Bénin : de la caporalisation des partis politiques par Patrice Talon ?

Dans la perspective d’instaurer un financement public des partis politiques visant à l’animation de la vie publique, conformément aux dispositions constitutionnelles, un projet/proposition de loi sur la charte des partis sera soumis à l’examen des députés. Ayant obtenu un exemplaire de ce projet/proposition de loi, il y a lieu de souligner certaines incongruités intellectuelles dans les dispositions légales proposées.

Sans se prévaloir de l’opportunité d’instituer une énième agence dédiée au suivi des partis politiques (dans un contexte affirmé de rationalisation des dépenses publiques décidées par le gouvernement du président Patrice Talon), on peut s’interroger de la tutelle présidentielle de cette agence à naître. En d’autres termes, cette agence vise à davantage renforcer les pouvoirs de l’Exécutif et par ricochet du Chef de l’État au détriment des partis politiques antagonistes dit d’opposition.

En d’autres termes, un président qui nommerait des hommes dignes au sein de cette agence pourra s’assurer de contrôler indirectement « ce guichet unique » des partis politiques. J’ai pu identifier plusieurs griefs à cette agence dénommée « Agence nationale d’enregistrement et de suivi des partis politiques (ANESP) » :

  • De l’indépendance de l’ANESP

Comment garantir l’indépendance d’une agence qui assure l’immatriculation, le financement des partis politiques lorsque cette agence est sous l’autorité du Chef de l’Etat qui en assure un contrôle de fait ? Et pourtant le Chef de l’Etat Patrice Talon a récusé à maintes occasions l’hyperpuissance du président de la République dans notre système politique. Pourquoi s’arroger le contrôle indirect de l’ANESP ? Le ministère de l’intérieur à travers les préfectures peut conserver ses prérogatives d’immatriculation des partis politiques sans immixtion de la présidence de la république.

  • De la composition et du fonctionnement de l’ANESP

Comment garantir le bon fonctionnement de l’ANESP avec des membres amovibles selon la majorité parlementaire ? En associant à la direction de l’ANESP des membres des partis politiques majoritaires à l’assemblée, on pourrait assister à un caporalisme ou un bicamérisme de l’institution si le président en place à une majorité confortable à l’assemblée nationale. Cette situation pourrait conduire dans le pire des cas à rejeter les demandes d’enregistrement de nouveaux partis politiques d’obédience d’opposition.

De plus aucune limitation de la durée du mandat des membres de l’ANESP n’est précisée dans le projet/proposition de loi, un écueil à l’indépendance des membres. Par ailleurs, attribuer de facto la présidence du comité de pilotage de l’ANESP au représentant du président de la république vise à vassaliser l’agence et la mettre sous le contrôle exclusif du Chef de l’Etat.

À titre comparatif, en France, l’institution en charge de la mission d’enregistrement des partis politiques est le ministère de l’intérieur. Quant à la supervision des comptes de campagne et des dépenses électorales c’est une entité administrative autonome et indépendante, la Commission Nationale des Comptes de Campagne et de financement et des financements politiques (CNCCFP). Elle est composée exclusivement de hauts magistrats professionnels dont le mandat est limité à cinq ans mais toutefois renouvelable.

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