Mal Gouvernance: le Bénin perd 114,76 milliards de financement de la BID

C’est l’un de leur tout premier accord signé en avril 2016. Au soir de sa prestation de serment, le Chef de l’Etat, par le biais de son argentier national et de son ministre en charge la microfinance a validé avec la Banque islamique de développement, le document autorisant le financement du Programme de microfinance intégrée. D’un montant de 35,56 milliards de FCFA le programme est soutenu à 74,29% par la Bid soit 30 milliards de francs Cfa. Deux mois plus tard, le même partenaire a apposé sa signature sur un autre document de l’Etat du Bénin pour financer cette fois-ci, entièrement le Projet d’appui au développement de l’enseignement supérieur d’un montant de 96,19 milliards de FCFA. Moins de deux ans après ces actes, le partenaire islamique a renoncé à ses intentions pour défaut de sincérité de l’Etat béninois. Plus de 114 milliards de FCFA ne pourront donc être mobilisés au profit du trésor public béninois, a annoncé le 8 janvier 2018 la Bid au ministre d’Etat.

Sans coup férir, la Banque islamique de développement (Bid) vient de se retirer du financement de deux projets/programmes de développement du Bénin pour la décennie 2016-2018. Deux accords de 114,76 milliards de FCFA ont été ainsi annulés sans la moindre gêne du partenaire pour défaut de sérénité et de sincérité dans la gestion des programmes et projets élaborés et soumis à son intention.

A la faveur de la correspondance référencée c.2.3/47 du Vice-Président chargé des Programmes pays de la banque, docteur Diao Balde adressé au ministre d’Etat, chargé de la prospective, Abdoulaye Bio Tchané en date du lundi 8 janvier 2018, la Bid a notifié à l’Etat béninois et aux Béninois tout entier sa déception de la gestion opaque du projet 2BEN0084 et 2BEN0085 objet d’un accord de prêt en 2016 entre le Gouvernement de la République du Bénin et la banque.

Selon les termes de cet accord, le gouvernement du Bénin a sollicité et obtenu un prêt de la Banque islamique de développement (Bid) d’un montant de 96,19 milliards de FCFA soit 146,64 millions d’Euros. Ce prêt devra couvrir le Projet d’appui au développement de l’enseignement supérieur (Pades-Bénin), raconte docteur Daton Mèdénou, naguère personne responsable des Marchés publics du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

Le deuxième accord annulé par la Bid le même jour (8 janvier 2018) concerne le Programme de microfinance aux plus pauvres initiés par le régime de Boni Yayi. En effet, selon un communiqué en date de février 2016 (les derniers mois de gouvernance de Boni Yayi), la Bid a reconduit le programme de microfinance intégrée. D’un coût global de 35,56 milliards de FCFA soit 67,3 millions de dollars, ce programme avait été soutenu à 74,29% par la Bid soit 30 milliards de francs Cfa (50 millions de dollars).

L’élément motivant du partenaire financier a été selon, l’ex-directeur général du Fonds national de la microfinance, Jean Comlan Panti, le succès enregistré par sa direction depuis sa création. « Vu le succès, la Bid a considéré notre modèle comme le meilleur et l’a recommandé à l’international », ajoute Jean Panti. Mais aujourd’hui, adieu veau vache cochon couvée. La Bid se retire du financement des méso et petite entreprises au Bénin. Incapable de se tailler un capital de 10.000 FCFA ou 20.000 FCfa ou encore un peu moins (5.000), les méso et petites entreprises au Bénin avaient trouvé du réconfort depuis 2007 avec l’instauration du Fonds national de la microfinance. 30.000 Fcfa au départ, un peu plus après trois années de succès et 100.000 FCfa vers la fin du mandat de Boni Yayi, les partenaires techniques et financiers commençaient à croire à l’initiative du Bénin qui commençait à faire tache d’huile dans la sous-région.

