Bénin: le scandale des salaires

Entre les salaires politiques et les salaires administratifs, il n’y a pas photo : les écarts sont criants. Au moment où le salaire d’un cadre moyen employé par l’Etat ne dépasse guère les 150 000 F Cfa par mois et que le Smig reste encore théoriquement à 40 000 F Cfa, le député se retrouve officiellement à plus du million comme émolument, soit près de dix fois le salaire moyen. Des ministres se retrouvent à plus de 10 millions F Cfa comme rémunération mensuelle soit 80 fois le salaire d’un cadre moyen.

Ce n’est plus un secret que des ministres béninois gagnent même plus que le président français. Comparaison n’est pas raison, certes ; mais dans un pays ‘’en voie du sous-développement’’, devrait-on gagner plus que dans un pays développé ?

Pourtant, c’est sur le même marché que gagne-gros et gagne-petit vont tous s’approvisionner. La discrimination déjà flagrante s’est accentuée à l’ère du Nouveau départ où des chiffres hors de tout entendement sortent. Le ton est donné avec les émoluments de 10 millions F Cfa payés à chaque membre de la Commission chargée de proposer des amendements à la Constitution. 10 millions pour quelques semaines de travaux, une somme que n’est pas sûr d’avoir comme économie, l’agent moyen de l’Etat après trente ans de service. Le cas des préfets qui se retrouvent désormais, dans un bond quantitatif considérable, à plus de 5 millions F Cfa comme émoluments ne passe inaperçu..

Alors que bon nombre d’agents employés par l’Etat tirent le diable par la queue ! Il y a encore quelques mois, par exemple, la moitié de l’effectif de la Police nationale se retrouvait avec moins de 50 000 F Cfa par mois pour chaque agent devant assurer ses cinq besoins fondamentaux et ceux de sa famille. C’est scandaleux !

Depuis près deux ans, les agents espèrent une augmentation de salaire qui ne vient toujours pas. Le relèvement du Smig à 100 000 F Cfa serait annoncé pour l’année prochaine. En attendant, c’est la revue des statuts particuliers dans quelques secteurs. C’est ainsi qu’après les forces armées, il a été proposé aux magistrats qui ne le réclamaient pas expressément, une augmentation de salaire dans l’ordre de presque du double voire du triple. Dans ce pays, il y a quelques années, des enseignants du supérieur à travers des grèves perlées, le gouvernement pressuré a dû fléchir pour leur concéder entièrement des avantages mirobolants, multipliant certains salaires par 3. Dans le même temps, les autres agents n’ont eu, après maints mouvements, en tout et pour tout que 25 % (0,25) d’augmentation de salaire.

Dans ces conditions, comment les agents les plus valeureux ne vont-ils pas sauter sur la première occasion pour aller servir à l’étranger et contribuer au développement des autres pays ?

L’échelle des salaires est trop élargie. Et si l’on n’y prend garde, des grognes peuvent laisser place à des mouvements plus corsés. L’on espère que la fronde sociale en cours n’ira pas jusque-là. Déjà que la motion des secrétaires généraux des centrales et confédérations syndicales mentionne clairement, entre autres, « la revalorisation du point indiciaire ; le règlement des problèmes catégoriels de tous les agents de l’Etat et des secteurs privé et parapublic ; l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) et la hiérarchisation des salaires minima ».

Ça craint, dans la mesure où les travailleurs frustrés et aux abois commencent à violer violemment les ‘’lignes rouges’’. Les menaces tonitruantes et va-t-en-guerre n’ont pu rien faire à l’affaire. Les demandes d’explication empreintes d’injures aux responsables de la sécurité ne règleront pas non plus le problème, encore moins les vociférations tapageuses, rageuses et humiliantes sur les agents en pleine rue. Si l’agent a dû mal à manger, comment peut-il avoir le cœur à l’ouvrage et donner la pleine mesure de ses capacités ? Ventre affamé n’a point d’oreille. Comment espérer un minimum de vertu des agents qui ont faim ? Peut-on s’attendre vraiment à ce que la corruption recule alors que les agents des services publics ne sont pas à l’abri du besoin ?

Si les salaires politiques sont dix voire cent fois supérieur à ceux administratifs, comment ne pas observer la course effrénée actuelle des jeunes vers la ‘’rivière’’ politique avec la création tous azimuts de mouvements et de partis politiques ? 

Il urge de corriger l’injustice en payant les agents à leur juste valeur, en revalorisant les fonctions et les salaires, non pas par sectarisme fondé sur des statuts particuliers mais plutôt dans un cadre global et général, afin d’arrêter la saignée de la fuite des cerveaux et de réduire quelque peu le fossé entre les fonctionnaires ‘’riches’’ et les ‘’pauvres’’. Ainsi, l’Etat contribuera sans doute à booster les performances de l’administration publique ; les agents ne peuvent que faire semblant de travailler quand l’employeur se donne dans un simulacre de paiement de leurs efforts.
C’est ce que je crois.

Claude Urbain PLAGBETO

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