Comlan Hugues Sossoukpè : « Internationales, les limites de Françoise Joly et Francis Kpatindé »

Le dimanche 22 avril, l’émission « Internationales » recevait le Président de la République, Patrice Talon. Pour la circonstance, elle a été animée par Françoise Joly et Francis Kpatindé.

Françoise Joly surtout connue pour sa présentation du magazine français : Envoyé Spécial. Quant à Francis Kpatindé, sa dernière promotion en tant que Directeur du journal le Monde Afrique est venue confirmé le professionnalisme qu’on lui connaissait dans l’exercice du métier. Ses deux grands noms de la presse internationale en face de Patrice Talon pour conduire l’interview sur le bilan de ses deux ans au palais de la Marina ne pouvait que susciter grand intérêt pour le public béninois accros des discussions politiques.

Bien que l’interview ait été diffusée un dimanche, les béninois connus pour leur foi religieuse ont pour la majorité fait le choix de vivre ce grand moment de télé. Mais malheureusement, ce qui devrait être un événement, un grand moment de télé comme annoncé la veille a été plutôt un moment de télé très effacé qui a laissé beaucoup de regrets dans le rang des téléspectateurs et des auditeurs.

Les commentaires après émission en disent long. Les journalistes dont-on attendait des questions pertinentes pour conduire l’interview n’ont pas été à même de relancer le Chef de l’Etat et de lui tirer le ver du nez comme on pouvait s’y attendre. C’était un Rendez-vous manqué.On a pas retrouvé le Francis Kpatindé, d’habitude pertinent dans ses arguments sur les plateaux de France24 et TV5 en tant qu’analyste politique, dans cette émission. Il était complètement effacé, sans aucun rebond sur les réponses du président.

Un fact checking sur toutes les affirmations du président non relevées par les deux journalistes qui, soit maîtrisaient mal les sujets abordés ou, auraient délibérément décidé d’être complaisants avec leur vis-à-vis.

1- Sur la question de la responsabilité du Président de la République dans la situation du pays, relevés des propos q’il avait tenu à l’Élysée.

Interrogé pendant l’émission, le Chef de l’État a affirmé qu’on devait faire table rase du passé. En ce moment les journalistes qui conduisaient la discussion, pouvait lui demander pourquoi après ses aveux, il ne décide pas de rétrocéder au Bénin ce qu’il lui a pris? Mais, ils n’ont pu rien dire, laissant Patrice Talon passé à une autre préoccupation.

2- Au sujet de son état de santé.

A la question de Francis Kpatindé de savoir comment se porte le Président Patrice Talon après ses deux interventions chirurgicales, ce dernier a répondu qu’il se portait bien comme en témoigne, ses bilans de santé périodiques. En ce qui concerne son choix de communiquer autour des opérations qu’il a subies, il affirme avoir voulu jouer la carte de la transparence.

En ce moment, les journalistes devraient rappeler que c’était un droit pour les citoyens d’être informés sur l’état de santé de leur président de la République parce que, avant d’être candidat, la constitution exige, qu’il passe un examen médical qui rassure sur ces capacités à diriger le Bénin. Sinon,à quel moment il a su qu’i souffrait de la prostate, état-ce en début de mandat ou avant ?

Au lieu crever l’abcès, nos amis journalistes comme pour aider le Président Talon ont juste faire remarqué qu’il s’agit là d’une « transparence inhabituelle sur le continent ». Remarque à laquelle, le Chef de l’État a répondu par l’atténuation suivante : « ..je n’ai de leçon à donner à personne ». On pourrait se poser la question de savoir quel était le but viser par Francis Kpatindé en interrogeant, le Chef de l’État sur sa forme du moment. Si c’était juste pour qu’il nous dise qu’il se portait bien ; ça n’intéresse personne. C’est une évidence qu’il se porte bien, sinon, il n’aurait pas pris part à cette interview.

3- Le pays est gouverné comme une entreprise ?

Relancé sur les propos qui l’accusent de gérer le pays comme une entreprise privée. le Chef de l’État a trouvé que ce n’était pas une mauvaise chose en soi. Là , ni Françoise Joly et encore moins , Francis Kpatindé n’ont pu lui dire qu’un État n’est pas une entreprise. Car, dans une entreprise, la seule voix qui compte, c’est celle du patron, c’est lui qui dit ce qu’il veut, ces employés ne sont que des exécutant.

Le Bénin n’est pas une entreprise pour la simple raison que c’est un consensus et des élections qui l’ont amené à la tête du pays. Dans un État, tous les citoyens ne sont pas égaux. Certains sont forts et d’autres faibles. Le pouvoir d’État a pour rôle principal d’aller au secours des plus faibles. Le pouvoir d’État ne s’inscrit pas dans une dynamique exclusive de rentabilité.

C’est pourquoi, l’État nouent des partenariats d’aide au développement avec d’autres États plus développés et certaines institutions internationales. En effet, les journalistes avaient des arguments pour indiquer à Patrice Talon qu’il était libre de gérer le Bénin comme une entreprise, mais, que ce c’est pas un moyen efficace pour atteindre les résultats de développement comme il s’obstine à le faire croire à l’opinion.

4- Conflit d’intérêt au sommet de l’État ?

Le Chef de l’État affirme que pour bien gérer un pays, il faut être à l’abri du besoin. Là encore les journalistes aurait pu lui faire remarquer qu’il fait l’apologie de la ploutocratie. Et donc, qu’il donne raison à ceux qui pensent qu’il gouverne le Bénin avec une minorité composé de son cercle restreint. En affirmant qu’il faut être à l’abri du besoin pour aspirer aux fonctions de Président de la République, le Chef de l’État tue toute ambition de militantisme des plus jeunes et passe comme celui qui entretien le mythe de l’argent en politique.

