheureusement, le régime dit de la « Rupture », du « Nouveau Départ », de « Bénin Révélé » … force une campagne précoce pour les élections législative de 2019 ! (…) De toute façon, moi je suis pour la paix dans mon pays. Je sais que le Bénin est prédestiné à une prospérité solidaire, c’est pourquoi notre parti, le Mouvement pour la prospérité solidaire, se refuse de faire la politique de la « ruse » et de la « rage ».

Nous souhaitons que le Président Patrice Talon pour une fois, entende le peuple, entende la société civile, entende les syndicats, entende tous ceux qui ne chantent pas, ne dansent pas « Rupture », entende tous ceux qui ne sont pas dans le « Bénin Révélé », tous ceux qui attendent encore le « Nouveau Départ » parce qu’on nous a promis le « Nouveau Départ », mais on attend encore… Nous avons serré les ceintures en attendant que le bonheur promis n’arrive.

Quelle est alors votre proposition pour la réussite du Ravip ?

Le Climat de méfiance est très grand maintenant pour qu’on puisse lancer cet outil stratégique là. Il ne faut pas forcer, il ne faut pas forcer, il ne faut pas forcer… Je ne suis pas contre le Ravip, mais je souhaite qu’on puisse différer sa mise en œuvre. On laisse passer les élections législatives de 2019 et au lendemain des élections législatives de 2019 on enclenche le processus, là, on serait dans un climat plus ou moins serein.

Votre mot de fin…

Le Bénin ne peut pas se construire dans la discorde. Le Bénin ne peut pas se construire dans la « ruse » et dans la « rage ». La « ruse » et la « rage » ne rassemblent pas, elles divisent et le Bénin ne peut pas se construire dans la division. Un outil comme le Ravip n’a pas besoin de « ruse » et de « rage ». J’en appelle à la conscience et à la foi de tous ceux-là qui croient en Dieu parce que je sais que le peuple béninois est éminemment croyant dans la diversité de nos croyances religieuses et pour l’amour de Dieu, je demande que la balle soit ramenée à terre et que nous puissions aller au dialogue, choisir un moment où il y a le consensus pour réaliser cet outil.

La non-réalisation du Ravip n’empêchera pas le Président Patrice Talon de mener une politique qui donne à manger au peuple béninois, ne l’empêchera pas de faire en sorte qu’il y ait une politique qui permet l’émancipation économique de notre pays. Je sais qu’il peut, sinon il ne serait pas là. Je prie pour qu’il réussisse parce que s’il échoue, c’est nous tous qui aurons échoué et tous ceux qui disent aimer Dieu, pour tous ceux qui disent croire à Dieu puissent savoir que conduire le Ravip à pas forcé avec « ruse » et « rage », c’est démontrer le désamour pour notre pays. Je sais qu’ils aiment le Bénin et je sais qu’ils vont m’entendre. Dieu bénisse le Bénin, je vous remercie.

Les commentaires sont fermés.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus