Afrique: Soglo à Baku et les migrants en filigrane (chronique)

Le 17 mars 2018, à Baku, capitale d’Azerbaïdjan, le président Soglo s’adresse à un parterre de ses pairs, anciens dirigeants de certains pays de la planète. Il leur parle de l’Afrique dont ils savent peu de chose. Il leur dit sa grande richesse : ‘‘L’Afrique au Sud du Sahara est la deuxième région exportatrice de pétrole après le Moyen-Orient.

Elle possède le tiers des ressources minières de la planète, et ses forêts constituent l’un des plus grands réservoirs d’essences tropicales, sans oublier que les forêts du bassin du Congo sont le second puits de carbone du monde après l’Amazonie. Enfin, la rareté des terres agricoles sur la planète font de l’espace africain l’objet de toutes les convoitises… alimentaires.’’ Deux pages plus loin, il leur dit la grande pauvreté de ce même espace dont les pays ‘‘fournissent à la métropole des matières premières mais dépendent étroitement de ces dernières, de leurs produits manufacturés et de leurs frets, pour offrir à la production métropolitaine le plus vaste débouché possible.’’

Et il est vrai que le coton béninois crée des emplois outre Atlantique et non au Bénin. Pareil avec le cacao ivoirien. Pareil avec le coltan de la RDC sans lequel il n’y a ni avion ni téléphone portable. Etc. Pays de cocagne ? Pour Soglo sans doute, mais pas pour Trump qui n’a pas la même vision du monde que son prédécesseur Obama.

Sur cinq pages de discours, le président Soglo n’évoque pas les migrants africains : ce n’est pas le lieu. Les voici pourtant dans son texte pour atteindre Lampedusa par la béance de l’équation : grande richesse africaine = grande pauvreté africaine. Et ils ne veulent pas périr comme leurs ancêtres déportés ‘‘dont les trois quarts mouraient dans les soutes des bateaux négriers’’ (B. Adoukonou).

Non, cette histoire ne doit pas se répéter, n’a pas le droit de bégayer, quoique l’on vende encore du Nègre en Libye. Donc les migrants africains ne veulent pas mourir en mer. Sur fond de géopolitique de la désespérance, guidés par le flair plutôt que par la science, ils veulent rejoindre les emplois créés en Europe par la grande richesse africaine. Ils veulent travailler.

Mais soupçonnés de vouloir arracher le pain de la bouche des Européens, ils sont mal ou pas accueillis. La Ligue du Nord et le Mouvement Cinq-Etoiles, en accord avec Trump, leur maître à penser, les parquent en Sicile avant de les refouler vers leurs ‘‘pays de merde’’ où ils deviendront djihadistes ou bokoharamistes. Les quelques-uns qu’ils gardent pour la bonne conscience internationale sont sans qualification, et ils les utilisent à balayer leurs rues, cirer leurs bottes, laver leurs assiettes. Mettre sa vie en péril sur les océans pour sombrer finalement dans une survie de boy et de boyesse. Au noir ! Sans papiers ! Au loin, là-bas ! Est-il humiliation plus grande pour le vivant ?

Humiliation. Drame. Tragédie. Assis en Afrique sur la grande richesse africaine, et incapables de créer autre chose que la grande pauvreté africaine. Poussés par la faim sur les rives de la Méditerranée, et incapables de participer à la création de la richesse européenne. Si donc le discours de Soglo à Baku n’est suivie d’aucune action pour qu’on ne vende plus du Nègre en Libye, si les migrants africains, en filigrane dans le discours de Soglo, se noient dans la béance-impasse de son texte, si les anciens dirigeants africains ne s’élèvent pas au-dessus des politiques politiciennes pour amener l’Afrique à maîtriser sa croissance démographique, si les actuels dirigeants africains négocient leur survie politique en tête-à-tête interminable avec les grévistes et s’avèrent incapables d’amener l’Afrique à savoir lire et écrire, incapables d’amener chaque Africain à avoir une compétence, alors Thomas Sankara pourrait surgir de sa tombe et se ranger du côté de Trump : il ne leur pardonnera pas de continuer à trahir l’Afrique. Qu’ils se réveillent donc et s’élèvent à la hauteur de Thomas Sankara !

Roger GBEGNONVI

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