Bénin – paludisme : la lutte contre la pandémie est-elle perdue d’avance?

La communauté internationale célèbre ce Mercredi 25 Avril 2018, la journée mondiale de lutte contre le paludisme.

Placée sous le thème : « Prêts à vaincre le paludisme« , cette journée comme les autres qui l’ont précédé est une occasion pour les organisations mondiales de lutte contre le paludisme de faire le point des avancées de leurs actions contre cette pandémie qui décime chaque année des milliers d’enfants notamment en Afrique Subsaharienne qui enregistre 90% des cas de décès dus à la piqûre de l’anophèles infestés.

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Au Bénin, la situation n’est pas non moins alarmante eu égard à la statistique des chiffres disponibles. Tenez, le paludisme est la première cause de consultation dans les centres sanitaires du pays dépassant de loin les autres affections. En effet, 42,9% de consultation générale de la population concerne l’affection du paludisme et 49, 5% chez les enfants de mois de 5 ans qui sont généralement les premieres victimes de cette pandémie.

Par ailleurs, le paludisme est le premier motif d’hospitalisation enregistré dans les centres hospitaliers du pays. Première cause de décès surtout dans le rang des enfants de moins de 5 ans, le paludisme est l’affection qui a l’incidence la plus élévée.

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Pourtant, les puissances publiques et la communauté internationale investissent chaque année des milliards de nos francs pour arriver au bout de cette maladie.

Au Bénin, le pnlp, entendez le programme National de Lutte contre le Paludisme crée depuis 1982 est la structure nationale chargée de la conception, de la planification, de l’organisation et du suivi-évaluation des activités de lutte contre le paludisme au Bénin. Dans ce sens, plusieurs plans de lutte contre le paludisme ont déjà été mis en œuvre. Au cours de ces dernières années, le développement d’une résistance accrue du parasite aux principaux antipaludiques, et l’avènement de nouvelles technologies de lutte ont amené le Bénin à adopter une nouvelle politique de lutte contre le paludisme axée sur trois principales interventions :

  • L’utilisation des combinaisons thérapeutiques a base d’artemisinine pour le traitement des cas de paludisme simple ;
  • La lutte anti vectorielle intégrée basée sur l’utilisation des Moustiquaires Imprégnées de Longue Durée d’action, la pulvérisation intra domiciliaire, l’utilisation de larvicides ;
  • Le traitement préventif intermittent chez les femmes enceintes.

Mais en dépit de ces actions, la pandémie du paludisme est loin d’être maîtrisée. Ce qui amène certains concitoyens à s’interroger sur la sincérité de cette lutte. Pour beaucoup, les chefs d’état africains ne sont véritablement pas prêts pour éradiquer le paludismes qui, à en croire certains, est un deal financier entres les organisations internationales et les autorités locales. C’est du moins ce que pense un professeur titulaire à l’université d’Abomey Calavi qui a fait des recherche dans le domaine de l’éradication du paludisme en Afrique Subsaharienne.

Les cadres  africains n’ont pas intérêt à l’éradication du paludisme dans leur pays

Le professeur Thiéry Alavo est formel sur la question, les cadres africains n’ont pas intérêt à ce que le paludisme soit éradiqué dans leur pays parce qu’ils ont des intérêts égoïstes liés à cette pandémie.

Enseignant-chercheur; Directeur du Master en Entomologie appliquée; Directeur du Laboratoire d’Entomologie appliquée/Centre Edward Platzer , Thiery Alavo a publié récemment un livre dans lequel il a exposé les résultats de ses recherches pour détruire de nos environnements les moustiques germe du paludisme. Malheureusement, il n’est pas soutenu par la puissance publique alors que sa méthode à l’en croire, peut permettre d’éradiquer le paludisme de notre pays. Il a accordé une interview exclusive sur la question à Bénin web tv.

L’interview accordée par le Pr Thiery Alavo

Question: Vous avez fait une recherche que vous approfondissez sur l’éradication du paludisme en Afrique. Vous venez de publier d’ailleurs un ouvrage sur le sujet ; pensez- vous vraiment qu’il est possible de booster hors du continent africain le paludisme ?

Professeur Thiéry Alavo: « Excellente question. Scientifiquement, techniquement, ça doit aboutir, si nous le voulons. Parce que nous avons travaillé très fort pour développer les technologies qu’il faut pour attaquer les moustiques, vecteurs du paludisme. Vous n’êtes pas sans savoir que dans ce Bénin, on parle de moustiquaires imprégnés qu’on commande avec beaucoup d’argents et qu’on distribue. Malgré cette distribution avec grande échelle qui se fait très gratuitement, le palu, l’incident du palu n’a jamais chuté mais on continue d’acheter à prix d’or des moustiquaires qu’on partage. Bien vrai qu’il faut dormir sous moustiquaire pour au moins se protéger contre les piqûres ; parce que si vous dormez et que les moustiques viennent à vous piquer et même si ça donne le palu, vous aurez du mal à dormir ; au moins pour ça on peut dormir sous moustiquaire.