Les interviewers avaient de la matière pour le lui fait savoir. Mieux, c’était le moment idéal et l’occasion rêvée pour ressortir les scandales de marché passés gré à gré au profit de certains proches du chef l’État. Le cas le plus récent étant le marché de fourniture de matériels roulants entaché de surfacturation au ministère du cadre de vie et mis à nu par les l’organe de lutte contre la corruption du Bénin.

5- Gestion déléguée ou privatisation des entreprises d’État : Cas du Port Autonome de Cotonou

Sur la question le chef de l’État affirme que c’est faute de compétences au niveau national qu’il a fait ce choix. Un choix, qui selon lui tient compte d’une recherche d’efficacité. À ce niveau précisément, Francis Kpatindé avait l’occasion de le confondre en lui demandant simplement pourquoi pour gérer Bénin Contrôl, lui Patrice Talon est compétent, pour gérer la République du Bénin, il est aussi compétent.

Mais, comment explique-t-il que pour mettre en pratique son PAG, plus aucun béninois n’est compétent pour le job? Finalement au Bénin sous la rupture et l’influence du nouveau départ, le seul compétent serait Patrice Talon et ses copains? C’est une question sur laquelleque les téléspectateurs auraient aimés écouté la réponse du Chef de l’État. Mais…

6- Le retrait du droit de grève.

Françoise Joly s’est plantée et s’est vue donnée une leçon en la matière par le Président Béninois. Sur cette question, un instant, on a cru que c’est Patrice Talon qui interviewait. La Loi n° 2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève au Bénin a déjà prévu les dispositions d’encadrement, mais elles ne sont pas respectées. Il Suffisait de les faire respecter au lieu de vouloir supprimer ce droit qui est d’ailleurs constitutionnel.

Nos amis les journalistes devraient le savoir et le rappeler au Chef de l’Etat au lieu de le laisser dérouler un argumentaire purement politique qui ne tient compte que de son bon sens.

Par ailleurs, le droit de grève existe bel et bien au Togo dans les secteurs comme la justice contrairement à ce que le Chef de l’État a tenté d’affirmer sur la suppression de ce droit dans le secteur judiciaire dans tous les pays. Le chef toujours à propos de la question de suppression du droit de grève à sembler dire au Bénin que l’armée aussi faisait grève. Ce qui n’est pas juste. À moins qu’il confonde l’armée et les forces paramilitaires que sont la police et les douaniers.

7- Patrice Talon affirme qu’il gouverne le Bénin avec bon sens et non conformément aux textes de la république.

Là précisément, les journalistes lui auraient demandé alors pourquoi il s’acharnait à réviser la constitution s’il sait qu’il n’allait pas respecter ces dispositions. Ensuite, il il fallait lui sortir les statistiques les violation des décisions de la Cour constitutionnelle dont-il a fait l’objet depuis deux ans qu’il est au pouvoir.

En effet, en 25 ans de pratique démocratique et d’application de la constitution béninoise du 11/12/1990 , aucun chef d’État avant lui n’a autant violé les textes. Que signifie l’État de droit pour Talon? C’est une autre question qu’il fallait lui poser. Mais, nothing.

8- Le chef de l’État a affirmé lors de cet entretien que la justice béninoise était corrompue. Affirmerait-il implicitement qu’il a gagné tous ses procès au Bénin par corruption ? Çaurait été une question que les béninois aurait applaudi.

9- Sur la question du mandat unique après  » J’aviserai  » en 2017 le Président de la République affirme  » Nous verrons bien » en rappelant qu’être candidat relève de son Droit absolu.

Certes, mais, que fait-il de la parole du Chef de l’État ? Parce que personne ne lui avait demandé d’affirmer le jour son investiture qu’il allait faire un mandat unique. Par ailleurs quand il était candidat, pendant qu’il parlait du mandat unique, il n’avait jamais dit nulle part que cela serait conditionné a son projet de révision constitutionnelle. Alors pourquoi, il s’obstine à faire croire à l’opinion que s’il avait réussi à réviser la constitution, il ne se présenterait aux élections présidentielles de 2021?

Le président Talon serait-il tout simplement un homme sans parole? Il fallait lui demander chers journalistes. Sinon, tout ce qu’il a dit à propos de la question, les béninois, le savait. Nous nous attendions à ce que Tv5, Rfi et le journal Monde Afrique montrent plus professionnels que la plupart des journalistes béninois formés sur le tas. Nous attendions des journalistes chevronnés, déterminés avec des questions d’actualité. Mais malheureusement pendant 52 minutes d’interview, les deux journalistes n’ont pu véritablement fait sortir Patrice Talon de son Palais présidentiel.

Au contraire, il y était confortablement installé et les a contraint à rester avec lui. À toutes les questions posées par les journalistes, les réponses approximatives du Chef de l’État ne les a aucun moment amenées à approfondir leurs préoccupations. Ils ont tout gobé. Ils sont restés des spectateurs joyeux d’un président qui malheureusement ne réussit toujours pas à tuer l’homme d’affaires qu’il incarne au profit de l’homme politique qu’il est devenu.

Le chef de l’État n’a pas été bousculé. Francis Kpatindé a été tendre. Françoise Joly est peut-être une grande reportrice, mais une petite intervieweuse.Francis est un très bon analyste, mais un petit intervieweur aussi. Il existe plusieurs domaines dans le journalisme. Chacun doit-être à la bonne place pour réaliser une bonne émission. Nous espérons que la copie sera revue pour la prochaine fois.

Comlan Hugues Sossoukpè
Web activiste béninois

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