Bénin : Constantin Amoussou s’adresse à Gaston Zossou dans une lettre ouverte

Constantin Amoussou devenu depuis quelques jours très actifs sur les sujets de l’actualité ne laisse aucune occasion pour dénoncer la gouvernance du régime en place. Il n’hésite pas à interpeller certaines personnalités qui sortent pour défendre le gouvernement du nouveau départ qui, selon lui est en déphasage avec les aspirations du peuple.

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C’est dans cette logique qu’il vient d’envoyer une lettre ouverte au Directeur de la Loterie Nationale, Gaston Zossou qui a défendu le retrait du droit de grève à certains fonctionnaires de l’Etat dans sa dernière sortie médiatique.

LETTRE OUVERTE À MONSIEUR GASTON ZOSSOU

( DE CONSTANTIN AMOUSSOU )

Monsieur le ministre, cher ami;

Au brillant orateur que les « Rupturiens » et quelques autres, sur la toile et dans la presse, saluent depuis dimanche dernier, à juste titre, je dresse ma part de lauriers, en toute sincérité.

Après tout, je dois convenir qu’en bien des matières, il y a lieu d’admettre le <désert de compétences > qui sévit en notre pays; et de cela, en savoir gré aux rares pépites qui scintillent.

Mais il y a lieu ensuite, au-delà des ressources
plastiques de la langue et de l’habileté de l’orateur, d’examiner le niveau d’élevation de l’esprit, sa puissance, sa sincérité, son autorité, sa fidélité.

J’ai une brûlante envie de vous parler.

I*- *SUR LE DROIT DE GRÈVE

Monsieur le ministre, cher ami;

Je n’ai point le moyen d’objecter sur les termes de référérence de votre sortie, sur le cahier des charges, sur la mission assignée.

Mais comme chaque aspirant tribun sait devoir remuer les âmes ou attendrir les cœurs, selon le but visé et les circonstances du dossier; j’eusse bien pu m’en tenir à être un bienveillant examinateur des techniques de la rhétorique, et saluer l’industrie de votre esprit, dans l’habile choix des armes les plus sophistiquées, pour attendrir le magistrat que vous avez couronné; couronné tel qu’il a paru bienséant aux Juifs de placer un sanglant signe de majesté sur la tête du charpentier qui se fut voulu roi, l’outrecuidant; et le crucifier, ironie du sort, sur la matière même qu’il avait coutume de raboter.

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Notre monde n’est pas doux aux souvenirs.

Mais voilà, Monsieur Gaston ZOSSOU, cher ami ;

Vous avez soutenu ce dimanche, que priver les magistrats du droit de grève, est « un signe de majesté; c’est mettre une couronne sur leur tête »; avant de conclure: « je me réjouirais si j’appartenais à une corporation à laquelle on veut retirer le droit de grève ».

J’ai sous la main un joli bouquin paru en 2014 intitulé Le devoir de parler dont vous êtes l’auteur, et dont vous m’aviez fait l’honneur d’être me préfacier.

Pour l’avoir écrit, vous aviez dû le penser, le concevoir.

Écrit dans l’ardeur de nos communes batailles contre le défunt régime, il est la compilation de vos publications, une année durant, sur facebook; et voilà le message qu’il porte: « À l’heure où je rédige ce texte, les magistrats de notre pays entrent en grève de soixante-douze heures, pour protester contre les abus de toutes sortes… La bataille des magistrats qui s’engage ce matin est celle du peuple entier… »

Monsieur le ministre, ce texte a été pensé par vous, écrit par vous, médité par vous, posté par vous le 25 juin 2013 sur votre propre mur Facebook; et enfin, à votre souhait, a fait l’objet d’une compilation et est inscrit, noir sur blanc, aux pages 39-40.

