Nouveau code pénal : Aider Kérékou et Talon ( chronique de Roger Gbégnonvi)

​Un Bénin dont les lettrés constituent un paquet d’ ‘‘intellectuels tarés’’ engendre un ‘‘Bénin désert de compétences’’. Cet enfantement normal annoncé sous les lambris dorés de l’Elysée dérangea davantage les esprits que la tare énoncée entre les murs sans enluminure de la Marina. Aujourd’hui encore, malgré la logique de la concordance Kérékou-Talon, la perplexité demeure, et l’amour-propre voudrait nier l’évidence : ‘‘Nous Béninois, tarés et incompétents ?’’ Hélas, oui ! Le prouve abondamment l’histoire des codes au Bénin.​

Le 5 juin 2018, le Parlement a adopté la loi 2018-15 portant code pénal en République du Bénin. Le projet était sur la table des députés depuis 2001. Dix-sept ans d’étude approfondie ? Ou de grève du zèle pour ne jamais l’adopter, ne fût-ce la demande pressante du coryphée de la Rupture ? Jusque-là, nous avons utilisé le code pénal écrit pour les Français par Napoléon 1er en 1807, et aucun Dahoméen-Béninois n’en est mort. Pourquoi donc le remplacer par un code de notre cru ? D’ailleurs, à l’adoption du nouveau code pénal – 1007 articles répartis en quatre livres – les Béninois eurent l’intelligence de le contracter en ses articles 929 et 930, qui interdisent et répriment ‘‘le commerce des carburants’’ par des gens et en des lieux inappropriés. Tollé dans le Landerneau bénin ! Avec Napoléon 1er, on pouvait siphonner l’essence du Nigeria et la vendre en fraude étalée à ciel ouvert partout où bon vous semblait. Pourquoi Talon veut-il tarir cette source de bien-être et de confort ?

​Confortables, les Béninois l’étaient vraiment avec le ‘‘Coutumier du Dahomey’’ que le colonisateur leur légua par Circulaire A.P. du 19 mars 1931. Le bon coutumier ne blâmait pas la polygamie généralisée, restait serein quand il voyait la polyandrie affleurer chez certaines ethnies (art. 124, 136, 137, 149, etc.), admettait, pour la paix des ménages en colonie, que ‘‘la femme n’a aucun pouvoir juridique…

Elle fait partie des biens de l’homme et de son héritage’’ (art. 127). Un vrai régal, ce ‘‘Coutumier du Dahomey’’ ! Mais c’était compter sans les amazones de l’Association des Femmes juristes du Bénin. Elles surgirent. Les pieds dans le plat et le stylo au poing, elles écrivirent. Et ce fut le ‘‘Code des personnes et de la Famille’’, boudé durant sept ans par les députés, presque tous des mâles, trop tristes à l’idée que le bonheur des mâles pourrait prendre fin. La révolte des amazones et la demande pressante de Kérékou firent adopter le 24 août 2004 la loi N° 2002-07 portant Code des Personnes et de la Famille en République du Bénin, et sonnant le glas des 326 articles du bon Coutumier.​

A la vérité cependant, toutes les sources de paresse bienheureuse ne sont pas taries dans le Landerneau bénin. Reste toujours à disposition notre bon code civil écrit par Napoléon 1er pour les Français en 1804. Nous gardons aussi jalousement la loi française du 1er juillet 1901, fétiche tutélaire qu’invoquent les associations béninoises pour être bénies de l’Etat béninois. Notre flair nous dit que cette loi 1901 est elle aussi d’une telle solidité qu’elle a traversé, intacte, trois différentes Républiques françaises et deux guerres mondiales. Pourquoi le Bénin, dès lors, n’en ferait-il pas sa divinité, son beurre et son bonheur ?

​A la vérité cependant, si nous voulons aider Kérékou et Talon à changer d’avis en ce qui concerne la tare et l’incompétence de nous, Béninois, nous devons avoir un sursaut d’orgueil et, dans un élan de dignité, nous affranchir des textes de l’Empereur qui a rétabli l’esclavage, nous affranchir des textes du colonisateur qui a défait Béhanzin et l’a envoyé mourir en exil.

Que dirions-nous de nous si notre constitution était celle de la Cinquième République française écrite par de Gaulle ? Ne nous étonnons pas que le refus de réfléchir rende minables les peuples avachis dans le plagiat. Un effort. Levons-nous. Sortons des lits de soumission et d’humiliation. Écrivons nos propres textes pour aider Kérékou et Talon.

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