Situation critique des réfugiés Rwandais: la lettre ouverte de la plate-forme SOS Réfugiés

Les membres de la plate-forme SOS Réfugiés, préoccupés par la situation des réfugiés Rwandais qui sont menacés actuellement par la perte de leur statut de réfugiés d’ici le 31 décembre 2017, ont à travers une lettre ouverte alerté l’opinion internationale. Dans cette lettre adressée au Haut-commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR), ils ont montré le danger que courent les réfugiés si la clause de cessation du statut de réfugié pour les Rwandais devenait effective.
Lire ici l’intégralité de la lettre ouverte…

Bruxelles, le 11 décembre 2017
LETTRE OUVERTE AU HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS
A moins de trois semaines de l’entrée en vigueur de la clause de cessation du statut de réfugié pour les Rwandais, nous, membres de la plate-forme SOS Réfugiés, voulons d’abord pointer du doigt la responsabilité du Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) dans le drame qui guette les réfugiés rwandais à partir du 31 décembre 2017.
Nous sommes essentiellement préoccupés par les milliers de réfugiés rwandais qui jusqu’alors ont trouvé une terre d’accueil en la République du Congo.
Nous dénonçons le fait que depuis 2009, le HCR a manœuvré, en vue de retirer le statut de réfugié aux Rwandais ayant fui le Rwanda avant le 1er janvier 1999, sans tenir compte des préoccupations et des attentes de ces réfugiés ; et pire encore en exposant ces derniers au danger d’être renvoyés vers le Rwanda, pays qu’ils ont fui et qui est régulièrement mise en cause pour ses nombreuses violations des droits de l’homme.
Il convient de rappeler que le grand flux de ces réfugiés rwandais a commencé en juillet 1994 vers la République Démocratique du Congo(ancien Zaïre) car il fuyaient les multiples exactions de l’armée du Front Patriotique Rwandais (FPR). Ensuite, en juillet 1996, ils ont fui les massacres perpétrés dans l’est de la République démocratique du Congo par l’Armée Patriotique Rwandaise ( APR) et les forces de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo entre juillet 1996 et juillet 1998, tels que décrits dans le « Mapping report d’août 2010 » de l’ONU concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo. Ces rwandais, que la communauté internationale a, une nouvelle fois, failli à protéger, sont non seulement les survivants de ces massacres mais en sont également les témoins. Nous estimons donc qu’il est faux d’affirmer que ces réfugiés n’ont aucune raison de craindre pour leur sécurité et leur intégrité physique en retournant au Rwanda. C’est pourquoi, nous sommes convaincus que dans son principe même, la clause de cessation du statut de réfugié est injuste et injustifiée.
En dépit de ce postulat de départ erroné, le HCR, a recommandé que l’application de la clause de cessation soit effective au 31 décembre 2017. Dans la Stratégie globale visant à mettre en œuvre la clause de cessation du statut de réfugié, dont les grandes lignes ont été décidées en décembre 2011, le HCR avait insisté sur le fait que les réfugiés rwandais devaient être associés au processus. Force est de constater que, malheureusement, les réfugiés rwandais n’ont été, ni consultés, ni associés à ce processus.
Il ressort de cette Stratégie globale que lorsque la clause est invoquée par le pays d’accueil, la cessation de statut de réfugié devrait intervenir selon trois modalités, à savoir : l’exemption de l’effet de la clause par l’octroi de la qualité de réfugié à titre individuel, l’intégration locale dans le pays d’accueil, ou le rapatriement volontaire vers le Rwanda.
Fixant les conditions de mise en œuvre de cette clause, le HCR avait prévu que la cessation du statut de réfugié ne pouvait intervenir qu’à condition que les réfugiés, une fois déchus de cette qualité, aient un statut juridique. Orà la veille de l’entrée en vigueur de la clause de cessation de statut de réfugié, ce statut juridique, se fait toujours attendre. En effet, si l’on prend l’exemple des Rwandais réfugiés en République du Congo (Congo-Brazzaville), on constate avec regret, que, non seulement très peu de réfugiés ont été exemptés, et que même les anciens témoins du TPIR n’ont pas eu droit à l’exemption. Quant au soi-disant « rapatriement volontaire », malgré la propagande du HCR et des autorités rwandaises visant à convaincre les réfugiés qu’un bel avenir les attend au Rwanda, cette option suscite légitimement aversion et peur dans la mesure où ces derniers ont été persécutés par l’Armée Patriotique Rwandaise (APR), armée du pouvoir en place au Rwanda depuis juillet 1994.