Le grand humaniste et défenseur des causes justes dont j’ai été le proche ami, dix (10) années durant, n’eût été qu’incomplet en s’en arrêtant là; et il n’eût point été semblable à vous, car bientôt, vous aviez joint l’acte à la parole, en allant marcher sur le Palais des Gouverneurs, aux côtés des magistrats le jeudi 17 juillet 2014, contre justement, le retrait du droit de grève aux magistrats.

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Comme vous, Monsieur le ministre, Martin Assogba et Joseph Djogbénou ont marché en cette année 2014, contre le retrait du droit de grève aux magistrats, sous YAYI avec force arguments; et comme vous, Joseph Djogbénou et Martin Assogba ont porté, soutenu, défendu sous Talon en 2017 et 2018, les faits qu’ils avaient combattus hier sous Yayi.

Il en est autant de quelques figures que je peux citer, et dont je tiens en archives les propos pour le cas où ils seraient intéressés de se voir rafraîchir la mémoire (pour ne point se risquer à tort dans un procès en diffamation); et leur revirement spectaculaire sous Talon: ils s’appellent entre autres Maître John MIGAN et Jacques AYADJI.

Monsieur le ministre, cher ami;

À vous, et à vos/nos amis ci-dessus, j’ai une brûlante envie de poser une question:

-Quelle magie s’est-elle opérée pour que les choses qui étaient mauvaises pour vous et moi, vues par vous et moi, hier, sous Yayi, soient devenues subitement bonnes, et même, signes de majesté et de couronnement aujourd’hui, sous Patrice Talon, dans le même pays, concernant la même corporation, dans des contextes identiques?

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Que penserait feu Thobias Gnansounou, du fond de sa tombe, si on lui apprenait à lui, et à feu Maître Zacharie Sambaou; l’un et l’autre ayant mis leur métier, mais surtout du cœur, à être témoin et acteur de cette belle bagarre pour les libertés, si on leur apprenait que le retrait du droit de grève est un honneur, un privilège dont les victimes devraient s’honorer ?

Comme la plupart des avocats et des magistrats, cible de votre belle emphase; comme la plupart des apprentis rhéteurs, j’ai dû lire Cicéron et Tacite, Démosthène et une belle partie des Sophistes.
Ce qui m’a paru le sommet de la pertinence, pour cerner l’orateur, c’est le canon de Quintilien : »Vir bonus dicendi peritus » ( un homme de bien qui sait parler).

Mais c’est moi, car c’est en vain qu’on confesse un malfrat ( je ne parle pas de vous); en vain aussi qu’on se lève avant le soleil pour convaincre Socrate de renoncer à son enseignement, pour sauver sa peau; en raison de l’unité ontologique entre le discours, son sujet et sa matière.

Au reste, je trouve assez charmant votre discours sur les enseignants, eux aussi sublimés, avant d’être mis en situation d’admettre leur sacerdoce; et de s’en tenir à cela, au joli motif qu’ils sont trop nombreux, malgré eux, pour être aussi bien traités qu’un préfet, se fût-il agi du plus gras délinquant de la République ; et eux, des plus honnêtes citoyens.

Enfin, s’agissant des médecins, votre message traduit un excellent sens humain et vous pose tel que je vous ai connu dix (10) années durant.
Moi-même ai été quelque fois victime de grève des médecins, et je m’en fais mon idée.

Mais que devrait-il se passer dans la tête de l’honnête homme, quand il apprend qu’un chef d’État reçoit des agents de santé en grève, obtient d’eux, le dégel; mais parallèlement, à la faveur de la pénombre, se meut dans les ténèbres pour les ligoter dans le dos et leur asséner un violent coup de poignard ?

De quel nom désigne-t-on un tel chef d’État?

De la foule d’images ambivalentes qui assaillent mon esprit, je suis perdu, cher ami, Monsieur le ministre.

Je ne sais plus que retenir de vous, mes amis, de tous ; et c’est à peine s’il ne m’arrive pas de douter de moi-même.

