Cameroun : une plainte déposée contre l’État pour l’obliger à rétablir l’internet en zones anglophones

En janvier 2017, suite aux mouvements de sécession des milieux anglophones au Cameroun, le président Paul Biya avait imposé une coupure de trois mois en réponse aux manifestations. Mais le rétablissement, en avril 2017, n’avait été que de courte durée. Dès les mois suivants,  et alors que la crise s’intensifiait, le pouvoir imposait un nouveau blackout numérique qui dure toujours.

C’est dans ce climat social tendu, et alors que Paul Biya se présente à sa propre succession lors de l’élection présidentielle d’octobre 2018, que la plainte a été déposée. Cette plainte a été déposée le 15 janvier contre l’État camerounais devant le Conseil constitutionnel, pour contester les multiples coupures d’Internet dans les régions anglophones qui durent depuis un an.

Pour les plaignants, les dommages causés par 235 jours sans Internet ou presque se comptent aussi en millions de dollars. Les régions anglophones privées de réseau abritent, notamment, la Silicon Mountain camerounaise, autour de la ville de Buéa. Internet sans frontières évalue les pertes pour l’économie camerounaise à 39 millions de dollars.

La coupure de l’Internet affecte aussi la situation sanitaire. “Nous avons recueilli des témoignages d’habitants qui, privés d’Internet, n’ont pas pu contacter leur médecin, alors qu’ils avaient besoin de soins, et aussi des médecins qui avaient pris l’habitude de s’entraider sur WhatsApp et ne peuvent plus le faire”, souligne Melody Patry, directrice de plaidoyer pour Access Now, contactée par France 24.

Melody Patry espère que le gouvernement camerounais sera condamné non seulement pour le bien de la minorité anglophone mais aussi pour “créer un précédent”.

C’est la première fois qu’un État est poursuivi pour des coupures de réseau Internet. Les ONG qui interviennent dans le dossier espèrent créer un précédent, alors que plusieurs pays africains ont eu recours à cette pratique ces derniers mois pour étouffer les mouvements de contestation.

« Cette réponse disproportionnée de la part du gouvernement camerounais pour faire taire la contestation doit être condamnée. La Cour a une opportunité de faire jurisprudence pour les futurs victimes de coupures d’Internet. Mais nous sommes conscients qu’avec les élections qui approchent et dans un contexte aussi tendu, ce ne sera pas évident de faire aboutir cette plainte », conclut Maximilienne Ngo-Mbe du Redhac.

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