Mais avant de dormir sous moustiquaire vous êtes dehors ; les enfants jouent et après tout le monde tombe malade. Personnellement dans ma maison, dans ma famille, en l’espace de 5 ans presque personne n’a eu le palu ; parce que nous savons ce qu’il faut faire.  Ce que j’ai écrit dans mon livre…, c’est ça que nous pratiquons tous les jours pour nous protéger contre les piqures de moustique. Tant que vous n’êtes pas piqué par les moustiques, vous n’aurez jamais le palu.

Donc les moyens existent, les technologies existent et nous avons tout expliqué dans notre livre. Mais le gros problème c’est quoi ? Il y a problème à trois niveaux :

  • D’abord problème au niveau des fonctionnaires corrompus qui gagnent des ristournes par rapport à la lutte contre le palu. Quand on achète des moustiquaires, quand on achète des médicaments, toute action que l’Etat fait pour lutter contre le palu, les gens perçoivent des ristournes. C’est des insecticides chimiques , les moustiquaires imprégnés. Donc, ces fonctionnaires corrompus ont peur de perdre leurs privilèges, ils ne veulent pas encourager les initiatives moins chères, exploitables par n’importe qui, ils ne veulent pas encourager ça parce que ça les désavantage.

Les gens du ministère de la santé m’ont dit une fois : « mais si vous tuez tous les moustiques dans notre environnement, nous on va vivre de quoi s’il n’y a pas de palu ? » ; les gens m’ont dit ça au ministère de la santé.

  • L’autre problème, c’est au niveau gouvernemental. Le budget du Bénin ; quand on dit le budget national disons de 2000 Milliards ; de ce budget-là, il y a peut-être 100 Milliards ou 200 Milliards qui sont issus de la vente des produits liés au paludisme. Quand l’Etat achète des moustiquaires ou des médicaments, l’Etat prélève des impôts. Donc par exemple lorsque l’USAID veut donner un milliard au Bénin pour acheter des moustiquaires, le gouvernement lance des avis d’appel d’offre ; ceux qui gagnent achètent mais payent des impôts. Ces impôts-là rentrent dans le budget national. Donc le gouvernement n’a aucun intérêt dans les initiatives pour soulager les populations car il ne va pas gagner dans le bio insecticides que nous produisons dans le centre (le centre Edward Platzard. Donc de ce point de vue, le projet ne les intéressera pas.
  • A un niveau plus élevé, l’organisation mondiale de la santé. Savez-vous que l’OMS perçoit 3% de frais dits administratifs chez les compagnies pharmaceutiques. Ceux qui fabriquent les médicaments que nous avalons pour traiter le palu ; quand quelqu’un tombe malade et il va à la pharmacie pour acheter un médicament contre le palu, de ce montant-là, il y a 3% qui vont à l’OMS pour des frais dits administratifs. Donc ce que nous produisons ici, l’OMS ne peut prélever les frais dits administratifs ; donc ils ne vont jamais encourager les initiatives qui permetent de faire face à la lutte de façon moins chère.
  • Quand il y a conférence, j’ai participé au moins à une conférence sur le palu ; tous les coordonnateurs nationaux de lutte contre le palu de toute l’Afrique ont été invités et pris en charge : perdième, frais d’hôtel, frais d’avion par les compagnies pharmaceutiques ;ceux qui nous vendent les médicaments qu’on utilise. Et donc, quel intérêt le coordonnateur qui va décider qu’il faut utiliser le produit fait ici a s’il est soudoyé par les firmes pharmaceutiques ? Il va dire plutôt il faut utiliser insecticide chimique, il faut utiliser moustiquaires imprégnés, acheter tel ou tel produits fabriqués par les compagnies pharmaceutiques

Voilà donc ce qui fait que le paludisme ne peut pas être éradiqué en Afrique. C’est pour ça qu’au début, avant de me lancer dans la recherche des techniques de lutte contre le vecteur du paludisme afin de trouver les alternatives aux produits chimiques, je pensais que c’est un problème de technologie et qu’il faut travailler très fort pour mettre un produit à la disposition des béninois. Que les jeunes, beaucoup de jeunes cherchent du travail. J’ai formé plus de 100 jeunes ici qui sont capables de produire le bio insecticide pour tuer les moustiques.

Juste un peu de moyen et on va les installer dans les différentes communes et ils vont produire le bio insecticide et ce que j’ai appelé les brigades anti moustiques dans les communes vont utiliser ces produits et faire des pulvérisations dans les eaux stagnantes qui génèrent les moustiques. Ça ne coûte pas grand-chose ; mais on ne veut pas faire ça parce qu’on ne gagnera directement rien, il n’y a pas d’avantages égoïstes à percevoir à partir de cette technologie ;  c’est pour ça que c’est difficile. J’ai fini par comprendre que :

  • 1- il faut travailler pour trouver les technologies mais,
  • 2- il faut faire la lutte contre la corruption qui gangrène tous les secteurs. Mais je n’ai vraiment pas les moyens de lutter contre la corruption.

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