Bénin: les membres du Fsp toujours très inquiets de la situation sociopolitique du pays

La situation sociopolitique continue de préoccuper le Front pour le Surseaut Patriotique (Fsp). Ce vendredi, 18 mai 2018, les membres de cette coalition de l’opposition ont animé une  conférence de presse pour donner leur position sur les sujets brûlants de l’heure. Il s’agit entre autres, du dossier relatif au scandale de l’Assemblée Nationale, la désignation des membres de la nouvelle Cour Constitutionnelle, l’incarcération de l’honorable Mohamed Atao Hinnouho et l’affaire Métongnon. La rencontre a eu lieu à la Bourse du travail.

Nous vous livrons ici l’intégralité de leur déclaration lue à l’occasion par le Porte-parole du Front, Jean Kokou Zounon, entouré de Eugène Azatassou, Léonce Houngbadji, Me Aboubacar Baparapé, Kassa Mampo, Mathurine Sossoukpè et bien d’autres membres.

DECLARATION DU FSP A PROPOS DE LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE NATIONALE

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Nous vivons dans un pays où la nécessité des prises de positions régulières, disons même quotidiennes des forces démocratiques se réclame constante pour éclairer le peuple sur les dangers et forfaitures de la gouvernance scabreuse actuelle, pour appeler à la résistance et à la lutte et pour soutenir les actions qui visent à y mettre fin. C’est dans cette voie que se sont engagés avec détermination, contre vents et marées, le FSP et les organisations membres. Ni les attaques, ni la répression comme la détention anticonstitutionnelle de son organisateur général, Laurent Mêtongnon, ne le détourneront de sa voie, de sa lutte pour une autre gouvernance dans notre pays, une gouvernance patriotique et de probité.

En effet, depuis notre dernière conférence de presse en date du 26 avril 2018, l’actualité nationale est riche d’éléments justifiant la nécessité de la voie prônée par le FSP, celle du combat déterminé contre la restauration d’un pouvoir autocratique et pour la sauvegarde des libertés et de la démocratie au Bénin. Quelles positions et quels autres enseignements s’imposent à tout démocrate et au peuple ? Le mépris par le pouvoir en place de la situation sociale catastrophique ; l’arrestation du député Atao ; le réchauffement publicitaire sans désignation de responsables du scandale de la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale ; le mépris, même par la justice, de la décision de la Cour Constitutionnelle à propos de l’affaire CNSS/BIBE, et enfin les désignations des membres de la prochaine Cour Constitutionnelle sont autant de sujets qui interpellent. Tous ces éléments viennent s’ajouter au traumatisme que subissent depuis deux ans, les opérateurs économiques soumis à des redressements fiscaux dès le moindre soupçon de réserve vis-à-vis de la gestion du pouvoir.

Mesdames et Messieurs, camarades,

1- Nous pouvons dire, à bon droit, que ce qui frappe tout observateur de la vie sociale au Bénin, c’est le règne de la faim et de la misère pour l’immense majorité du peuple. C’est le chômage banalisé pour la jeunesse, laissée à l’abandon. C’est le coût exorbitant des frais scolaires et universitaires pour les enfants des pauvres que l’on prive de bourse d’étude. C’est le chômage technique pour des milliers d’artisans et de petits entrepreneurs qui courent en vain à la recherche d’une commande qui se fait de plus en plus hypothétique. Car sous le pouvoir de la rupture, il faut être dans le cercle des serviteurs privilégiés pour avoir droit à un emploi, à une commande d’Etat ou pour ne pas subir les représailles d’un redressement fiscal.

Le PAG en panne plombe l’économie. Les débuts des travaux annoncés continuent d’être conjugués au futur chaque fois fuyant. Le pays n’arrive pas à faire face à ses dettes qu’il met en vente auprès des fonds vautours. Et pendant ce temps, la gestion du pays est remise à des multinationales étrangères. Le pays perd jusqu’à sa dignité, jusqu’à son indépendance formelle au nom d’un « prétendu désert de compétences »

Le peuple a faim, mais le pouvoir et ses hommes jubilent pour avoir refusé de satisfaire les revendications du relèvement du SMIC, de la valeur du point d’indice des fonctionnaires ; le pouvoir jubile pour n’avoir pas réglé les problèmes qui ruinent l’Ecole, le système de santé. Le peuple a faim, mais le pouvoir de la Rupture peut décider des rémunérations complémentaires à ses anciens ministres, (Cf Décret n°2017- 048 du 15 février 2018 portant allocation d’une indemnité complémentaire de sevrage aux ministres en fin de fonction) et continuer de cacher au peuple et malgré la demande expresse de la Cour Constitutionnelle, les salaires des membres du gouvernement.

2- Le déploiement de l’Etat de non droit est devenu plus vert, plus traumatisant pour le peuple, plus hideux. Le scandale de l’arrestation du député Mohamed Atao en est l’illustration récente. Le statut de député, la période, à savoir la période d’une session de l’Assemblée nationale, l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’intégrité de la personne humaine, le droit à la défense et l’intégrité de la personne de l’avocat conseil au sein du tribunal, tout cela est ignoré, piétiné avec rage par le pouvoir qui veut et pense terroriser le peuple pour le tenir en respect. Et comme un premier mandat ne permet pas l’embastillement du député, le procureur Togbonon, sort comme un magicien de son chapeau, une plainte pour fraude fiscale de la part de la douane. Et cette plainte pour fraude douanière est immédiatement prise en compte comme un crime de flagrant délit et le mis en cause, reconnu par le procureur lui-même comme malade et hospitalisé en psychiatrie au CNHU est enlevé un dimanche, le 13 mai 2018, et conduit à la prison civile de Cotonou. Dans un communiqué en date du 16 mai, le procureur de la République, pour justifier l’enlèvement du malade un dimanche, fait état de préparatif d’évasion de l’hôpital du député Atao, bien gardé pourtant sous forte surveillance policière. Mais qu’est-ce qui empêche les services de renseignements et de sécurité de renforcer la surveillance et la sécurité au CNHU ? On est comme dans un film de gangsters ou dans la fable de la Fontaine, où l’agneau buvant en aval est coupable, devant le loup, de troubler l’eau en amont ; l’agneau ne devant pas oser venir boire l’eau à la rivière où le loup décide de se désaltérer. Mais ce que montrent la fable et le scandale de la poursuite et de la détention du député Atao, c’est que notre pays est devenu un Etat de non droit, où le pouvoir peut faire ce qu’il veut, comme il veut et quand il veut contre qui il veut.

3- C’est ce qu’il avait déjà été donné de voir dans de nombreuses autres affaires de soi-disant lutte contre la corruption. Le FSP, les avocats conseils, toutes les organisations démocratiques relayées par la presse non à ordre, ont montré que l’arrestation et la détention de Laurent Mêtongnon étaient arbitraires, voire illégales. Le pouvoir et ses thuriféraires avaient tenté de se défendre. Mais voilà que la Cour Constitutionnelle, dans une décision sans équivoque en date du 19 avril 2018, déclare contraires à la Constitution, et le rapport sur la base de laquelle les poursuites judiciaires ont été enclenchées, et les agissements du procureur de la République qui a décidé du mandat de dépôt. Dans un Etat de droit, la procédure doit s’arrêter net et le mis en cause immédiatement libéré. Mais pas sous le pouvoir de dictature autocratique du Bénin. A l’audience du 9 mai 2018, la demande de l’exception de nullité n’est pas prise en compte et le délibéré est repoussé au 22 mai 2018. Laurent Mètongnon et ses co-accusés, un mois après la décision formelle du juge constitutionnel, sont toujours en prison. C’est scandaleux et le FSP soutient la campagne de l’ODHP, (Organisation pour la Défense des Droits de l’Homme et des Peuples) qui appelle à la mobilisation de l’opinion publique nationale et internationale pour la libération sans condition des otages politiques que sont en réalité, Laurent Mètongnon et ses co-accusés.

