Erdogan chez Emmanuel Macron : les bonnes relations commerciales passent avant les droits de l’homme

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est reçu vendredi à Paris par son homologue Emmanuel Macron pour discuter de la Syrie, de l’Europe. Cette visite est la plus importante du chef de l’Etat turc dans un pays de l’Union européenne (UE) depuis le putsch manqué de juillet 2016 et la répression qui l’a suivi.

Erdogan sera accueilli à la mi-journée par M. Macron à l’Elysée pour un tête-à-tête suivi d’un déjeuner à l’issue duquel les deux présidents s’exprimeront devant la presse.

Cette visite fait grincer des dents à gauche en France: elle a été condamnée par le parti d’extrême gauche France insoumise et le Parti communiste français tandis que la Ville de Paris, dirigée par la socialiste Anne Hidalgo, s’est dite « préoccupée » par le « respect des droits humains et de la démocratie locale en Turquie ».

Mais l’Elysée la justifie par le souci d’Emmanuel Macron de « maintenir le fil du dialogue » sans « cacher les divergences », comme il le fait avec les autres dirigeants.

Ce « dialogue exigeant », selon la présidence, a été initié au cours de rencontres au sommet de l’Otan en juillet puis en marge de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre. Les deux hommes se sont parlé au téléphone à de nombreuses reprises, notamment après les arrestations en Turquie de deux Français, le photoreporter Mathias Depardon et l’étudiant en journalisme Loup Bureau.

Emmanuel Macron a affirmé mercredi qu’il évoquerait avec son invité « la situation des journalistes emprisonnés » en Turquie. « Je le ferai dans le respect mais avec le souci de défendre (…) nos valeurs et nos intérêts », a-t-il précisé.

Dérapage turc sous le président Erdoğan

Plus de 140.000 personnes ont été limogées ou suspendues et plus de 55.000 ont été arrêtées, dont des universitaires, des journalistes et des militants pro-kurdes.

Amnesty International a exhorté M. Macron à rappeler « fermement » à M. Erdogan que « les défenseurs des droits humains n’étaient pas des terroristes ». Des syndicats et organisations de journalistes, dont RSF, lui ont demandé de « dénoncer avec fermeté l’injustice qui frappe les journalistes turcs ».

Depuis l’élection du président turc, la Turquie a sombré dans la dictature, l’obscurantisme et la pauvreté à terme, uniquement pour l’intérêt personnel d’un mégalomane. La Turquie est victime d’un dérapage démocratique. Le chef d’État de ce pays transitoire entre l’Europe et l’Asie a entrepris une véritable chasse aux sorcières dans le milieu médiatique et dans la société civile.

À la suite de l’arrivée au pouvoir d’Erdoğan en 2014, les procureurs ont ouvert plus de 2000 cas d’insultes sur le président. Le nombre de journalistes passant au tribunal pour des raisons semblables, ainsi que ceux se faisant régulièrement menacer, voir tuer, a augmenté de façon considérable. Selon Reporters sans frontières, la Turquie occupe le rang 151 sur 181 en matière de liberté de presse.

La purge du président Erdoğan est non seulement sur les médias, mais aussi sur les différents acteurs de la société civile. Après le coup d’État militaire raté de juillet 2016, plus de 1125 associations et 19 syndicats ont été dissous. Bien que la Turquie comporte certaines composantes propres à un système démocratique telles que des élections libres, un régime républicain ainsi qu’une pluralité de partis politiques, qu’est-ce qui explique la lame de fond autoritaire du chef d’État?

La présence de l’armée sur l’échiquier politique est remarquable. Celle-ci est chargée d’éduquer la population, de lui inculquer les valeurs de la république, ce qui va lui donner une importance capitale dans l’imaginaire collectif de la Turquie. Cette perception d’être la responsable de l’intérêt national a amené l’armée à poser plusieurs coups d’État, dont le dernier étant celui de juillet 2016.

L’armée sert avant tout à combattre les ennemis extérieurs de la Turquie. Or, elle s’est donné le mandat de combattre aussi les ennemis de l’intérieur, ceux contre la modernisation de la Turquie et indirectement de l’idéologie Kémaliste. Par conséquent, la culture d’influence de l’armée dans la vie politique du pays amène de l’autoritarisme, du nationalisme et du militarisme. Sous prétexte de protéger le pays « d’ennemis de l’intérieur », cela ouvre la porte aux bris de liberté sur la société civile.

Sur le plan bilatéral, la France et la Turquie souhaitent accroître leurs échanges économiques qui s’élevaient, en 2016, à 13,38 milliards de dollars, selon Ankara. La France veut avancer sur le projet de la construction, par Areva avec le Japonais Mitsubishi, d’une centrale nucléaire à Sinop, sur les bords de la mer Noire.

Une rencontre pour « maintenir le dialogue économique » ?

La France est aujourd’hui le deuxième investisseur étranger en Turquie, avec un stock d’investissements de 13 milliards de dollars. 300 entreprises françaises se en Turquie et  emploient plus de 70.000 salariés et font vivre, au total, plus de 300.000 personnes.

C’est donc en réalité pour relancer les échanges économiques dans l’intérêt des deux pays que cette rencontre a lieu.

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