Bénin : après avoir pris l’économie en main, Patrice Talon veut régenter l’espace politique

Dur, dur pour le président Patrice Talon de respecter ses engagements vis-à-vis du peuple béninois qui l’a plébiscité à plus de 65% en avril 2016. Et, tout prouve qu’il en restera ainsi jusqu’en 2021. L’on pensait tout haut qu’un homme d’affaires de la trempe de Patrice Talon ne pouvait que réussir. En avril 2016, Patrice Talon est arrivé au pouvoir avec des promesses plein la bouche. On allait voir ce qu’on allait voir puisqu’il disait s’être bien préparé pour le job. Il allait faire un seul mandat pour tout réformer ; il nous avait promis qu’il allait surgir, agir et disparaitre en étant porté en triomphe.

Pendant que le peuple souffre, Talon et son clan se sont emparés des secteurs stratégiques de l’économie nationale. Le coton, le port, l’aéroport, l’anacarde ; des sociétés privées appartenant au clan sont créés à la place des sociétés d’Etat liquidées avec le renvoi la plupart du temps, des travailleurs qui y officient. Martin Makou, éminent professeur de mathématique appliquée à l’université d’Abomey-Calavi, disait toujours : devant un problème mathématique, la première des choses c’est de pouvoir répondre à la question « que nous demande-t-on ? ». Il ajoutait qu’avec une bonne identification du problème, sa solution était à moitié trouvée.

Certes, les sciences sociales ne sont pas les mathématiques, mais un politique dont l’ambition première est de résoudre les problèmes qui se posent à sa société, a besoin d’une bonne méthode pour atteindre les objectifs pour lesquels il a acquis un mandat de ses concitoyens. Aussi, la première préoccupation du président élu de 2016, Patrice Talon, n’était-elle pas de répondre à la question « que me demande le peuple béninois ? ». En répondant à cette question et en l’ayant toujours en tête, les dérives constatées autour de sa gouvernance depuis bientôt deux ans, aurait été minimisées, car il se serait donné les moyens politiques, diplomatiques, humains, matériels et financiers idoines pour atteindre les objectifs fixés.

Ce n’est certainement pas le moment de faire le bilan de la gouvernance Talon, mais force est de constater que le locataire du Palais de la Marina a désillusionné ses plus fanatiques partisans. L’analyse de sa gouvernance nous amène à nous poser la question de savoir : « est-ce-que le président élu s’est posé la bonne question ? Est-ce que notre président avait les objets vers lesquels, il faut tourner le regard de l’esprit à fortiori les mettre en ordre de priorité ? »

Au commencement était la lutte contre la corruption. Une lutte contre la corruption qui consiste en des audits sélectifs et ciblés contre les opposants ou ceux qui refusent de se coucher. Si vous avez des casseroles et que vous voulez la paix, vous rejoignez la majorité présidentielle. Il en est ainsi de beaucoup de députés et de ministres membres de celle-ci (Construction du siège de l’Assemblée Nationale, Icc-Services, Maria-Gléta, machines agricoles, PPEA2) etc..

Dans le cadre de l’utilisation de la justice comme instrument de règlement de compte, le cas le plus emblématique est l’arrestation de Laurent Mètongon depuis le 17 novembre 2017 à la suite d’une cabale montée de toute pièce. Est-il normal qu’on mette quelqu’un en prison sur la base de déclaration d’une autre personne prétendant lui avoir envoyé 2.500.000frs par personne interposée alors que la personne supposée lui avoir remis l’argent déclare que c’est faux ?

Pendant ce temps, le maire de Porto-Novo soupçonné d’avoir volé 250 millions de frs est laissé en liberté. En réalité, Talon veut faire taire toute voix discordante. Il ne veut plus entendre de critique à l’encontre de ses agissements. Et pendant que des audits se multiplient à l’encontre d’opposants et d’empêcheurs de voler en rond, des ministres et des proches du chef de l’Etat impliqués dans des dossiers de corruption, ne sont pas inquiétés. Mais il y a plus grave aujourd’hui.

En effet, depuis quelques temps circule sur les réseaux sociaux, une proposition de loi dite réforme du système partisan à propos de la création et de la vie des partis politiques. De ce qui ressort de ce texte, si cette loi passe à l’Assemblée, c’en est fini des libertés politiques. Dans ce texte, il est prévu la création d’une agence appelée ANESP logée à la présidence et qui s’occupera de la vie et du fonctionnement des partis politiques. Tout ce qu’ils n’ont pas pu imposer à notre peuple lors de la révision manquée de la Constitution, ils veulent le lui coller par la bande.

Toutes ces initiatives nous amènent à nous détourner des problèmes cruciaux non résolus du pays. Et finalement, aucun problème crucial n’a eu de solution ; c’est l’impasse. Ce qui est sûr, on ne peut pas dire du président qu’il manque de méthode de gouvernance, mais les actions de cette méthode s’apparentent plutôt comme le dit l’américain Herman Melville, dans son célèbre roman Moby Dick, à « des entreprises pour lesquelles la vraie méthode est un désordre intentionnel. »

Gilbert Makou

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