4- Le lundi 7 mai 2018, le pouvoir de Talon a offert un spectacle avec l’organisation à l’Assemblée nationale de l’intervention du ministre du cadre de vie à propos du dossier de construction du nouveau siège de l’Assemblée Nationale. Le subterfuge apparaissait déjà gros dans la mesure où il s’agissait du réchauffement, à l’aide d’un nouvel audit par un nouveau cabinet, d’un rapport qui avait été déjà fait sur ce dossier par l’ancien pouvoir et des mis en cause poursuivis par la justice. Pire, alors que l’ancien rapport désignait des responsables, le show à l’hémicycle n’a pointé aucun responsable précis. On pouvait bien se douter qu’il y avait anguille sous roche. Pourquoi l’anonymat des pilleurs dans ce dossier pour lequel tout le monde demande la répression des auteurs ? Le gouvernement nous édifiera dans sa lutte sélective et donc en fait nulle et de nul effet avec le Conseil des ministres en date du 16 mai 2018 qui prend « acte de la volonté de la majorité des députés de voir arrêter les travaux en vue de construire un nouvel édifice sur un autre site », « de procéder à la résiliation à l’amiable ou par voie judiciaire des contrats relatifs aux travaux de construction du siège de l’Assemblée nationale ». Alors finalement qui sera poursuivi dans la mesure où il faut procéder à la résiliation à l’amiable ou par voie judiciaire des contrats ? Il apparaît encore plus clairement que selon que des dossiers concernent des soutiens du pouvoir ou non, le traitement change. Comme dans la fable « les animaux malades de la peste », les fauves qui dévorent les bêtes et les hommes sont dans leur droit, pendant que pour l’âne qui a brouté l’herbe, quel crime abominable ! Le directeur d’école,  pour un sac et demi de riz et un bidon d’huile de la cantine scolaire, est cloué au pilori, et le gendarme, pour un manquant de 90.000 frs, est radié et son nom publié.

Non, il faut que cesse cette caricature de lutte contre la corruption qui se confirme comme un règlement de compte contre les opposants et les faibles. Le FSP, dans sa charte constitutive, s’est engagé à « lutter activement pour éradiquer l’impunité, se battre pour la transparence dans la gestion du bien public et… œuvrer pour que les criminels politiques et économiques soient punis. ». C’est pourquoi, il n’a de cesse d’exiger que soient traduits en justice les auteurs des scandales de Ppea2, machines agricoles, Maria-gléta, Cen-sad, Icc-service, Sodéco, Pvi, affaires domaniales, siège de l’Assemblée nationale, Dangnivo, etc. Il est inadmissible et indécent que le ministre du cadre de vie puisse aller intervenir au Parlement sur le scandale de la construction du siège de l’Assemblée sans être interpellé pour son implication dans le scandale tout frais de la surfacturation multipliée par cinq des frais d’achat de motos et de véhicules. Voilà ce que dit et veut le peuple ; et le FSP le soutient.

5- Depuis le lundi 14 mai 2018, nous avons assisté à la désignation des nouveaux conseillers devant siéger à la Cour Constitutionnelle à partir du 10 juin prochain. Après la Haac, réduite à une police politique contre les journaux et journalistes indépendants, après le Parlement qui vote « les yeux fermés » toutes les lois, mêmes scélérates, conformément au désir du Chef de l’Etat, après les incessantes immixtions au sein du pouvoir judiciaire transformé en « bras judiciaire du régime de Talon » (cf La lettre du Continent du 25 avril 2018), après les tentatives répétées de déstabilisation de l’actuelle Cour Constitutionnelle et le piétinement des décisions de cette juridiction qui ne lui plaisent pas, il saute à l’œil qu’avec la complicité du bureau de l’Assemblée nationale, le pouvoir de Talon achève sa mainmise complète sur la prochaine Cour et partant sur toutes les institutions de la République.

Les membres désignés tant par le parlement que le gouvernement et qualifiés de hautes personnalités ne le sont que pour les besoins de la cause. La hauteur de leur personnalité ne tiendrait-elle pas plutôt davantage à leur servilité garantie au Chef de l’Etat qu’à leur compétence, expertise et expérience prouvées dans la conduite des affaires du pays ? Quant aux juristes, il n’y a en leur sein aucun constitutionnaliste. Le critère essentiel est la fidélité et le haut degré d’allégeance à la gouvernance de la ruse et de la rage. Alors, il n’est pas étonnant que le premier à figurer sur la liste soit Joseph Djogbénou, le théoricien justificateur de cette gouvernance et le premier à l’avoir publiquement revendiqué. Désormais, une suppression des organisations estudiantines, un retrait du droit de grève aux travailleurs de tous secteurs économiques qu’il plaira au gouvernement de déclarer prioritaires, tout arrêté contre la liberté de manifestation, tout forfait du gouvernement et de son chef seront couverts et déclarés conformes à la Constitution par la prochaine Cour. Pire ou plus grave, avec la ruse et la rage au lieu du droit, les conflits en matière électorale, à commencer par la liste, le code, le vote, les arbitrages et la publication des résultats, le contentieux, etc, tout cela ne tournera jamais en défaveur du pouvoir de Talon, au contraire, tout se fera à son profit comme on le voit dans toutes les affaires d’Etat où son intérêt est en jeu. Avec la prochaine Cour Constitutionnelle s’achève l’Etat de droit et la légalisation d’un Etat de non droit au Bénin.