II – DE LA GOUVERNANCE SOUS LE RÉGIME TALON

Monsieur le ministre, cher ami;

Lorsque je dis SDI, DFA, SODECO, MORPHO DYS, BENIN CONTROL, SAFRAN, OFMAS… que se passe-t-il dans votre âme, en votre esprit?

Dans mon esprit à moi, et peut-être de nombre d’autres Béninois, je vois un clan ramasser des centaines de milliards, sans aucune procédure, sans compétition; je vois une main invisible, celle du diable, à l’œuvre; et je vois, des milliers de travailleurs licenciés par leurs entreprises parce que les sociétés du « patron« , enfin, du clan du patron, pourraient avoir imposé un monopole en tout presque, et charcutent le pays en morceaux, mangent la chair et s’abreuvent du sang.

Je peux vous sortir quelques décrets à votre requête.

Or, voilà, j’ai lu dans ce joli bouquin vôtre, Le devoir de parler que vous m’avez fait l’honneur de préfacer qu’: « il y a des aînés pour qui, peu importe le mal qui est commis, pourvu qu’eux restent en bordure de la marmite« . (P.76)

Je cherche sous quels visages l’on peut reconnaître aujourd’hui les aînés que vous décriviez hier.

Aujourd’hui, les marchés gré à gré illégaux règnent; ils sont légion et les montants concernés donnent le vertige au petit usager des Lettres que je suis.

Mais ils n’ébranleront peut-être jamais la conscience d’un Procureur; car 45 milliards sont bien inutilement engloutis à Maria Gléta; et le parrain de ce forfait est devenu puissant ministre dans le gouvernement du régime dit de la Rupture, nommé, maintenu et reconduit; 20 milliards partis en fumée dans le dossier de construction du siège de l’Assemblée nationale, et les auteurs de ce drame sont réfugiés au parlement, dans le Bloc des Marchés Publics.

Cela n’émouvra peut-être que quelques idiots de mon espèce.

L’opération  » Mains propres  » que j’ai souhaitée, que beaucoup de Béninois souhaitaient, qu’en reste-t-il de crédible lorsque la justice, au lieu de s’intéresser, de façon équitable, à toutes les personnes, sans distinction de clans, soupçonnées de crimes économiques, en leur offrant la garantie d’un procès équitable, est tenue par un homme, en lequel la République voyait un honnête citoyen, mais qui eut la belle inspiration, un jour, de promettre une gouvernance faite de  » RUSE » et de « RAGE »?
Les braves journalistes qui vous recevaient, eux, avaient l’audace mesurée; et se sont bien gardés de compléter la liste que vous  » teniez ».

Eussé-je été à leur place, je vous eusse demandé le nom du promoteur de Fifty-fifty ; le nom de l’élu mis en cause par le scandale du PPEA 2.

Je vous eusse cité le scandale des machines agricoles et rappelé à votre attention, sans souligner qu’il est le beau-frère de M.Olivier Boco, que M.Rock Nieri était, avant PPEA2, déjà le cerveau du scandale des machines agricoles; que les rapports d’enquête citent et soupçonnent le député BMP André Okunlola, confortablement assis à l’Hémicycle à côté de Janvier YAHOUÉDÉHOU et que selon ce dernier, Olivier BOCO, qui est dit avoir vu Patrice TALON nu, dans je-ne-sais-quel-contexte, serait le véritable cerveau de ce qui a tout l’air d’une mafia.

À ces récriminations de notre population, la Rupture répond en cassant les commerces des petites gens, en supprimant les avantages des travailleurs, en multipliant par vingt ( 20), certains salaires politiques, en faisant d’un délinquant, préfet de police; en chassant des abords des rues, les pauvres citoyens, sollicitant charité ou vendant à la sauvette; et vous, M.ZOSSOU, homme qui *hait le MAL, homme qui hier s’émouvait pour : »les mères qui peinent à offrir un repas quotidien à leurs enfants, nos jeunes femmes et hommes qui voient l’horizon s’assombrir devant leurs yeux, les enfants du pays qui sont brimés, traqués et mis à genoux » ( voir votre message du *21 août 2013), cela n’ébranle pas votre conscience.

