Bénin: référendum avant les législatives, une équation difficile (Michel Adjaka)

Avec le vote fait le 05 juillet 2018 par l’Assemblée nationale, le quatrième référendum de l’histoire du Bénin se profile à l’horizon. Pour y arriver, il faudra faire un véritable parcours de combattant et d’obstacles.

Le référendum est un vote par lequel l’ensemble des citoyens approuvent ou rejettent une mesure proposée par le pouvoir exécutif. Mais souvent dans la pratique, les électeurs ne répondent pas à la question à eux posée mais donnent leur adhésion ou la refusent à l’auteur de la question.

Au Bénin, le référendum est régi par la loi 2011-27 du 18 janvier 2011 portant conditions de recours au référendum. Cette loi en précise l’objet et la procédure.
Sur l’objet, en reprenant et en complétant l’article 59 de la constitution, l’article 4 de la loi sur le référendum dispose que «Le Président de la République, après consultation du Président de l’Assemblée nationale et du Président de la Cour Constitutionnelle peut prendre l’initiative du référendum sur toute question relative à :
-la promotion et au renforcement des droits de l’homme;
-l’intégration sous-régionale ou régionale ;
-l’organisation des pouvoirs publics ;
-tout projet ou proposition de révision de la Constitution, votée à la majorité des trois quarts (3/4) des membres de l’Assemblée Nationale.»

Si, sur l’objet, il n’y a pas de difficultés importantes, en revanche, par rapport à la procédure, il y a beaucoup de préalables à régler avant l’organisation de cette consultation. 

La première difficulté relève de la transmission. En effet, l’article 11 de la loi référendaire dispose que «La proposition de loi et la question à soumettre au référendum sont transmises au Gouvernement par le Président de l’Assemblée Nationale au cours de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale.» Or l’article 4 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale prévoit que «Conformément à l’article 87 de la Constitution, l’Assemblée nationale se réunit de plein droit en deux sessions ordinaires par an. La première session s’ouvre dans le cours de la première quinzaine du mois d’avril.
La deuxième session s’ouvre dans le cours de la seconde quinzaine du mois d’octobre.
Chacune des sessions ne peut excéder trois mois.»

La première session ordinaire de l’année a été clôturée le 06 juillet 2018. Il faut attendre la première session ordinaire de l’année 2019, précisément à partir de la première quinzaine du mois d’avril, pour que le président de l’Assemblée nationale transmette au gouvernement la proposition de loi objet du référendum et la question à poser aux électeurs. Or avant de convoquer le corps électoral, le chef de l’Etat doit consulter, par lettre circonstanciée, le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la Cour constitutionnelle.

Aux termes de l’article 5 de la loi sur le référendum, «Ladite lettre doit être accompagnée :
– du projet ou de la proposition de loi référendaire ;
– de l’exposé des motifs ;
– du texte de la question à soumettre au référendum ;
– du projet de décret portant convocation du corps électoral.»

Or la proposition de loi et la question à soumettre au référendum ne pourront pas être envoyées au président de la République avant l’ouverture de la première session ordinaire prévue pour après mi-avril. Il en résulte que la consultation des présidents de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle exigée par les articles 4 et 5 de la loi sur le référendum n’est pas possible avant cette date.

Mieux, l’article 7 de la loi sur le référendum précise que «La convocation des électeurs en vue du référendum est faite par décret du Président de la République pris en Conseil des ministres, cent-vingt (120) jours avant la date du scrutin.» Autrement dit, entre la date de signature du décret de convocation du corps électoral et la tenue du scrutin, il doit s’écouler un délai de quatre (04) mois.

Il n’est donc pas juridiquement possible qu’il y ait référendum avant fin août 2019.
Enfin, l’article 10 de ladite loi dispose que «L’exercice du droit de vote est subordonné à l’inscription sur la liste électorale permanente informatisée (LEPI) arrêtée quatre-vingt-dix (90) jours avant le scrutin.» En clair, il faut une liste électorale actualisée trois mois avant le jour de la consultation.

Au surplus, il importe de rappeler les exigences de la norme communautaire CEDEAO sur les critères de bonne gouvernance politique. L’article 2 du Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance dispose que «1. Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques.

2. Les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la Constitution ou les lois électorales.»
Or la révision constitutionnelle ayant un lien avec la modification du code électoral alors que les législatives sont prévues pour avril 2019, il est fort probable que la modification du code électorale que va induire ce référendum, en cas de victoire du «OUI» intervienne à moins de six (06) mois des élections législatives.
Au regard de ces exigences, sauf une bousculade de la loi sur le référendum, organiser l’élection référendaire avant les législatives de 2019 est hypothétique.

Michel ADJAKA

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