Chine : des camps pour «rééduquer les musulmans»

Les autorités chinoises ont mis en place un vaste réseau de camps de «rééducation» idéologique ciblant massivement des musulmans, dans la province du Xinjiang, à l’ouest du pays. L’existence de ce dispositif avait été révélée en septembre 2017 par la radio américaine Radio Free Asia (RFA), puis par d’autres témoignages recueillis par la presse étrangère. Elle est mise en lumière par une nouvelle étude qui réunit des documents émanant des autorités chinoises, révèle Le Figaro.

Deviennent suspectes – et donc susceptibles d’être «rééduquées» – les personnes qui voyagent à l’étranger, ont une pratique religieuse intense ou téléchargent sur leur téléphone portable des contenus censés présenter un risque d’«instabilité» politique, souligne Human Rights Watch (HRW).

Les données chiffrées sur cette opération menée en secret sont difficiles à établir. Mais le gouvernement a probablement envoyé des centaines de milliers, voire jusqu’à un peu plus d’un million de musulmans dans ces camps depuis 2017, évalue Adrian Zenz, un chercheur allemand, dans un rapport publié mi-mai par la Jamestown Foundation. Se référant à des déclarations d’officiels sur la part de la population locale «posant problème» à leurs yeux, il estime que le taux d’internement des musulmans adultes – Ouïgours et Kazakhs – pourrait s’élever à 10 % dans les villes où ceux-ci sont majoritaires. De multiples informations récoltées «montrent que presque chaque famille ouïgoure a au moins un membre de sa famille ou un proche en camp de rééducation», précise cet universitaire. La région compte quelque 14 millions de musulmans, dont plus de 11 millions de Ouïgours.

D’une durée de quinze jours à plusieurs mois et décidé en dehors de toute procédure légale, l’internement vise à remodeler les idées politiques des détenus et à les inciter à renoncer à leur foi musulmane et à leur culture.

Au bout de vingt jours dans un camp de rééducation, cet homme de 42 ans a envisagé de se suicider. Aujourd’hui, il dit ne pas pouvoir dormir la nuit, tant il est hanté par ses souvenirs.

Le témoignage d’Omir Bekali, un Kazakh musulman qui s’est confié à l’agence de presse américaine Associated Press (AP), offre un éclairage glaçant sur les méthodes utilisées. Au bout de vingt jours dans un camp de rééducation, cet homme de 42 ans a envisagé de se suicider. Aujourd’hui, il dit ne pas pouvoir dormir la nuit, tant il est hanté par ses souvenirs.

Né en Chine, Omir Bekali a émigré au Kazakhstan en 2006 et obtenu la citoyenneté de ce pays. Il a été arrêté par la police en mars 2017, alors qu’il rendait visite à ses parents dans le Xinjiang. Incarcéré à Karamay, au nord de la province, il a été torturé et interrogé pendant plusieurs jours sur son travail pour une agence de tourisme proposant aux Chinois des visas touristiques kazakhs. Libéré au bout de sept mois, sans charge contre lui, il a été transféré dans un site clôturé des environs où plus d’un millier de personnes étaient enfermées. C’est là qu’a commencé son stage d’endoctrinement.

Les prisonniers étaient obligés de répéter en boucle pendant des heures leur opposition à l’«extrémisme», au «séparatisme», et au «terrorisme» et de s’autodénigrer devant le reste du groupe. Une véritable torture psychologique. «Ils m’ont forcé à dire que je n’aurais pas dû croire en l’islam mais au Parti communiste» et «fait promettre que je n’irai pas à la mosquée le vendredi et que je n’assisterai pas à des funérailles islamiques», se souvient Omir Bekali.

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