J’ai reçu la dernière fois un message d’une respectable dame, agent de l’État.

Lorsque j’ai voulu savoir comment elle se portait, elle m’a fait une réponse qui depuis trouble mon âme: « À cause de la faim, nous faisons des choses impossibles, m’a-t-elle rétorqué ».

Je regarde depuis le balcon de ma maison, la Cour d’une école primaire publique qui a perdu toute trace de vie, et mon garçon de trois (03) ans non encore scolarisé, qui aime contempler depuis le balcon le spectacle de ces semblables, bouts’d’chou, gigoter de vie pendant la récréation ou les activités sportives s’étonne de ce subit changement d’ambiance, de cet air de cimetière qui y règne désormais.
Mais quelle réponse propose le régime que vous êtes venu défendre brillamment dimanche dernier à ce drame de l’école.

Dieu ne peut voir cela d’un bon œil.

Le 02 janvier 2014, vous aviez dénoncé le non respect par l’Assemblée nationale d’une injonction de la Cour Constitutionnelle.
Si vous en éprouviez le besoin, je pourrais vous fournir quelque détail.

Pourquoi, M.le ministre, cher ami, aujourd’hui, n »êtes-vous point embarrassé quand M. Jacques Ayadji, Directeur des Infrastructures, demande aux députés de jeter une décision de la Cour Constitutionnelle à la poubelle?

Seriez-vous dans la dynamique de rembourser aux citoyens qui n’en sont pour rien les « dix (10) années de cauchemars » pour lesquelles vous tenez le régime défunt?

Mon cauchemar, quant à moi, avait duré dix (10) ans sous Kérékou, dix (10) ans, sous Yayi, et j’ignore combien de temps, il durera sous votre soleil.

Dans un pays où la peur est au creux de tous les ventres. Ou tout le monde a peur de parler au téléphone ; à son propre téléphone.

Au cas où vous auriez, par hasard, l’écoute du Chef des renseignements, je vous prierais, de lui indiquer que les Béninois ont peur, et que beaucoup, comme moi, n’aspirent qu’à vivre dans ce pays sans avoir quotidiennement peur pour leur vie, celle de leurs épouses, enfants et proches.

Moi qui n’aspire qu’à vivre dans un pays juste et fraternel, et à respirer, j’ai déjà toutes sortes de visites de malfrats, des contacts et coups de fils bizarres, et ai entendu dire que je serais financé par « x » et « y » pour déstabiliser les braves gens qui nous dirigent.
III*- *DE MON ESPÉRANCE

Elle est, Monsieur le ministre, cher ami, que cette lettre parle à votre coeur, et partant de vous, à celui de tous les autres membres du clan; car ce peuple a faim et soif.

Il a faim et soif de liberté, de justice, de paix, de pain et d’eau.

Quand un figuier prend toute la végétation et l’étouffe, il devient un « figuier maudit », selon le mot d’Aimé Césaire.

Or, comment empêcher un peuple qui a mal de crier?

Quand le mouton a crevé dans la forêt et le poulet est mort dans la brousse, votre nom ( celui de la Rupture) s’est répandu.
La vieille femme malade couchée dans sa case crie votre nom.

L’os incrusté dans le mur de barre crie votre nom.

La parole sacrée dit, veuillez le transmettre au maître de ces choses, que les actes immoraux accumulés déclenchent des désastres.

Parole de Cê Fu.
Afin que mon espérance de justice, de fraternité, de travail soit une réalité à portée de main, pour dix (10) millions de Béninois, je vous prie de garder le verbe toujours aussi ardent, mais en plus, de savoir régénérer « l’audace d’espérer ».
Ce peuple est en colère et sa tension monte.

Constantin AMOUSSOU

Amicalement !

COTONOU le 21 février 2018.

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