« C’est d’ailleurs cette recommandation qui a poussé la Côte d’Ivoire et le Togo à venir s’imprégner de notre modèle dans un passé récent en attendant la Guinée-Equatoriale et le Congo qui ont annoncé leurs arrivées », s’exclamait à chaque cérémonie l’ex-Dg du Fonds, Jean Comlan Panti. Terminée cette expérience. Le Bénin a sombré à cause de son manque de sincérité et de réalisme à poursuivre le programme, rapporttent les experts de la Bid. Et pourtant, le Fnm et ses partenaires notaient en ce programme une amélioration du niveau de vie des communautés rurales du Bénin à travers l’autonomisation économique de la population car, il permettrait non seulement à l’Etat d’accroître l’accès au financement aux plus démunis et les petits entrepreneurs mais aussi, de renforcer les capacités des Systèmes financiers décentralisés (Sfd) partenaires, d’offrir les meilleurs services aux bénéficiaires et de promouvoir le financement participatif au Bénin.

Ce que perd le Bénin du retrait de la Bid

A l’origine du Projet d’appui au développement de l’enseignement supérieur (Pades-Bénin) en juin 2016, l’envie du Gouvernement de la République du Bénin d’atteindre l’objectif global du plan stratégique de développement de l’enseignement supérieur à savoir, fournir à l’économie béninoise des ressources humaines qualifiées et des résultats de recherche adaptés pour le développement de l’économie.

De façon spécifique, il consiste à contribuer à l’élargissement de l’accès et à l’amélioration de la qualité, ainsi que de l’équité dans l’enseignement supérieur, et à renforcer les capacités de formation des enseignants du supérieur. En effet, selon le document du projet, le Pades-Bénin dans ses composantes va construire et acquérir des mobiliers et d’équipements au profit de l’Université Polytechnique d’Abomey, de l’Université d’Agriculture de Kétou et de 17 écoles réparties sur les sites du projet. Il s’agissait en effet, raconte docteur Daton Mèdénou « de construire des rectorats de l’Université Polytechnique d’Abomey et de l’Université d’Agriculture de Kétou. » Il était prévu sur chacun de ces deux sites, la construction du Bâtiment Principal du Rectorat R+2, le Centre des Œuvres Universitaires et Sociales, un auditorium de 500 places, la maison des hôtes et des ouvrages annexes. « Les infrastructures construites aurait pu être dotées de mobilier et d’équipements appropriés », précise le ministère.

Outre ce volet important, le Pades-Bénin visait aussi la mise à jour et l’élaboration des curricula de programmes pour ces jadis universités. Le projet allait financer la formation de 60 enseignants-chercheurs en grade de Philosophiæ Doctor (PhD) et le renforcement de capacités de 56 enseignants-chercheurs par des formations de courte durée. En ce qui concerne l’appui institutionnel à l’Agence d’exécution, le Pades-Bénin compte accompagner les efforts fournis au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique à travers la formation de 15 cadres en leadership et gestion de l’enseignement supérieur, la formation de 20 cadres en gestion de projet, rapportage et suivi-évaluation, le voyage d’études de 12 cadres dans un pays dont l’expérience en gestion de l’enseignement supérieur est avérée et la mise en place d’un système de gestion de la base de données et les activités de Recherche-Développement.

Mais avec les réformes du système éducatif à l’ère de la Rupture, ces universités ont disparu au profit de centres universitaires et écoles. Conséquence, les nouveaux centres sont désormais sous la tutelle des Université d’Abomey-Calavi. Par voie de fait, le projet a perdu de son sens.

C’est donc dans cette dynamique que le partenaire a renoncé à ses intentions de financement. 96,19 milliards de FCFA échappe également au Trésor public à cet effet. Pis, les objectifs poursuivis par le projet feront flops.

