Ces places financières offshore qui siphonnent les richesses de l’Afrique de l’Ouest

Des magnats de l’industrie et du commerce, d’anciens ambassadeurs, des responsables politiques de premier plan, un candidat à la présidence… et la promesse du secret. Plus de 27,5 millions de documents issus de diverses fuites ont été mis à la disposition de la plus grande collaboration de journalistes d’investigation d’Afrique de l’Ouest ; leurs révélations permettent aujourd’hui de braquer les projecteurs sur ces prédateurs secrets de l’économie ouest-africaine que constituent les places offshore.

Plus de trois ans après ses premières révélations, le Consortium International de Journalistes d’Investigation (ICIJ) s’est associé à la Cellule Norbert Zongo pour le Journalisme d’Investigation en Afrique de l’Ouest afin d’explorer d’un point de vue régional des années de fuites, en recoupant les Panama Papers, les Paradise Papers, les Offshore Leaks et les Swiss Leaks. Si de nombreuses affaires ont déjà été révélées, les Fuites d’Afrique de l’Ouest (West-Africa Leaks) que nous publions ce jour montrent qu’il reste encore beaucoup de secrets à dévoiler.

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Les documents découverts divulguent quelques-uns des bénéficiaires d’une industrie bien huilée qui offrait jusqu’ici une discrétion suprême ; l’enquête révèle à quel point le système financier offshore a étendu son influence dans l’une des régions les plus vulnérables du monde.

« Ces révélations montrent une fois de plus que les personnes en position de pouvoir disposent de multiples possibilités pour cacher leurs actifs. Les centres financiers et les autorités ouest-africaines doivent mettre en place des mesures de lutte plus efficaces contre le blanchiment d’argent », a réagi Jessica Ebrard, coordinatrice de la lutte contre le blanchiment d’argent pour Transparency International : « Nous demandons en particulier une transparence totale sur les propriétaires réels des structures commerciales. »

Il n’est pas nécessairement illégal de disposer d’un compte offshore ; pour autant, ce type de structures permettent bien souvent de commettre des actes répréhensibles, comme la dissimulation d’actifs, et fournissent des outils facilitant la corruption et l’évasion fiscale. Cela aboutit à drainer les ressources des États qui, autrement, auraient pu être investies dans d’autres services.

Les dommages collatéraux de ces manœuvres offshore, réalisées le plus souvent par les élites, sont dramatiques. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment publié un rapport montrant comment plus de 50 milliards de dollars sont détournés chaque année de la région par le biais de flux illicites. Un montant d’autant plus important que, dans ces pays, un grand nombre de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour.

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Comme l’a souligné le Secrétaire général de l’OCDE, Jorge Moreira da Silva, ces chiffres représentent « plus de deux fois l’aide bilatérale à l’Afrique ». « Les activités et les flux illicites alimentent un cercle vicieux de corruption, permettant aux groupes ou individus au pouvoir d’accéder à des ressources qui peuvent être utilisées dans le cadre de campagnes électorales, pour sécuriser des systèmes clientélistes et conserver le pouvoir. Les activités illicites et criminelles ont des conséquences sur l’augmentation de l’instabilité, de la violence ou même du terrorisme », dit le rapport.

Après une série de révélations offshore, le Royaume-Uni a récemment décidé de contraindre ses propres territoires d’outre-mer — des paradis fiscaux bien connus — à révéler les noms des propriétaires réels de ces entreprises, dans ce qui pourrait s’avérer l’une des plus importantes mesures de transparence de ces dernières années.

Des mesures doivent aussi être prises du côté des pays victimes de ces pratiques. Nick Deaden, directeur de l’organisation à but non lucratif britannique Global Justice Now, est catégorique : « Pour lutter contre l’évasion fiscale, les gouvernements doivent cesser de tergiverser sur les mesures à prendre contre les paradis fiscaux. Aucun pays ne devrait tolérer l’activité de sociétés ayant des filiales basées dans des paradis fiscaux », a-t-il déclaré dans un article publié par Al Jazeera. C’est cette vérité dérangeante que les pays d’Afrique de l’Ouest devront affronter eux aussi.

Article publié avec la collaboration de Daniela Q. Lépiz (Cénozo) et Will Fitzgibbon (ICIJ)

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