Ethique et vie publique au Bénin

Un Etat de droit, une administration performante, la transparence et la qualité des services publics devraient être les valeurs socles de la vie publique, conditions du rétablissement de la confiance entre les politiques et les citoyens. L’on est loin de cette simple évidence morale, lorsque que fleurissent chaque jour, scandales, prévarications, mélanges des genres où les politiques organisent eux-mêmes le hold-up permanent sur les moyens de l’Etat

[su_note]Ce texte est une tribune de Raymond ADJAKPA ABILE, Expert Qualité et Métier du Multimédia et de l’Internet, Chargé de Cours à l’Université François Rabelais- IUT de Blois et Michel PADONOU, Expert Qualité et Evaluation des Politiques Publiques, Directeur Exécutif de l’Institut International de Formation et d’Accompagnement Qualité (IIFACQES) Basé en France [/su_note]

Au regard du modèle économique du Bénin, l’on a toujours dit que le secteur privé est le principal créateur de richesse. Mais, curieusement, il est aisé de constater, qu’au Bénin, les plus grands concurrents du secteur privé sont les élus, notamment députés et les fonctionnaires.

Ils sont, pour la plupart, chefs d’entreprise ou parrains de chef d’entreprise. Dès lors, leur principale préoccupation est d’assiéger les ministères pour négocier les marchés publics, non seulement en totale contradiction avec leurs engagements éthiques de législateurs, mais aussi en concurrence frontale et déloyale avec le secteur privé, sans que cela interpelle le moins du monde ni le citoyen électeur, ni les organismes chargés de veiller à la moralisation de la vie publique. Comment le député, chargé de voter les lois pour tous les citoyens peut-il s’exonérer, aussi légèrement de se les appliquer ?

Si notre pays a besoin de lutter contre la corruption sous toutes ses formes, le premier à donner l’exemple n’est-il pas le législateur ? Comment extirper cette gangrène de notre société si elle est aussi profondément ancrée en ceux qui font les lois, y compris contre la corruption ? Et pourquoi indexer singulièrement les corps de nos administrations lorsque les têtes elles-mêmes sont à ce point gangrénées ?

Bénin nouveau ! Changement !…, autant de velléités de changements qui ont toutes échoué à soigner voire guérir le pays des maux principaux qui hypothèquent son développement et le fonctionnement normal de l’Etat où la morale est la boussole de la gouvernance.

Au-delà des slogans faciles et des postures populistes, le temps n’est-il pas venu de démontrer par les faits et les actes, une réelle volonté foncière de changer un fonctionnement que beaucoup de citoyens ne supportent plus et dont surtout tous les béninois souffrent, beaucoup plus profondément qu’on le croit ?

Une grande partie des électeurs ne fait plus confiance aux législateurs, parce qu’ils ont l’impression que ces politiques, non seulement ne s’occupent pas de leurs vies et de leurs préoccupations, mais que nombreux d’entre eux, utilisent leur fonction de députés et les prérogatives qui y sont attachées pour faire pression sur les administrations et tirer des avantages substantiels notamment dans les marchés publics. Le scandale de la construction du siège de l’assemblée nationale à Porto-Novo est une illustration parfaite.
Les citoyens contribuables et électeurs se retrouvent à être spectateurs d’un jeu ruineux pour les finances publiques, mais juteux pour quelques individus, de surcroît législateurs. Double peine pour le citoyen quand les fonds publics devront payer la note, puisqu’il est admis que les prévaricateurs sont toujours impunis. Car puisque l’Etat n’a pas le pouvoir de faire fonctionner la planche à billets, c’est par les impôts ou par les emprunts (toujours remboursables) qu’il faudra couvrir les dépenses liées aux gâchis et autres détournements déguisés.

Mais jour après jour, les peuples s’éveillent et ne se résignent point. Et le passage du désespoir à la haine est parfois si inattendu et si radical qu’il urge d’apporter sans délais des solutions à ces scandaleuses pratiques si éloignées de l’éthique en politique.
La règle des 10% de dîme rançonnés sur tout projet est de notoriété publique. Elle est l’expression la plus manifeste de la corruption puisque n’elle n’est la contre partie d’aucune prestation. A tort, tout le monde s’en accommode au point d’en faire une norme. Prélevés sur les entreprises ou sur les fonds publics, c’est autant de moyens financiers soustraits au développement du pays. Qui pourra mettre fin à ce hold-up généralisé et comment ?
Ni messianique ni magique, seule la volonté réelle et sincère de l’homme public peut mettre en place des outils de la traçabilité et les règles de mise en œuvre des ressources liées à toute action publique. Une gouvernance toute entière vouée à la qualité est la condition d’une gestion éthique de la chose publique. Ainsi, par la traçabilité, le politique et les acteurs publics mettent en place les outils de visibilité et d’opposabilité des moyens mis en place. Par l’évaluation, le politique et les acteurs publics font rendre compte ou rendent compte des moyens mis en œuvre. Ces deux exigences de la qualité sont les bases de l’éthique dans la gestion des politiques publiques et renforcent le pacte social avec les citoyens. Le retour de la confiance n’en sera que plus aisé entre élu et citoyen si les écuries d’Augias sont sincèrement nettoyées et que chaque élu se conforme à l’éthique de ses charges électives.

Cela est possible à tout moment. A condition de le vouloir avec exigence, efficacité et sincérité. L’homme et la femme publics retrouveront ainsi la noblesse de leurs fonctions au service du collectif. Ce sera alors une pierre de qualité, la voie indispensable pour le décollage de notre pays.
Pour ce faire, voici quelques mesures pratiques pour la moralisation de la vie politique pour le parlement Béninois.
Contrôle fiscal de tout prétendant aux charges de député, et déclaration, sous serment, de la situation patrimoniale auprès du Conseil Constitutionnel.

Tout chef d’entreprise qui devient député doit s’engager à se mettre en retrait de la gestion directe de ses entreprises.
Il doit notamment renoncer officiellement à interférer et à faire participer les entreprises dans lesquelles il avait des intérêts à des appels d’offre de l’Etat ou d’une collectivité publique.
Pour le fonctionnaire, l’élu, le chef d’entreprise, le refus du conflit d’intérêt doit être la règle absolue. Soit le parlementaire est commerçant, soit il est élu. Pas les deux à la fois et surtout, il ne peut être le VRP de ses intérêts marchands auprès des pouvoirs publics.
Pour être député il faut choisir.

[su_note]Raymond ADJAKPA ABILE, Expert Qualité et Métier du Multimédia et de l’Internet, Chargé de Cours à l’Université François Rabelais- IUT de Blois, Fondateur du cabinet de conseils et de formation pluridisciplinaire AS PARTNERS. Il est Président de l’Institut International de Formation et d’Accompagnement Qualité (IIFACQES) Basé en France, il consacre une partie de son temps à travailler à la modernisation de la vie politique africaine en y introduisant un regard qualité.

Michel PADONOU, Expert Qualité et Evaluation des Politiques Publiques,
Directeur Exécutif de l’Institut International de Formation et d’Accompagnement Qualité (IIFACQES) Basé en France, il consacre depuis plus de 20ans son temps à proposer des solutions pour rapprocher le citoyen des élus.

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