Dettes de l’Etat béninois : Un si long parcours du circuit financier

Les prestataires de services au profit de l’Etat peinent avec les procédures de paiement de leurs créances sur l’Etat. Les engagements voire les chèques même du trésor ne sont facilement libérés que sur des concessions faites par l’entrepreneur, malgré la rengaine de réformes à l’ère de la « Rupture ».

Les réformes annoncées par le nouveau système au pouvoir présageaient d’un assainissement sérieux du climat du partenariat public-Privé. Mais cela semble du leurre. A preuve, il n’est pas facile d’entrer dans ses fonds après prestation de service au profit du secteur public. L’exécution correcte de missions assorties de contrats dûment enregistrés au service des domaines n’autorise pas ipso facto la rétribution immédiate du service fait. Tant la procédure est longue et le règlement très éprouvant pour le prestataire.

Donnons deux exemples pour illustrer

AM est entrepreneur béninois. Il entretient des rapports de marchés avec l’Etat béninois. Il souscrit souvent aux appels d’offres lancés ça et là dans les journaux. Sa capacité lui a permis de gagner quelques marchés dont l’exécution est parfois intellectuelle, parfois de fournitures de biens.

Ainsi adjudicataire provisoire, il a exécuté plusieurs missions dont il attend le paiement depuis un moment, malgré la mise en exécution de la mesure de garantie avant tout engagement.

 AM a déjà fini ses prestations. Il attend d’être payé. Dans un cas, il est muni d’un acte d’engagement dont le processus de règlement paraît extrêmement long et éprouvant. Après les multiples étapes de la structure bénéficiaire, qui a consisté à aller du chargé de la structure au DCF (délégué du contrôleur financier), en passant par le DAF (Directeur des affaires administratives et financières).

Fini cette étape, il doit amorcer la longue marche de la Direction générale du Budget, qui elle aussi a des compartiments aussi complexes, avant d’aboutir au trésor où le traitement est très sélectif, soit à la tête du client, soit sur la base de la disponibilité de la caisse. Même en cas de ressources disponibles, le transfert sur le compte n’est pas facile. A l’insu des chefs en poste, les agents intermédiaires font chanter le bénéficiaire, c’est-à-dire le prestataire.

[bs-quote quote= »AM raconte qu’il a du faire « des concessions », glisser quelque chose avant d’être servi. On lui dit que sans ce geste, son chèque resterait sans être transmis à la BCEAO pendant le temps que désirerait leur cœur. Bref pendant des semaines, la situation est restée telle avant l’intervention de ce « geste stimulateur ». » style= »style-5″ align= »center »][/bs-quote]

Dans le second cas, L. AM reçut un chèque du trésor délivré par la structure bénéficiaire. Ce fameux chèque devra transiter par la caisse d’épargne pour certification (là encore il faut des jours et des jours), aller à l’institution bancaire qui abrite son compte, avant d’échouer au trésor pour y subir la cure de ponction sur droit de paiement. A chaque étape de la procédure, il faut débourser de l’argent pour avoir son argent. L. AM y est passé par là, subissant les affres des agents imposteurs et publicains des temps modernes. Sur le parcours jonché de gens de moralité douteuse et sans scrupule, l’argent a circulé. Pour toucher ses fonds, il faut donner, donner, donner… C’est un véritable nid de corruption, d’agents pourris, un véritable parcours du combattant.

Et si on simplifiait les choses ?

Pourquoi encore faire tout ce parcours, ce circuit labyrinthique après certification de service fait ? Pourquoi faire courir le risque de corruption active à l’entrepreneur qui est soulagé des peines de réalisations ou d’exécution de mission ? Pourquoi ne pas créer un Guichet de paiement de ces prestations, tout simplement ? Sans fioriture ?

L’efficacité des dépenses publiques ou même l’efficacité du service s’en trouverait ainsi renforcée.

Cette lourdeur administrative, créée à dessein, sert plutôt à nourrir des poches de corruption, à alimenter un circuit hors norme tapissé de gens sans foi ni loi.

Il n’y pas de scrupule par ici. Tout baigne allègrement dans la pourriture, dans des pratiques rétrogrades qui résistent aux réformes et au temps.

Il faut trouver la forme simplifiée de règlement de ces genres de créances sur l’Etat. C’est même à ce niveau que résiderait la vraie réforme. Les gouvernants de « la rupture » y sont interpellés, à moins d’y avoir intérêt.

 

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