Ajavon contre Etat béninois devant la CADHP: la justice béninoise humiliée à l’international

Ayant perdu foi à la justice de son pays; justice qu’il estime être manipulée par l’actuel locataire de la Marina, le magnat de la volaille et homme politique béninois venu en troisième position lors de l’élection présidentielle de Mars 2018, Sébastien Ajavon traîne son Etat devant la cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans le sulfureux dossier de 18kg de  cocaïne pure  qui lui aurait causé des dommages moraux et économiques.

En saisissant la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Sébastien Ajavon, à travers ses conseils composés d’avocats béninois et français, demande non seulement la protection de sa personne et de ses droits devant cette juridiction africaine mais réclame également le payement par l’Etat béninois d’une somme de 254 Millions d’euros en guise de dommage pour les préjudices subis dans ce dossier qu’il qualifie de montage du pouvoir du président Patrice Talon pour détruire sa réputation devant ses partenaires d’affaires et par conséquent le détruire financièrement.

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Cette affaire intitulée dossier Sébastien Ajavon contre l’Etat béninois et  enregistrée au dossier N° 013/2017 a fait l’objet d’un procès marathon le Mercredi 09 Mai 2018 devant la cour africaine des droits de l’homme et du peuple (cdhp) à Arusha au nord de la Tanzanie. Le requérant est représenté par Me Marc Bensimhon,  son fils Me Julien Bensimhon (avocats et amis personnels de Sébastien Germain Ajavon), Me  Issiaka Moustapha et Me  Yaya Pognon. L’Etat défendeur est assisté de Me  Cyrille Djikui (ancien bâtonnier) , Me  Elie Vlavonou Kponou et de Me  Charles Badou.

L’indépendance et l’impartialité de la justice béninoise contestée à l’international

Devant la juridiction africaine, les conseils de l’ex administrateur général du groupe cajaf comon prétendent que leur client, Sébastien Ajavon se présente devant la « cadhp » pour  demander la protection de sa personne et de ses droits devant cette juridiction car selon leur propos, la juridiction béninoise n’est plus en mesure de le faire.

« …J’avais écrit une plaidoirie, mais là, je ne pourrai pas. Je vais devoir plaider avec mon coeur pour vous expliquer pourquoi notre client (Sébastien Ajavon-ndlr) est contraint aujourd’hui non pas pour se mettre à genou devant vous mais solliciter votre protection contre ce régime (régime du nouveau départ présidé par le président Patrice Talon). Je voudrais rappeler devant la cour que Sébastien Ajavon est un homme puissant qui malgré les moyens qu’il utilisait pour se défendre n’est plus en mesure de le faire. » a commencé par plaider Me Julien Bensimhon quand la cour a décidé l’audience publique sur le fond après la vaine tentative des conseils de la défense pour faire dire à la cour que Sébastien Ajavon n’est fondé à faire cette demande devant la cadhp puisqu’il n’a pas  vidé les voies de recours qui s’offre à lui dans son pays.

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« ...Il (Sébastien Ajavon-ndlr) vous demande expressément mais tout à fait humblement de bien vouloir, comme vous le faites pour tous les citoyens  africains qui ont la possibilité de vous saisir, de bien vouloir le protéger parce que pour une raison assez simple; c’est que les juridictions béninoises ne sont plus en mesure de le faire. » poursuit Me Julien Bensimhon dans sa plaidoirie.

Et comme pour faire toucher du doigt la sincérité de ses propos, Me Julien Bensimhon évoque une déclaration de l’union nationale des magistrats du Bénin dans laquelle, Michel Adjaka dénonçait la caporalisation et la tentative de vassalisation du pouvoir judiciaire par le gouvernement du président Patrice Talon. « …Il  (Sébastien Ajavon-ndlr) le dit avec tristesse parce que c’est un pays qu’il aime. Il vous demande donc de le protéger car la salle dans laquelle nous sommes, l’arbitraire est interdit » expose Me Julien Bensimhon devant l’auguste cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Ainsi, le requérant  réclame à l’Etat béninois de  lui verser des dommages aux préjudices moraux et commerciaux et des dommages et intérêts à hauteur de 550 Milliards de francs CFA .

Toutefois, cet extrait de la plaidoirie des conseils de Sébastien Ajavon suscite un certain nombres d’interrogations. Est ce simplement des propos de praticiens de droit motivés à défendre leur client? Il y a t-il une dose d’objectivité dans ces propos? La justice béninoise n’offre t-elle plus une garantie de protection aux citoyens que nous sommes? Le Bénin demeure t-il toujours un état de droit?

Le Bénin, un pays qui offre pourtant des garanties de protection à ses populations

Au terme du préambule des dispositions de la Loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 
portant Constitution de la République du Bénin, le peuple béninois, depuis l’avènement de la conférence des forces vives de la nation, a fait l’option de la démocratie.

Au terme de l’alinéa 1 et suivant du préambule de la constitution , le peuple béninois réaffirme son  opposition fondamentale à tout régime fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel ; exprime sa ferme volonté de défendre et de sauvegarder sa dignité aux yeux du monde et de retrouver la place et le rôle de pionnier de la démocratie et de la défense des Droits de l’Homme qui furent naguère les siens ; réaffirme solennellement sa  détermination par la présente Constitution de créer un Etat de droit de démocratie pluraliste, dans les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle.

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Toujours dans le même préambule, le peuple béninois réaffirme son  attachement aux principes de la Démocratie et des droits de l’Homme tels qu’ils ont été définis par la charte des Nations -Unies de 1945 et la déclaration Universelle des Droits de l’ Homme de 1948, à la charte Africaine des Droits de l’ Homme et des peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’ Unité Africaine, ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 et dont les dispositions font partie intégrante de la présente Constitution et du Droit béninois et revêt  une valeur supérieure à la loi interne.
Ainsi, selon le titre VI et l’article 125 de la constitution de Décembre 1990, « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par la Cour suprême, les cours et tribunaux créés conformément à la
présente Constitution. » Cette disposition est renforcée par l’article 126 qui stipule que : « la justice est rendue au nom du Peuple Béninois. Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles.« 
L’article 127 quant à lui, fait du chef de l’exécutif, le garant de l’indépendance judiciaire. « Le président de la République est garant de l’indépendance de la justice. Il est assisté par le Conseil supérieur de la Magistrature. »

Comment se fait-il donc que nonobstant  toutes ces dispositions, notre justice soit amenée à recevoir des soufflets à l’international? Que s’est-il passé? qu’est ce qui n’a pas marché?

Le Bénin serait-il devenu un pays incapable de protéger ses enfants pour qu’ils soient obligés de le traîner devant des cours régionales? L’opérateur économique devenu acteur politique ne fait-il plus confiance aux institutions de son pays; un pays qu’il aspire gouverner? La justice béninoise a  t-elle démissionné de la mission constitutionnelle qui est la sienne? Ces différentes interrogations adressées à qui de droit droit doivent interpeller chaque conscience dans les responsabilités qui sont les siennes afin que nous cessions d’exposer notre pays en pâture à l’international.

La justice béninoise en quête de repère

Le pouvoir judiciaire au Bénin semble perdre de plus en plus son repère eu égard aux critiques dont elle est accablée ces derniers temps. Dernier rempart d’un état de droit, la justice béninoise s’essouffle de plus en plus. Ces décisions sont de plus en plus sujettes à caution et sa crédibilité de plus en plus mise en cause.

La suspicion grandissante des béninois sur l’indépendance de la justice de leur pays n’est pas infondée. C’est du moins ce qu’affirme un acteur du système lors d’une émission radiophonique le dimanche  12 novembre 2017.  En effet, invité sur la radio Océan Fm, une chaîne de radio privée, Me Abou Seidou, ex-greffier en chef du tribunal de première instance de première classe de Cotonou affirme avec tristesse: « Il y a l’immixtion des autres institutions dans le judiciaire. C’est çà qui cause le problème »

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Abou Séidou, désormais admis à faire valoir ses droits à la retraite, ne comprend pas pourquoi les acteurs de la justice doivent subir des pressions dans l’exercice de leur fonction. « Lorsque vous occupez un poste comme celui de procureur de la République, il y a beaucoup de pressions », déclare t-il. Selon lui, les pressions viennent de partout, de l’exécutif, du législatif et même des parents, amis et autres. L’indépendance du juge est donc sévèrement affectée par toutes ces pressions. « Le bon fonctionnement du secteur de la justice dépend aussi des conditions de travail », soutient l’invité de la radio Océan Fm.

Me Abou Seîdou n’est pas le seul qui doute de l’indépendance de la justice béninoise. En effet, invité le Mardi 29 Août 2017 autour de la réflexion du « Workshop » organisée par l’Association Béninoise de Droit Constitutionnel sur le thème: « La Justice et les citoyens », l’ex président de l’union nationale des magistrats du Bénin (unamab), Michel Adjaka a participé au panel de juristes qui a animé le sous thème: « La justice est-elle au service du citoyen?.

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Au cours de ce panel, Michel Adjaka a affirmé que la justice béninoise aura du mal à s’affranchir de l’influence des  autres institutions du fait de la constitution de 1990 elle-même.  En stipulant que c’est le chef de l’Etat qui garantit l’indépendance de la justice, la constitution du 11 Décembre 1990 « fragilise l’indépendance de la justice » . Dans un pareil contexte, « La carrière du magistrat dépend plus du politique que du système mis en place », a fait remarquer Michel Adjaka. Il va plus loin en affirmant que :  la composition du conseil supérieur de la magistrature contrôlé par le gouvernement est un handicap pour l’indépendance de la justice car de par son influence, l’exécutif arrive toujours à politiser l’appareil judiciaire.

Pour l’ex-président de l’Unamab, la personnalité de certains juges est aussi à mettre en cause.

«  Il y a des acteurs de la justice qui ne sont pas intègres. Il y en a qui ne sont pas vertueux. C’est parce qu’il compte sur le parrainage politique »

Michel Adjaka

D’autres faits qui créent des malaises au sein de l’opinion nationale sur la capacité de notre justice à nous protéger est certainement la procédure en cours dans l’affaire dite Cnss de la Caisse nationale de sécurité sociale. La procédure judiciaire employée dans cette affaire  semble échapper de plus en plus à la compréhension des avocats de la défense.

En effet, à la fin du procès du mardi 22 mai 2018 qui s’est une fois encore soldé par un report, l’un des avocats de la défense a exprimé son étonnement par rapport à la manière dont le dossier est en train d’être conduit  depuis le début. Pour Maître Rénaud Agbodjo, les pratiques généralement employées dans les dossiers de ce genre sont systématiquement réfutées par le tribunal qui semble donner une particularité à cette affaire.

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A l’en croire, tout se passe comme s’il s’agit d’un dossier qui est destiné à ne pas suivre la règle habituelle. Il estime que la justice attribue à ce dossier une particularité singulière qui occasionne le ballonnement de la pratique judiciaire qui veut que la liberté soit un principe et la détention une exception.

Malheureusement, nous avons été extraordinairement surpris de constater que le tribunal a rejeté tous les moyens pratiques avancés.”

Me Renaud Agbodjo, avocat de la défense

Lors d’une conférence de presse organisée le 17 Mai 2018 conjointement avec l’ancien président-Maire Nicéphore Soglo, Rosine Soglo, parlant de l’incarcération de l’un de ses collègues parlementaires affirme: « Mettre en prison un député, ça ne peut pas se faire dans un Etat de droit. Même s’il est coupable, on doit d’abord demander à ce que ses collègues lui enlèvent l’immunité parlementaire… ».

Dans le dossier Atao Hinnouho ou dossier faux médicaments, Me Sadikou Alao, un conseil des personnes incriminées estime en parlant de la procédure et des agissements du procureur de la république: “Nous n’approuvons pas cette procédure, elle est totalement biaisée, elle n’est pas légale quoi qu’en pense le procureur”, a-t-il fait savoir.

Les faits et procédures dans lesquels la justice est critiquée deviennent légion; ce qui augmente l’appréhension du justiciable qui s’inquiète sur la capacité de la justice de son pays à le défendre et à le protéger.

Nécessité pour la justice de relever la tête

L’actuel régime est conscient de toutes les tares que traîne la justice de notre pays. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a en vue des réformes profondes pour faire de notre justice, une justice libre et indépendante et aux services du développement et de la communauté.

Mais en attendant que ces réformes deviennent un jour une réalité, le secteur justice doit lui-même prendre ses responsabilité en redorant son image. Les spécialistes du droit ne doivent en aucun cas laisser leur conscience vassaliser par une autre institution. Ils doivent pouvoir assurer pleinement et toute conscience la mission que la république leur a confié; il en va de la préservation de l’état de droit et de l’image de notre pays.

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