28 ans après la conférence nationale : les réflexions du ministre Akindes sur le parcours

Mesdames et Messieurs,
Je voudrais, avec notre permission et votre indulgence, focaliser ma contribution sur deux questions

1- La première sur le souvenir de la Conférence et la suite qu’il convient de réserver aux réflexions à son propos.
Il y a en effet vingt huit ans que la rencontre a eu lieu. Les jeunes de quarante ans aujourd’hui n’en ont, je crois, qu’une vision lointaine et une approche peu critique. Nous avons, à divers niveaux cultivé cette tendance qui fige les évènements, qui les considère comme éternellement importants dans tous leurs aspects.
Des interrogations qu’il nous est arrivées de soulever auprès de cette tranche d’âge et les réponses qui nous ont été fournies nous ont révélé un hiatus, un décalage profond par rapport à notre réaction face aux suites de la Conférence. Ce n’est pas une simple question de manque d’information ; mais bien plutôt le reflet d’une nouvelle perception des réels problèmes de notre pays. La pratique sociale que vivent ces personnes diffère de celle qui fut la réalité de 1989-1990.

Il est logique d’admettre la relativité des actes posés par le passé, parce qu’ils portent les empreintes de leur époque. Il est logique aussi que la considération que nous donnons à ces actes passés ne corresponde pas entièrement aux appréciations d’une autre génération plus jeune. Ainsi expliquons- nous le peu de considération que l’on donne aujourd’hui aux décisions de la Cour constitutionnelle, aux textes de lois votés par le Parlement, aux libertés pour lesquelles les combats d’hier ont été gagnés. Les limites de l’Etat de droit semblent, selon une large majorité de Béninois, avoir été bousculées. Et la question est devenue un problème non pas de la conformité des lois votées aux réalités actuelles mais de simple interprétation des lois, un exercice auquel se livrent les «sachant», entendre les spécialistes. Or, nulle part une constituante n’est une représentation de spécialistes. Quel jeune Béninois peut aujourd’hui comprendre la limitation de l’âge à au moins quarante ans pour être candidat à la magistrature suprême et ne pas vous rétorquer que même le Président français à qui tous les responsables africains s’obligent à rendre leur première visite officielle en Europe ne remplit pas cette condition.
Nous savons aussi que c’est en fonction d’une volonté d’écarter trois Béninois à qui l’on attribuait l’instabilité politique au Dahomey que la limite supérieure à été fixée à soixante dix ans. Mieux, c’est pour permettre l’arrivée à l’Assemblée nationale de personnalités nouvelles et sans ancrage politique que le scrutin de liste à été adopté pour les élections législatives qui ont suivi la Conférence. Ces décisions ne font d’ailleurs pas partie de celles votées par la plénière de la Conférence.
S’il y a un acquis réel de la Conférence c’est celui du principe de la souveraineté des citoyens, du peuple qui a été proclamée le 25 février 1990, date fixée pour la fin de la Conférence nationale.

Notre opinion est donc que l’esprit de la conférence et ses acquis se résument à
• Souveraineté du peuple qui doit avoir l’écoute de ses responsables,
• La recherche d’un nouveau consensus autour des principales questions nationales, une recherche transparente, pour ne pas dire sincère, qui ne peut signifier l’unanimité dans un régime démocratique.
C’est à l’aune de ces deux éléments qu’il nous semble le plus indiqué de faire un bilan à l’étape actuelle de notre histoire politique, de s’imposer le devoir de mémoire et de promouvoir nos engagements pour le future.

2- La seconde : Les dernières élections présidentielles ont montré que l’engagement de procéder à des reformes, notamment par la relecture de notre constitution, a fortement orienté le choix de la majorité des formations politiques et des électeurs.
L’importance de cet intérêt porté à la révision de la Constitution aurait dû être notée pour élargir les consultations à toutes les couches sociales du pays. Mais, comme toujours, c’est une catégorie de citoyens qui a été ciblée pour donner son avis.

Cela sert-il la résolution des problèmes que de s’enfermer dans des notions théoriques qui jurent avec les tendances réelles de notre société ? Une conception toute coloniale du pouvoir prend une ampleur inquiétante. L’invention d’un pouvoir fort ne repose plus sur l’adhésion du peuple, ou des citoyens si vous voulez, mais sur le diktat et la force ou les moyens financiers mis en œuvre.

La trop grande vitesse, pour ne pas dire la précipitation, se révèle être une pratique de plus en plus privilégiée. La tentation de bruler les étapes conduit à des actes que nous considérons comme excessifs et aux contours mal évalués, notamment sur les couches sociales les moins nanties Pourtant, si l’on ne croit pas que les populations n’ont aucune jugeote, on devrait savoir qu’elles sont plus autorisées à anticiper sur les effets des mesures envisagées.

C’est cette fonction que devraient remplir les structures décentralisées recommandées par la Conférence nationale. Non seulement le niveau départemental a été totalement passé en perte et profit, mais les communes semblent fragilisées, volontairement selon certains.
Un appel à une gestion interactive s’impose donc, toujours à notre avis, par la mise en place de structures pérennes de prise en compte des réactions des uns et des autres, de l’ambiance milieu pour utiliser un langage simple, afin de mieux cadrer et programmer les actions.
Tels sont, Mesdames et Messieurs les éléments qu’il nous a semblé utiles de verser à notre débat.
Je vous remercie.

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