A en croire le document projet, « chacune des écoles sera dotée d’un Bloc Pédagogique R+1 composé 6 Salles de 50 classes, 7 laboratoires de 50 places, 8 ateliers, 1 bureau-directeur, 7 bureaux enseignants, 1 amphithéâtres de 200 places, 2 amphithéâtres de 100 places, Sanitaires. Il est également prévu sur chaque site, une Bibliothèque avec Salle Informatique (Salle de Lecture, Bureau Gérant Centre, Bureau Gérant Bibliothèque, Centre de Biométrie, Salle Informatique, Centre de Reprographie, Salle des Livres, 02 Magasins, Sanitaires), une Infirmerie (Consultation, Soins/Injection, Salle de Garde, Salle d’Attente, Pharmacie, Salle d’Observation, Sanitaires), des Dortoirs, la Maison de Missions, un Restaurant avec Réfectoire, des aires de jeux (Terrains de Football, Basket Ball, Volley Ball et Hand Ball). Des travaux de voirie et de raccordement aux réseaux d’eau, d’électricité et de téléphone sont également prévus. A l’horizon 2020, 10.000 étudiants devraient être impactés sous la supervision de 116 Conférenciers.

Le Bénin sans financement des méso entreprises jusqu’en 2020

L’autre manque à gagner de la décision d’annulation de la Bid pour le Bénin est la perte des avantages liés aux projets soutenus. En effet, selon le récit de Jean Colman Panti, 4 fois plus que les acquis de la phase pilote du même projet dans la biennale 2014-2016. A l’en croire, au bilan de la phase pilote du Programme intégré d’appui à la microfinance, l’on retient 285 projets de jeunes financés en une seule année, 1.267 emplois créés dont 869 emplois permanents et 969 promoteurs impactés. « Nous sommes entièrement satisfaits de ce que nous voyons sur le terrain. Nous constatons que les bénéficiaires du Programme intégré d’appui à la microfinance au Bénin (Piamf-Bénin) sont en train d’en faire un bon usage. Nous félicitons et encourageons le Fonds national de la microfinance et les Systèmes financiers décentralisés partenaires », avait clamé l’un des experts de la Banque islamique de développement (Bid) Abdelaziz Silaoui, dépêché à Cotonou le mercredi 30 avril 2014 pour l’évaluation cette phase pilote du Piamf.

C’est donc après les belles prestations du Fnm que le partenaire a validé le dossier de financement à hauteur des 30 milliards de FCFA. « La phase II visait ainsi à contribuer davantage à l’amélioration des conditions de vie des pauvres potentiellement actifs à travers l’offre de services spécifiques financiers ou non financiers adaptés au financement des méso et très petites entreprises (Mtpe) et le développement des activités génératrices de revenus du groupe à forte potentialité de création de richesses », se désole-t-il. Pour Jean Comlan Panti, cette phase accordait une place prépondérante aux grands projets de groupe qui permettront d’accroître l’impact du programme et d’alléger le coût du suivi.

Cette phase a également pris en compte tous les aspects qui ont été négligés lors de la phase pilote, en l’occurrence le suivi post des activités que l’agence d’exécution a supportées sur son budget et les divers appuis en matériels de bureau, motos et matériels informatiques. Ce projet met surtout l’accent sur la promotion d’activités créatives de valeur ajoutée et impulse une approche basée sur un partenariat d’affaires entre les Systèmes financiers décentralisés (Sfd) et le client. Femmes, chefs de famille ; femmes rurales démunies ; travailleurs sans emploi ; petits commerçants ; artisans potentiellement actifs ; les diplômés d’enseignement supérieur au chômage ; les micro-entrepreneurs en phase de démarrage d’activité ; les handicapés potentiellement actifs bénéficient donc depuis 2013 de cette aide au développement de la Banque islamique de développement.

Le Bénin vient ainsi de perdre tous ces atouts sur l’autel des réformes sectoriels sous la « Rupture ». En effet, ces deux projets/programmes suscités ont été rattrapés par l’envie de Patrice Talon à démontrer les incohérences contenues dans la gestion de son successeur. Le Fnm, les universités publiques et leurs bénéficiaires payeront le prix, 114,76 milliards soit 6,16% du budget actuel du gouvernement.

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