Pourtant, alors même que, depuis plus de 20 ans, les réfugiés rwandais vivent en harmonie avec le peuple congolais, le HCR n’a pas daigné les associer à la recherche de solution en vue de leur intégration locale durable en République du Congo. Par contre, sans tenir compte de leur qualité de réfugié, le HCR a recommandé aux réfugiés rwandais de solliciter un passeport auprès de l’ambassade du Rwanda, en vue de l’introduction d’une demande de résidence permanente. Pourtant, le HCR n’est pas sans savoir que solliciter un passeport auprès de l’ambassade du Rwanda (pays qu’ils ont fui), reviendrait pour ces réfugiés à se réclamer de la protection de leur pays d’origine, ce qui est impensable pour la majorité d’entre eux.
Nous considérons que c’est justement cette absence de collaboration entre le HCR et les réfugiés rwandais qui explique que ces derniers trouvent inopportunes et dangereuses les solutions proposées unilatéralement par le HCR. Ainsi, selon la dernière mise à jour des chiffres lors de la dernière réunion tripartite tenue fin septembre 2017 entre la République du Congo, le Rwanda et le HCR, on constate que sur les 9 260 réfugiés rwandais installés sur le territoire congolais, 11, seulement, ont opté pour le rapatriement volontaire au Rwanda et 6 ont sollicité un passeport rwandais dans le but d’introduire une demande d’intégration locale, depuis le début de l’année 2017.
Nous, membres de la plate-forme SOS Réfugiés exhortons le HCR, à convaincre le gouvernement congolais de reporter l’entrée en vigueur de la clause de cessation de statut de réfugié pour les Rwandais au lieu d’inciter les réfugiés rwandais soit à rentrer volontairement au Rwanda, soit à solliciter un passeport rwandais dans le but d’introduire une demande d’intégration locale. Ainsi, conformément à ses propres recommandations, le HCR pourrait inciter le gouvernement congolais à tenir compte de la nécessité d’adapter sa législation et permettre ainsi aux réfugiés rwandais d’obtenir une carte de résident permanent selon une procédure et des conditions qui prennent en compte leur qualité particulière de réfugié. Ce report constitue en effet la seule garantie permettant d’éviter que les réfugiés rwandais, qui une fois déchus de leur qualité de réfugié se retrouveront en situation de séjour illégal et deviendront ainsi les cibles d’un rapatriement forcé vers le Rwanda.
Par cette lettre ouverte, nous, membres de la plate-forme « SOS réfugiés » voulons interpeler à nouveau le Haut-commissaire, Monsieur Filipo Grandi, le Haut-commissaire adjoint chargé de la protection, Monsieur Volker Türk, ainsi que la Directrice de la division des services de la protection internationale, Madame Carol Batchelor pour qu’ils prennent en considération les inquiétudes des réfugiés rwandais. Nous espérons vivement que ces hauts dirigeants du HCR voudront bien réagir à la présente et aux autres courriers (emails) qui leur ont été adressés, au nom de la plate-forme SOS Réfugiés, en date du 24 novembre 2017, en rapport avec la situation préoccupante des réfugiés rwandais menacés par l’entrée en vigueur de la clause de cessation de statut de réfugié, dont la date butoir est le 31 décembre 2017. En outre, nous voulons signifier au HCR et à ses hauts dirigeants, qu’il n’est pas trop tard pour bien faire et prendre en considération les attentes légitimes des réfugiés rwandais. Dans cette perspective, le HCR pourrait prendre la même position que celle prise dans la crise burundaise quand il refusait de rapatrier les réfugiés burundais au Rwanda vers le Burundi.
Puisse le HCR , dans sa mission de protection des réfugiés, exhorter le gouvernement congolais à reporter l’entrée en vigueur de la clause, afin de respecter les recommandations qu’il avait lui-même formulé en 2011, lors de l’élaboration de la Stratégie globale de mise en œuvre de la cessation du statut de réfugié pour les Rwandais.

Les membres de la plate-forme SOS Réfugiés

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