Bénin – Dans les méandres du pouvoir Yayi : Mémoire du chaudron épisode 57

L’histoire, la grande histoire, un jour, se chargera de dire les vrais ressorts de la candidature de Luc Gnancadja aux élections présidentielles de 2006.

Cela permettra aussi, je l’espère, de comprendre les motivations de tous ces minuscules candidats qui, à chaque élection présidentielle, trouvent le moyen de payer la caution, mais qui, par la suite, ne tiennent pas un seul meeting avant la fin de la campagne électorale.

Je peux encore trouver un sens à l’initiative de ces candidats dont le portrait, sur le bulletin unique, est souvent commandé et payé, dans le but de créer dans l’esprit de l’électeur d’une partie du pays, cette idée de pléthore, ce qui empêche de se concentrer sur le profil des prétendants sérieux.

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Mais le schéma, en 2006, ne permettait pas de soupçonner Luc Gnancadja d’être dans une pareille manoeuvre ? Mais il faudra qu’on comprenne, un jour, comment quelqu’un comme lui, crédité d’un bon sens élevé, a pu croire qu’il pouvait gagner une élection présidentielle, alors qu’il n’en remplissait aucun critère ? Où était son fief ? Qui donc avait jamais pu gagner, ici ou ailleurs, une élection présidentielle sans ce socle incontournable qu’est le fief ?

Une communauté religieuse peut servir de catalyseur à votre ascension électorale. Mais elle n’est pas un fief. Car le fief politique ne peut se concevoir sans la notion d’espace géographique. Qu’est-ce qui pouvait donc motiver son engagement dans cette aventure d’où il sortit très logiquement avec un score invisible à l’œil nu, un score, un nanoscore, comme on l’aurait dit en physique quantique ?

C’est vrai que j’avais déjà personnellement noté chez lui une méconnaissance de certaines réalités, ce soir-là où, sur les écrans de la télévision nationale, il alla imprudemment s’exposer aux fourches caudines du Fonac, dont les accusations contre le fameux cabinet d’architecture IMOTEPH, comme toujours, étaient portées par le frétillant Jean-Baptiste Élias.

Je suis certain que l’ancien ministre de l’Environnement du général Mathieu Kérékou sortit de cette confrontation télévisée, avec un sens plus clair de la modestie. Mais en attendant que l’histoire ne nous éclaire sur les tenants de cette aventure électorale, il serait intéressant de faire un bref rappel historique.

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Le retour aux affaires du général Mathieu Kérékou en 1996 marqua l’entrée sur la scène publique d’un nouveau type d’acteurs qui pouvaient se prévaloir, sans complexe, de leur évangélisme. C’était dans l’air du temps. Et le vieux général, qui ne se gênait pas pour transformer chacune de ses déclarations publiques en prédications, avait tôt fait d’attirer à lui, des dévots de tout accabit.

C’était surtout une période faste pour le jeune pasteur Romain Zannou, qui passait pour être le coach spirituel du « vieux ». Sa force de lobbying établit son influence sur les réseaux de cadres chrétiens évangéliques qui voyaient en lui le meilleur raccourci pour obtenir un morceau de pastèque. Et ils n’avaient pas totalement tort.

Certains ministres et cadres chrétiens évangéliques nommés étaient, disait-on, des protégés du pasteur Romain Zannou. Luc Gnancadja n’échappait pas à cette étiquette. Le prosélytisme à ciel ouvert de Kérékou attira bien vite les lobbys évangéliques du sud des États-Unis d’Amérique.

Une intense activité diplomatique plus ou moins laïque et républicaine aboutit à l’organisation, à Cotonou, du Festival Gospel et Racine, qui a vu débarquer au Bénin les sommités du lobby évangélique noir américain, qui servira de ferment, autant que de levier, à l’obtention du premier compact du Millennium Challenge Account (MCA) par notre pays.

Le directeur exécutif du festival Gospel et Racine était un certain Simon Pierre Adovèlandé, un homme de la galaxie du pasteur Romain Zannou et de Luc Gnancadja. Simon Pierre Adovèlandé, notez bien ce nom, car cela pourra vous aider à reconstituer certains puzzles et à mieux comprendre certains épisodes des élections présidentielles suivantes : 2011 et 2016.

