Bénin – Suspension de « La Nouvelle Tribune » : voici ce qui reste à faire par la Haac

Le Journal ‘’La Nouvelle Tribune’’ est interdit de parution depuis le mercredi 23 mai 2018 jusqu’à nouvel ordre. Une décision qui a surpris plus d’un dans un contexte de libéralisation des espaces publics. Mais la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication doit aller encore plus loin pour l’équilibre du combat.

Les Béninois sont privés, depuis le jeudi 24 mai 2018 des informations du journal ‘’La Nouvelle Tribune’’. C’est la conséquence de la mesure conservatoire prise par l’organe de régulation à l’encontre de ce quotidien. Une décision surprenante d’autant plus qu’elle intervient dans le mois de la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse. Il est reproché au journal la violation du code de l’information et de la communication en République du Bénin et du code de déontologie de la presse béninoise.

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En lisant bien la décision n°18-024/HAAC du 23 mai 2018, le quotidien se serait ‘’engagé depuis quelques mois dans un registre injurieux, outrageant, attentatoire à la vie privée du Chef de l’Etat sur la base d’un champ lexical dévalorisant, foulant aux pieds les principes élémentaires de la profession de journalisme’’. Cette décision a suscité une avalanche de réactions, d’indignations et de condamnations au sein de l’opinion publique. Tous les mots sont mis à contribution pour dénoncer le caractère ‘’arbitraire et unilatéral’’ de cette décision même si la loi organique de l’institution en donnerait plein pouvoir au Président.

Des associations professionnelles des médias en passant par les formations politiques, les praticiens de droit sans oublier les acteurs de la société civile, tous sont sortis de leur réserve pour dénoncer et condamner cette décision. Pour les associations professionnelles, au regard des textes qui régissent la corporation, il n’existe pas d’arguments valables devant justifier la fermeture d’un espace de liberté par le Président de la Haac censé protéger la presse au Bénin. Elles déplorent, dans leur communiqué conjoint,  » la volonté manifeste de museler les organes de presse qui choisissent des lignes éditoriales qui privilégient la critique » et s’interrogent, par ailleurs, sur les réelles motivations du Président de la Haac.

«Quelle urgence peut empêcher le Président de la Haac d’inviter le responsable de l’organe concerné pour l’écouter dans le cadre de ses propres procédures?», s’interrogent-elles.

Mais du côté des proches soutiens du Président de la République, cette décision est la bienvenue pour éviter les dérapages de certains professionnels des médias dans l’exercice de leur métier. «Nous ne sommes plus en liberté avec de pareils écrits, nous sommes en libertinage et il faut combattre le libertinage», a laissé entendre l’honorable Orden Alladatin, membre de la majorité présidentielle sur une chaîne de la place.

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Il est légitime que la Haac veuille réguler la presse conformément à sa mission. Mais faudrait-il que cette régulation soit générale et non sélective. Sinon à l’analyse, il est aisé de donner raison à ceux qui estiment que les différentes décisions prises par l’organe de régulation, depuis l’avènement du régime de la rupture, sont orientées contre les médias qui ne s’alignent pas sur la rupture. C’est d’ailleurs ce que stipule le Professeur Agrégé, Me Ibrahim Salami qui, dans une tribune, juste au lendemain de la suspension de ‘’La Nouvelle Tribune’’, estime que la Haac n’a pas une idée juste et claire de sa mission qu’il a transformé en canon braqué contre la presse libre et souhaite même la suppression de cette institution qui pose problème aussi bien dans son existence que dans son essence. Dans le même registre, son collègue Joël Aïvo pense que la Haac ne rend aucun service au pouvoir politique encore moins à la démocratie béninoise qui ne peut être privée de critiques, de contradictions et de voix discordantes.

«Par de pareilles décisions du Président de la HAAC du Bénin, l’image de notre Presse se trouve de plus en plus entachée en matière de liberté de presse. Le Bénin risque de continuer à s’enfoncer dans les profondeurs des classements relatifs à la liberté de la presse en Afrique et dans le monde», déplore le juriste Prince Agbodjan.



Ce qui reste à faire par la Haac

Ce qui reste à faire par la Haac, c’est d’élargir désormais son champ d’intervention vers les autres organes qui utilisent leurs colonnes pour vouer aux gémonies les pressentis ‘’opposants’’ au régime en place. Il est aisé de constater que les anciens Chefs de l’Etat et d’autres figures de proue de l’opposition font l’objet de vives critiques dans certains journaux, pour ne pas les nommer, au vu et au su de la Haac.

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Alors même que le champ lexical souvent utilisé par ces médias n’est pas loin de celui qui fait l’objet de sanctions à l’encontre de ‘’La Nouvelle Tribune’’, la lutte ne doit donc pas se limiter aux médias qui ont fait l’option de ne pas louer les actions du régime. C’est le moment plus que jamais pour l’instance de régulation de prouver sa bonne foi en ramenant à l’ordre ces organes qui faillent parfois à leur mission, celle d’informer sainement les populations.

Le combat de la Haac pour l’assainissement de la corporation doit être équitable. C’est d’ailleurs sur ce chantier que les Béninois attendent l’actuelle mandature.

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