Dahomey – Bénin – coalition de Djeffa: histoire d’une fuite en avant (chronique de Gbégnonvi)

Pour les démarchés des réseaux sociaux et les endimanchés de Djeffa, la messe est dite : ‘‘Notre pays, le Bénin, va mal !’’ Et l’on ne propose pas la moindre analyse du mal-être. L’on ne dit pas où il a commencé ni où il finira ni comment il finira. On s’en tient au présent en feignant d’oublier que le présent est le produit du passé et annonce le futur et que donc le futur sera pire que le présent si l’on n’arrête pas résolument la fuite en avant.

La fuite en avant a caractérisé le Dahomey dès l’indépendance octroyée le 1er août 1960. Bien avant le premier coup d’Etat militaire en 1963, les populations maugréaient déjà : ‘‘Si c’est ça l’indépendance, le Blanc n’a qu’á revenir.’’ Car elles découvraient, étonnées, la hâte à s’enrichir de ‘‘ces nègres qui croient que la Révolution ça consiste à prendre la place des Blancs et continuer en lieu et place, je veux dire sur le dos des nègres, à faire le Blanc’’ (Aimé Césaire). Les populations se sentaient brimées par les leurs, les lettrés qui, après leur avoir vanté les bienfaits présumés de l’indépendance et pris la direction du pays, étaient en train de s’empiffrer du peu que le Blanc avait laissé et auquel ils n’avaient rien ajouté.

En effet, du Dahomey au Bénin, loin de toute intelligence pour ‘‘Oser inventer l’avenir’’ (Thomas Sankara), les faux Blancs au pouvoir ont tout laissé aller à vau-l’eau. Ils n’avaient usurpé le titre d’intellectuels – ils étaient seulement lettrés – que pour regarder passer les vaches.

Ils ont regardé la démographie galoper de deux à onze millions sans rien tenter pour freiner la galopade ni pour l’accompagner. Ils ont regardé les paysans continuer à gratter le sol avec la houe de Mathusalem. Ils ont regardé l’analphabétisme croître au prorata de la démographie galopante. Paresseux comme il n’est pas permis, ils ont regardé les vrais Blancs concocter à leur place des réformes scolaires qui ont conduit le système éducatif au cimetière. De la Réforme Grossetête-Dossou-Yovo aux Nouveaux Programmes d’Etude en passant par l’Ecole Nouvelle, échec et mat ! Mais les faux Blancs ont empoché au passage l’argent accompagnant ces réformes inopérantes.

Engoncés dans la même paresse intellectuelle (mais ils n’étaient que lettrés), ils ont commis la vaste insulte de précipiter le marxisme-léninisme sur des populations analphabètes et paysannes ne comprenant rien à leur galimatias des ‘‘luttes glorieuses du prolétariat invincible’’. Et ils ont décrété la ‘‘pensée unique’’. Et ils faisaient hurler à tous des slogans ineptes. Cependant que, aidés de la soldatesque vorace, ils ont dressé pour s’y vautrer le lit de la corruption généralisée devenue systémique. La quête d’un Lénine local pour montrer la ‘‘voie lumineuse’’ les mena vers le dernier roi d’Abomey, esclavagiste à la ronde, et qui brisait les destins à la ronde, et qui fut vaincu par le Blanc et emmené en exil au milieu d’esclaves libérés.

Lesdits marxistes le baptisèrent ‘‘héros national’’ et modèle de progrès pour les générations montantes. Mais comme leur héros ne l’est pour personne, il n’y a de lui que deux statues dans tout le Dahomey-Bénin : l’une à Abomey, longtemps en proie aux ronces et aux épines, l’autre à l’Institut Français, où le vainqueur protège l’image abandonnée de celui qu’il a vaincu.

Voilà, résumée, l’histoire de la fuite en avant du Dahomey-Bénin depuis bientôt soixante ans. Une histoire d’errance, de plagiats, de singeries, de mensonges. Et si l’on tente de dessoucher cette coriace chienlit, des adultes vêtus de blanc se coalisent avec des enfants couverts d’ignorance et bourrés d’intoxication pour torpiller l’effort d’élévation.

Ô Aimé Césaire, parle encore et dis-nous : ‘‘Le plus grand besoin de ce pays, de ce peuple, c’est… La liberté, sans doute, mais pas la liberté facile…, pourquoi ne pas le dire, quelque chose qui, au besoin par la force, l’oblige à naître à lui-même et à se dépasser lui-même’’. Force morale. Volonté des dirigeants d’avancer. Sankara. Jerry Rawlings. Mandela. Soyez-nous modèles.

Roger Gbégnonvi

Les commentaires sont fermés.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus