Liberia : un grand reporter dévoile le chantier titanesque qui attend le nouveau président

George Weah a prêté serment lundi 22 janvier comme président du Liberia devant des milliers de partisans en liesse, pour la première passation de pouvoirs entre deux présidents élus dans ce pays depuis 1944. L’ancien footballeur avait été élu au second tour de l’élection présidentielle, le 26 décembre dernier, avec 61,5% des voix.

Pour Vincent Hugeux, grand reporter à L’Express et spécialiste de l’Afrique interrogé par franceinfo, il faut que l’ex-attaquant star du PSG, âgé de 51 ans, montre sa capacité « à rompre avec des pratiques détestables de népotisme, de clientélisme ».

Vincent Hugeux : Ce pays a besoin d’un gouvernement fonctionnel, qui soit capable d’éradiquer un fléau récurrent, la corruption. Le chantier auquel s’attaque George Weah est absolument titanesque. Songez que ce pays est le 177e sur 188 au classement du développement humain de l’ONU, qui prend en compte le PIB par tête mais aussi des critères beaucoup plus objectifs comme le niveau de l’éducation ou de la santé. Voici quelques exemples très simples : combien de médecins généralistes y a-t-il aujourd’hui au Liberia ? Il y en a 59, deux psychiatres, dont un retraité qui a repris du service récemment et six gynécologues. Voilà où on en est. Il faut que George Weah montre sa capacité, ne serait-ce que par la composition de son premier gouvernement, à rompre avec des pratiques détestables de corruption, de népotisme, de clientélisme et à s’attaquer vraiment à ces dossiers du quotidien pour lesquels il a promis de changer la vie de chaque Libérien.

Pensez-vous qu’il va trouver beaucoup d’opposition sur ce chemin ?

Il y a l’élan populaire, mais il y a aussi une classe politique dont il faut dire un mot. Ce qui se joue aujourd’hui au Liberia, c’est d’une certaine manière une revanche sociale. Ce pays a été fondé en 1822 pour y accueillir des esclaves affranchis, deu retour des États-Unis. Il est devenu la première république indépendante d’Afrique en 1847. Mais à cette époque-là vous aviez une petite élite minoritaire américano-libérienne, 5% à peu près de la population, qui a assujetti les autochtones dans un régime qui s’apparentait d’assez près à l’apartheid. Il a fallu attendre 1904 pour que ces citoyens locaux, les « natives », soient considérés comme des citoyens de plein droit et de plein exercice. Pour la classe politique traditionnelle, archi-dominée par cette petite élite, George Weah était vraiment le « footeux bas de plafond », ils avaient pour lui un immense mépris. Je crois qu’il y aura en sous-main des résistances à un changement qui, forcément, sera préjudiciable à des rentes de situation décennales.

Est-ce qu’il doit tout simplement établir, ou rétablir, la démocratie dans ce pays ?

Historiquement, c’est la première fois que vous avez une dévolution du pouvoir en passant par une transition démocratique normale. Certes, la sortante Ellen Johnson Sirleaf, prix Nobel de la paix, avait enchaîné deux mandats, mais jusqu’ici tout avait toujours été chaotique. On passait d’un coup d’État à une guerre civile, d’une guerre civile à une prise de pouvoir. Il va aussi falloir inscrire dans la continuité historique le fait qu’il est normal qu’un homme élu succède à une femme élue ou à un homme élu. C’est aussi un très gros chantier. Pendant sa campagne de premier tour, George Weah était presque estomaqué par l’immensité des espérances placées en lui. Il disait : « Ils sont tellement avides de changement, je n’ai pas le droit de les décevoir. »

Source: Franceinfo

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