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C’est donc ce même Simon Pierre Adovèlandé que le lobby Zannou-Gnancadja paraina pour prendre la coordination du MCA au Bénin. Quant au festival Gospel et Racine, son éclat s’éteignit progressivement au fil des années. D’ailleurs, le général Mathieu Kérékou devint moins expressif sur sa foi évangélique entre 2001 et 2006.

Mais pour le pasteur Romain Zannou, l’essentiel était fait et il avait obtenu, de façon exclusive et quasi définitive, la confiance des réseaux évangéliques américains. Et dans ces milieux, on ne parle pas que du Christ et du Saint-Esprit. On parle aussi et surtout argent et financement de toute initiative pouvant favoriser la propagation et la consolidation du message évangélique dans des pays démunis comme le Bénin.

Ceci passe évidemment parfois, sinon bien souvent, par le financement de tout et n’importe quoi. Présenter un candidat chrétien évangélique à ces lobbyistes évangéliques américains pour succéder au général Mathieu Kérékou ne les laissera pas indifférents, vous vous en doutez bien. Et c’est le pasteur Romain Zannou qui détenait le code secret de ce coffre-fort.

Yayi, dont le mandat à la tête de la Boad venait d’être renouvelé de façon spectaculaire en 1999, était loin d’être naïf sur le sujet et sur le formidable potentiel que pouvaient représenter les réseaux évangéliques américains du pasteur Romain Zannou. D’ailleurs, la naissance de son ambition présidentielle pour 2006 ne date-elle pas, selon certaines confidences, de ce renouvellement inattendu de son mandat, renouvellement dans lequel il lut la main de Dieu et un clin d’œil du destin ?

Comme je l’avais déjà dit dans un épisode de mes chroniques, le premier que le pasteur Zannou sonda pour la perspective électorale de 2006 fut Yayi. Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu entre les deux « frères en Christ « . Yayi, méfiant et soupçonneux, nia et jura devant le pasteur. « Je n’ai aucune ambition de devenir président de la République, Dieu m’a déjà beaucoup fait dans ma vie, et je ne rêve que d’aller cultiver la terre dans mon Tchaourou natal quand j’aurais pris ma retraite professionnelle », aurait-il dit.

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Le bruit courut longtemps pendant la campagne électorale de 2006, qu’il fit cette déclaration en demandant à jurer sur la Bible. Cette accusation peut vous paraître banale aujourd’hui. Mais elle valait quelque chose en ces temps-là. Car, comment de simples mortels pourraient-ils croire à la parole de quelqu’un qui aurait menti, la main sur la Bible ? Nous trouvâmes évidemment le moyen de mettre en doute cette accusation.

La candidature de Luc Gnancadja, que le pasteur Romain Zannou suscita, nous apparut donc comme une réaction, mais aussi et surtout une façon de capter cette manne des lobbyistes évangéliques américains. Yayi essayera plusieurs tentatives de réconciliation avec le pasteur Romain Zannou, dans le but d’obtenir le retrait de la candidature de Luc Gnancadja, et par ricochet, cet appui si précieux des réseaux évangéliques américains.

Mais toutes ses tentatives échouèrent. Au bord du désespoir, il entreprit de se tourner vers un pasteur évangélique français, un certain Franck Pecastaning, pour le conduire sur les terres de la ceinture évangélique américaine. Mais le résultat fut affligeant pour lui. Non seulement les lobbyistes américains leur annoncèrent, sans grand ménagement, leur option définitive de soutenir la candidature de Luc Gnancadja qu’on leur aurait présenté comme le grand favori de la présidentielle de 2006, mais ils signifièrent tout leur doute sur la chrétieneté de Yayi. La douche froide fut douloureuse.

En attendant que des sociologues et des historiens ne s’essayent à une explication scientifique de certaines candidatures de promenade lors de nos élections présidentielles, on peut déjà faire le constat qu’en 2006, le candidat malheureux Luc Gnancadja ne fut pas vraiment malheureux. Loin de là…!

Après son départ pour l’Onu en 2006 aux lendemains de l’élection présidentielle, quelqu’un comme Simon Pierre Adovèlandé, qui eut le temps de maîtriser le circuit, fera aussi régulièrement valoir ses ambitions présidentielles. Qui est fou ?

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