6- Que faire ?

–  La première chose est de ne se faire aucune illusion sur la situation. La situation est grave et la mort de la démocratie programmée. Ne nous faisons aucune illusion électoraliste. Dans son discours le 24 mars 2018, lors du congrès constitutif de son parti, l’USL, Mr Sébastien Ajavon, a laissé clairement entendre qu’il était le véritable candidat arrivé en seconde position à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle de 2016 et avait «à l’appui des éléments de preuves solides et irréfutables… ».  Jusqu’à ce jour, personne n’a porté de démenti à de tels propos. Se faire des illusions à propos des élections libres, transparentes et démocratiques sous le pouvoir de Talon, qui réunit en ses mains toutes les télécommandes, et avec une Cour à sa dévotion, serait suicidaire pour les libertés et la démocratie au Bénin. Des élections libres, démocratiques et transparentes sont nécessaires, indispensables pour la sincérité du suffrage. C’est pour cela qu’il faut reconnaitre que les conditions en sont pour le moins biaisées aujourd’hui.

Ainsi donc, la première chose est cette reconnaissance froide de la vérité sur l’état de la démocratie au Bénin. Nous sommes revenus en arrière, comme sous la dictature du PRPB, dans une dictature de type fasciste avec des institutions factices et aux ordres.

– La deuxième chose, c’est de ne pas céder à la panique et au désespoir. Ce qui nous arrive est un drame, inimaginable il y a deux ans. Mais notre peuple a connu des dictateurs ; il les a combattus et vaincus. L’arrêt par exemple des mouvements de grève, l’apathie de nombreux secteurs et citoyens face à la violence des attaques aux conditions d’existence et d’entreprise des citoyens et aux libertés élémentaires, l’accaparement insolent et arrogant du bien public, l’opacité dans la gestion de la chose publique, etc., peuvent inquiéter. Mais, ne cédons pas à l’abattement. Le pouvoir se sait fragile, coupé du peuple. C’est ce qui explique la prolifération de petits partis sous l’égide de ses partisans, pour un régime qui dit vouloir assainir le système partisan et qui s’emploie à détruire les partis qui ne sont pas à sa solde.  C’est ce qui explique aussi les marches de soutien, non des marches de reconnaissance des plus grands dirigeants de l’Etat (président et vice-président de l’Assemblée nationale, etc.) alors qu’on les qualifiait de populisme et que toutes les entraves sont dressées pour empêcher les marches pacifiques de protestation.

– Alors la troisième chose, la chose à faire, en s’inspirant de l’expérience même de notre peuple et de celles des autres peuples, reste le courage à ne pas renoncer, et la détermination de vaincre. Aucune dictature ne peut vaincre un peuple organisé. Le pouvoir de Talon et ses hommes nous ont appris que les décisions de la Cour Constitutionnelle ne s’imposent pas, ils nous ont appris la désobéissance aux lois de la République, y compris celles de la plus haute institution, la Cour Constitutionnelle. Le peuple se le rappellera à coup sûr et au moment opportun. La désobéissance aux lois rattrapera aussi le pouvoir de Talon et sa Cour.

C’est pourquoi le FSP appelle les travailleurs, la jeunesse, tous les démocrates et le peuple à la résistance, à la détermination dans la lutte contre le pouvoir autocratique.

Que de partout, chaque citoyen qui souffre et se plaint de la gouvernance autocratique, de pillage, d’apatridie et de famine du pouvoir de Talon, refuse d’accepter l’inacceptable que l’on veut lui fait subir dans son coin, et alors l’ensemble de ces refus débouchera certainement, immanquablement sur la libération du peuple du joug autocratique.

Alors, des Etats généraux du peuple se réuniront et institueront une gouvernance nouvelle, de probité et de patriotisme

– pour des élections libres, transparentes et démocratiques ;

– pour une lutte véritable contre l’impunité et la corruption ;

– pour une instruction qui n’exclut pas les fils du peuple ;

– pour la dignité recouvrée du Bénin ;

– pour des bases véritables de construction d’une économie prospère.

 

Enfants du Bénin, debout pour que Vive la démocratie, pour que survive le Bénin !

Cotonou, le 18 mai 2018

Pour le Comité de Suivi

Le Porte-parole

Jean Kokou ZOUNON

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