Bénin – examens de fin d’année : la grève a-t-elle eu raison des élèves?

Les différents examens de fin d’année ont livré leurs verdicts depuis quelques jours. Du Certificat d’Etudes Primaire au Baccalauréat, on constate des taux de réussite en baisse par rapport à l’année dernière. Un constat qui fait penser aux grèves perlées qu’a connu le secteur dans ces trois compartiments.

L’année scolaire 2017-2018 a connu environ cinq (05) mois de grèves. Une période dans laquelle les apprenants ont été livrés à eux-mêmes. La plupart d’entre eux se sont découverts d’autres talents, surtout ceux des zones rurales qui ont dû prendre le chemin des champs. Pendant ce temps, les enseignants qui sont censés les encadrer et les préparer aux divers examens étaient dans la rue pour manifester contre la non satisfaction de leurs revendications.

Des enseignants en pleine manifestation

Selon le Directeur des Examens et Concours qui abordait le poids des grèves dans la baisse du taux de réussite au BEPC, beaucoup d’élèves ne s’en sont pas remis à la reprise des cours. Ainsi, lorsque les enseignants ont décidé de suspendre leurs mouvements, il s’est trouvé des apprenants qui n’ont pas repris les classes. Il y a également d’autres qui ont retrouvé le chemin de l’école, mais n’étaient plus assez concentrés pour s’adapter à la pression vue le peu de temps qui les séparaient des examens.

[su_heading size= »17″] Résultat du BEPC 2018: que cache le faible taux d’admissibilité ?[/su_heading]

Parlant de pression, on pourrait se référer aux alertes données en son temps par le syndicaliste Thyerry Dovonou. Dans l’une de ses publications, il s’insurgeait contre le réaménagement du calendrier scolaire qui selon lui, ne tenait pas compte du faible taux d’exécution des programmes dans le secteur public. Selon son bilan fait en avril, les établissements publics étaient dans leur majorité à un taux inférieur à 50% en ce qui concerne l’exécution des programmes scolaires.

Les grèves, l’arbre qui cache la forêt?

Il est plus facile aujourd’hui de pointer le doigt accusateur sur les grèves comme responsable de la baisse des taux de réussite. Mais au delà de cet aspect, il y a lieu de se poser d’autres questions profondes sur le secteur de l’enseignement au Bénin, notamment sur la compétence des enseignants qui constituent les acteurs de premier plan. Les autorités en sont conscientes. La preuve, le système de contrôle mis en place par le gouvernement et expérimenté sur 6720 enseignants au plan national en dit long.

« De façon générale, le niveau de maîtrise des outils linguistiques (grammaire, orthographe, conjugaison) par les enseignants évalués, n’est pas encore à la hauteur des attentes. Mieux, les inspections pédagogiques organisées dans le cadre régulier du contrôle et de la supervision pédagogique par les structures du ministère révèlent chez certains des insuffisances préoccupantes en expressions orale et écrite ».

Conseil des ministres du mercredi 16 mai 2018

Les maux qui minent le secteur de l’enseignement sont énormes et ne se limitent pas qu’aux débrayages. Depuis quelques années, l’enseignement n’est plus une affaire de vocation mais il s’est ouvert à tous ceux qui n’ont autres objectifs que de trouver de quoi s’occuper. Ceux ci y viennent sans engouement, sans vocation et sans « compétences » adéquates pour répondre aux exigences du milieu.

Derrière, le gouvernement semble aussi manquer à sa responsabilité. Sinon, lorsqu’on est conscient que les formateurs dans leur majorité ne détiennent pas la pédagogie requise pour de meilleurs rendements, on met en place des mesures d’accompagnement. C’est d’ailleurs pour ça que les inspecteurs pédagogiques et conseillers pédagogiques existent. Ceux ci ont normalement la responsabilité de suivre de près les enseignants afin de relever et de solutionner au fur et à mesure les insuffisances de ces derniers.

Un début de solution controversé 

Les failles du système éducatif ne sont plus à démontrer. Ainsi, dans le soucis d’améliorer la qualité de l’enseignement au niveau maternel et primaire, le gouvernement s’est engagé dans un système d’évaluation de la performance permettant d’identifier les failles présentes chez les enseignants, afin d’y apporter des solutions adéquates. A l’issue de la mise en oeuvre de ce système qui n’a fait que confirmé les soupçons du gouvernement et des observateurs du secteur éducatif, l’Etat  a décidé d’impliquer tous les enseignants de la maternelle et du primaire dans une évaluation diagnostic.

Suite à cette annonce faite en conseil des ministres du mercredi 16 mai 2018, la riposte a été prompte du côté des enseignants. Ceux ci se sont aussitôt opposés à cette méthode du gouvernement qui selon le ministre Salimane Karimou ne vise que l’amélioration de la qualité de l’enseignement. Mais en face, on y voit des raisons politiques qui viseraient à livrer les enseignants à la vindicte populaire. Malgré les contestations, l’évaluation diagnostic s’est tenue. Les enseignants ont ainsi déposé les armes pour se conformer à la décision du gouvernement.

[su_heading size= »17″] Bénin – Résultats Bac 2018 : la délibération du coté du centre « Le Nokoué »[/su_heading]

Pendant que les enseignants et leurs organisations syndicales attendaient les résultats de cette évaluation, le gouvernement sort une nouvelle carte. Il s’agit de la reprise de l’évaluation diagnostic, une décision prise en conseil des ministres du mercredi 11 juillet 2018. Selon le gouvernement les irrégularités notées lors de la première évaluation ne permettent pas d’atteindre l’objectif visé.

Des enseignants manifestent contre la reprise de l’évaluation diagnostic

Malgré les arguments avancés par le ministre de l’enseignement maternel et primaire, les enseignants ont boycotté la reprise de l’évaluation diagnostic. Ainsi, on pourrait retenir que le gouvernement dans sa volonté de corriger les défaillances identifiées dans le système s’en est mal pris. A t-on besoin d’organiser une évaluation nationale pour juger du niveau des enseignants? Quel est alors dans ce cas le rôle des inspecteurs et conseillers pédagogiques qui sont censés suivre au quotidien le fonctionnement des enseignants? Ce sont là les interrogations de quelques responsables syndicaux qui trouvent de la mauvaise foi dans l’action gouvernementale.

Les autorités aurait peut-être pu procéder autrement et l’objectif visé serait atteint. Dans tous les cas, le système éducatif béninois se porte de plus en plus mal. Ainsi, il urge que des solutions soient trouvées pour que le Bénin retrouve sa place de quartier latin de l’Afrique.

Les commentaires sont fermés.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus