Bénin : Célestine Zanou se prononce sur les 04 points objets de référendum

Dans une interview exclusive accordée au journal la croix, la présidente de la Dynamique du changement pour un Bénin Débout (DCBD), Célestine Zanou a apporté sa voix au débat sur la révision de la constitution par voie référendaire.

L’ancienne directrice de cabinet du général Mathieu Kérékou a au cours de cette entrevue donné son opinion sur ce que c’est que le référendum, les causes de la suspicion actuelle autour du sujet et les 04 points contenus dans la proposition de loi portant révision de la constitution de 1990 initiée par un groupe de 08 députés. Lire ci-dessous l’intégralité de l’interview.

Célestine Zanou se prononce sur la procédure de révision

La Réforme référendaire pour laquelle vous sollicitez mon avis rentre dans le processus en cours de révision de la loi fondamentale, la constitution du 11 décembre 1990.

Je ne saurais me prononcer sur cette question sans partager avec vous ma compréhension du référendum.

Selon moi et c’est d’ailleurs son sens, le référendum est une procédure de collaboration avec le peuple pour l’élaboration d’une loi qui ne devient parfaite qu’avec son consentement. Le mot est là, le consentement.

Ainsi, lorsqu’on veut le consentement de quelqu’un, il faut dialoguer avec la personne ou la persuader afin d’éviter le doute ou la suspicion.

Ceci dit, notre pays a connu plusieurs référendum et le dernier fut celui de 1990, l’avant dernier celui de 1977 où d’ailleurs le terme de loi fondamentale a été mis en exergue pour mettre en avant le fait que cela concerne tout le monde. Or ce qui concerne tout le monde ne peut subir de changement qu’avec tout le monde.
Je ne dis pas de rassembler les 10 millions de béninois autour d’une table !
Notre pays a des sensibilités qui sont le reflet du peuple et qui doivent forcément se mettre ensemble pour proposer en matière de loi fondamentale quelque chose qui nous ressemble et qui nous rassemble.

Lorsque cette démarche consensuelle n’est pas de mise, tout ce qui sera fait aura tout l’air d’un forcing face auquel chacun ira exprimer son ressenti si ce n’est sa douleur puisqu’il ne répondra pas à la question posée.

Donc notre proposition est de revoir la démarche actuelle qui a tout l’air d’une précipitation porteuse de suspicions, surtout que les raisons évoquées manquent de pertinence.

– Au sujet de la cour des comptes : c’est une cour appelée à donner quitus en matière de gouvernance financière économique et de ce point de vue c’est la cour constitutionnelle de Me Djogbénou, dans son fonctionnement actuel qui inspire pour la cour des comptes mes craintes et suspicions.

– Au sujet des femmes : je pense qu’on veut nous faire croire qu’un wagonnet de 24 femmes à l’Assemblée Nationale sera la preuve de promotion des femmes. C’est à la limite du ridicule que nous ne saurions laisser aller plus loin. La question des femmes relève d’une volonté politique affichée. Mathieu Kérékou n’a pas eu besoin d’une modification de la constitution pour me nommer Directrice de Cabinet à la Présidence de la République et je n’ai pas démérité. D’autres exemples existent.
Si les femmes veulent aller à l’Assemblée Nationale, qu’elles s’engagent dans les partis politiques pour développer un leadership et s’assurer une représentation de qualité ; et si comme on nous l’agite la question est urgente pour les promoteurs de cette idée, qu’ils cèdent tout simplement sur leurs listes aux prochaines législatives la place aux braves femmes de leurs partis et nous pourrions en avoir bien plus que ces 24 attendues

– Au sujet du couplage : je me permets une caricature : parce que les examens coûtent chers il faut coupler BAC, BEPC et CEP comme si chaque examen n’avait pas ses spécificités.

Pour revenir au sujet, si l’on prend les 4 élections dont il est question, deux sont déjà couplées à savoir les locales et les communales et tout le monde connaît les difficultés rencontrées à ce niveau et dont certaines sous formes de contentieux sont encore non réglées à ce jour ; encore qu’ici il est question d’un dispositif qui encadre le développement à la base et conforte la décentralisation.

Pour les législatives, leur cadre d’exercice relève de la circonscription électorale et le bulletin utilisé n’est pas le même que celui des élections communales et locales ; nous connaissons tous le niveau d’instruction de nos populations qui votent.

Quant à la présidentielle, elle apparaît comme la plus facile puisque la circonscription du candidat regroupe les 5297 villages et quartiers de villes, c’est-à-dire tout le territoire national. Ce qui n’est pas le cas pour le député élu avec les voix des populations de sa circonscription électorale. A la limite, la présidentielle irait avec les locales et communales encore que c’est risqué de coupler la présidentielle qui est une élection simple avec une élection (locales et communales) déjà plus complexe.

Quoi qu’il en soit, même si l’idée est de faire des économies, il n’en sera rien puisqu’il demeure que chaque élection a ses particularités.

Et puis, et puis… la démocratie a un coût et ce qu’on pense gagner pourrait bien se révéler conflit et spirale de violences dont le coût reste incalculable.

– Au sujet de la peine de mort : c’est une peine instituée par ordonnance et le code pénal, à ce que je sache, a déjà réglé la question.

Aucune urgence donc sur ces questions agitées pour toucher à la constitution de 1990.

Dans notre pays, les urgences sont certes nombreuses et à tous les niveaux mais il importe de faire des choix pertinents et non pas seulement cohérents.

La révision constitutionnelle enclenchée depuis 2017 et qui prend une nouvelle tournure en 2018 avec l’amendement de nombreux textes juste pour pouvoir y parvenir, est sans doute une nécessité puisque abordée depuis déjà quelques années ; mais elle reste beaucoup plus un choix cohérent qui pourrait manquer d’être autant pertinent que des réponses adaptées aux appels sociaux qui fusent de toutes parts.

Si la politique est un jeu, elle reste bien codifiée par des textes dont le strict respect et dans les règles de l’art, est non seulement garant de paix mais surtout et davantage facteur de crédibilité pour tout dirigeant qui en fait sa posture de travail.

En conclusion, permettez que je vous dise ma conviction personnelle : le Bénin n’a pas à ce jour un problème de textes.

L’urgence reste l’amélioration des conditions de vie des populations.

Dépenser des milliards pour un référendum dans le contexte actuel n’est pas à mon avis opportun. Cet argent pourrait bien servir pour des bourses d’études aux jeunes filles et à la jeunesse en particulier, faciliter l’accès des femmes aux crédits, améliorer leurs conditions de vie et de travail, etc.

Notre constitution a certainement besoin d’être toilettée même si ce mot n’est pas celui que je préfère puisqu’on ne toilette que ce qui est sale alors que notre constitution actuelle a prouvé en 30 ans de vie son efficacité dans maints domaines.

L’idéal serait de suivre une démarche qui permet de rédiger une constitution de bonne qualité et surtout acceptée par tous pour durer dans le temps et nous garantir quiétude et paix comme celle de 1990.

Travaillons à ne pas redevenir l’enfant malade de l’Afrique est mon souci le plus ardent.

Je vous remercie

 

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