Brève histoire de la mort au Bénin: ‘‘les hommes ne méritent pas de vivre’’

​Le 7 février 2018, le Chef de l’Etat a rapporté à nos évêques ce que lui a confié un de ses ministres, à qui un syndicaliste avait dit, lors de la première série de grèves impliquant le corps soignant : ‘‘Quand il y aura des dizaines de morts, le gouvernement cèdera.’’ Nos évêques l’ont écouté sans émotion apparente. C’est qu’ils en entendent, des choses audacieuses, dans leur vie !

Depuis leur plus tendre sacerdoce, simples vicaires de paroisse, dans le secret des confessionnaux, des meurtriers en pensée et en action les assaillent. A chaque fois, ils résistent et pardonnent : ‘‘Ego te absolvo’’. Que faire d’autre ? Or le Chef de l’Etat leur ressemble peu ou prou.

Chaque jour, soir et matin, les Renseignements Généraux lui font le point, et ce sont parfois des morts inexpliquées, des assassinats sans auteur connu et, donc, sans poursuite judiciaire possible. Il lit et classe. Que faire d’autre ? Aguerri donc lui aussi.

D’ailleurs, pendant qu’il se confiait á nos évêques, s’il avait montré de la tristesse, ses contempteurs auraient dégainé contre ‘‘la ruse et la rage’’. Rester donc zen. A son ministre, auditeur de la bravoure syndicale homicide, il a peut-être demandé si la constitution, en consacrant le droit de grève, confère au corps soignant celui de laisser périr nos concitoyens malades, et au corps enseignant celui d’habituer nos enfants et jeunes gens à la paresse ainsi qu’à l’idée de prendre son salaire sans travailler… Au nom du droit de grève ! Si le Chef de l’Etat a posé la question, il a dû surprendre énormément son ministre.

​Le 12 février 2018, un grand prêtre Vaudou a été surpris à Akpro-Missérété, au seuil d’un énième sacrifice humain à son vaudou. La perquisition de son domicile a permis aux forces de l’ordre de ‘‘mettre la main sur un crâne humain frais, un sac rempli de cheveux de femmes, des ongles, des perles de femmes et d’autres organes humains’’. L’étonnant ici, c’est l’arrestation du prêtre. Car le syndicaliste aux dizaines de cadavres envisagés est en liberté. Car le ministre, son confident, n’a pas été inquiété pour non-assistance à peuple en danger.

En effet, des Béninois, légalistes sans limites, estiment que ledit ministre aurait dû demander l’inculpation dudit syndicaliste pour intention proclamée de tuer Hippocrate et pour volonté dégainée de pousser à la mort les Béninois malades. Oh là-là, sacrés légalistes !

En l’an 1996, moult Béninois ont acquis, pour 1.000 f CFA, le fascicule ‘‘Soins de santé naturels selon la tradition du Sud-Bénin’’. Une centaine de recettes bien de chez nous, certaines avec des incantations terribles, et quelques-unes nécessitant crânes ou tibias humains, lesquels ingrédients exigent profanation des tombes dans le silence et la paix des cimetières. Et il est vrai que de gentils Béninois boivent chaque matin dans un crâne humain la mixture qui leur permet de braver sans répit l’univers empli de choses et de gens maléfiques selon leur conception. Hé sacrés légalistes, dénoncer à la police ce beau monde ?

D’ailleurs n’accablons pas le Bénin. Sa brève histoire de la mort est aussi celle, par exemple, du Rwanda, toujours prêt à un auto-génocide. Libérés des sur-moi transcendant et immanent (ni religion autochtone, ni patronyme), les Rwandais veulent pouvoir se massacrer plus souvent et plus allègrement que les autres peuples. Celle aussi de la Deuxième Boucherie Mondiale, planifiée par Hitler dans son Mein Kampf. Le monde civilisé a laissé le Führer la mettre en musique.

Car au Bénin, au Rwanda, et partout, chacun pense pouvoir tirer son épingle du grand jeu de massacre de tous. Car seule nous rend fous l’idée de notre mort personnelle. Car c’est s’en fout la mort des autres : elle nous trouve toujours sereins.

Fin de la sobre et brève histoire de la mort au Bénin et dans le monde habité. Car, ne nous y trompons pas : drapés d’hypocrisie souriante et de cynisme jouissif, ‘‘les hommes ne méritent pas de vivre’’, comme l’a écrit Voltaire, après les avoir longtemps étudiés.

Roger Gbégnonvi

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