« Le glyphosate n’est pas aussi dangereux que la saucisse et le jambon »

Un autre son de cloche pour atténuer le tollé suscité  par la réception de 900.000 litres de glyphosate au port autonome de Cotonou par le gouvernement béninois. Ce nouveau son de cloche, c’est celui de Mohamed Paul Tossa, médecin de santé publique et de toxicologie qui minimise le volume qu’intentionnellement, les gens accordent à la dangerosité du glyphosate.

Le glyphosate n’est pas aussi cancérigène comme les gens ont tendance à le montrer. C’est du moins ce que pense Paul Tossa, médecin de la santé publique, et de toxicologie, évaluateur des risques sanitaires environnementaux en fonction à Paris. Maintes fois sollicité pour donner son avis sur la question du risque lié à l’utilisation du glyphosate, le spécialiste évaluateur des risques sanitaires environnementaux a saisi l’occasion de la polémique qui s’enfle ses derniers moments pour apporter son avis scientifique  sur la question des effets dangereux et cancérigènes du glyphosate.

L’opinion du spécialiste sur les craintes émises par ceux  qui polémiquent sur le sujet

Dans la polémique suscitée par le procès de la firme « Monsanto », il est ressorti que le Bénin à l’instar des pays voisins comme le Mali et le Burkina Faso ont enregistré une performance dans la campagne cotonnière parce qu’ils ont utilisé une quantité importante de glyphosate et que des traces du produit , selon des analyses scientifiques seraient retrouvés dans des cours d’eau mettant ainsi en danger la santé des populations. Il est également fait mention que les récipients du produit seraient recyclés par les populations pour conserver des produits de consommation.

Sans remettre en cause les résultats desdits analyses, Paul Tossa a tenté d’éclairer l’opinion publique sur certains éléments afin de dépassionner le sujet lié à l’utilisation du glyphosate.

Le glyphosate est-il dangereux pour la santé?

selon le spécialiste, la dangerosité d’un produit se mesure à son pouvoir à entraîner des effets délétères au sein de l’organisme. Un produit dangereux n’entraîne aucun risque quand on n’y est pas exposé et le risque entraîné peut être caractérisé en tenant compte des conditions de l’exposition; explique t-il.

En termes clairs, poursuit-il, si je bois un demi-verre d’eau de javel, elle entraînera une perforation digestive. Le danger de l’eau de javel est donc la perforation digestive mais il n’y aura aucune perforation si je ne touche pas au produit et le risque de perforation si jamais j’y touche dépend de la quantité que j’ingère, de la concentration du produit, de mes antécédents ou non d’ulcères digestifs; souligne t-il.

Selon lui, le risque, c’est la probabilité que le danger survienne lorsqu’on est exposé. Alors, peut-on uniquement se baser sur le fait qu’un produit est dangereux pour l’interdire ou il faut d’abord en évaluer les risques avant de prendre les décisions qui s’imposent ? s’interroge t-il.

Pour le cas qui nous concerne ici, il s’agit de la cancérogénicité. Déterminer la cancérogénicité d’un produit n’est pas une mince affaire et il faut généralement plusieurs décennies d’utilisation avec accumulation de données scientifiques pour y arriver. Le Centre International de la Recherche sur le Cancer (Cicr) qui est un organe officiel de l’Oms met à disposition et à jour la liste des substances classées selon leur potentiel à induire le cancer.; estime t-il.

Le Cicr, poursuit-il , classe les produits dans 5 groupes : Groupe 1 : cancérogènes, Groupe 2A : probablement cancérogènes, Groupe 2B : peut-être cancérogènes, Groupe 3 : inclassables pour la cancérogénicité, Groupe 4 : probablement pas cancérogènes. Je ne rentrerai pas dans les détails pour chacun de ces groupes. Mais il me semble important de notifier que le Groupe 1 n’est utilisé que lorsqu’on dispose d’indications suffisantes de cancérogénicité pour l’homme; a t-il indiqué.

Exceptionnellement, un produit peut être placé dans cette catégorie lorsque les indications de cancérogénicité pour l’homme ne sont pas tout à fait suffisantes, mais qu’il existe des indications suffisantes de sa cancérogénicité chez l’animal de laboratoire et de fortes présomptions qu’il agit suivant un mécanisme de cancérogénicité reconnu. On fait appel au Groupe 2A lorsque l’on dispose d’indications limitées de cancérogénicité chez l’homme et d’indications suffisantes de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire.

Dans certains cas, un produit peut être classé dans cette catégorie lorsque l’on dispose d’indications insuffisantes de cancérogénicité pour l’homme et d’indications suffisantes de cancérogénicité pour l’animal de laboratoire et de fortes présomptions que la cancérogenèse s’effectue par un mécanisme qui fonctionne également chez l’homme. Exceptionnellement, un produit peut être classé dans cette catégorie si l’on ne dispose que d’indications limitées de cancérogénicité pour l’homme. Ces notions sont assez difficiles à comprendre pour des non-Experts, mais il faut juste retenir que pour le Groupe 1, il existe suffisamment de données scientifiques pour les considérer comme certainement cancérogènes. Alors que pour les autres groupes, il manque encore des données scientifiques solides pour les considérer comme tels; mentionne t-il.

Il en arrive à la conclusion que la preuve de la cancérogénicité du glyphosate n’est pas établie jusqu’ à ce jour car il a été classé depuis 2015 dans la catégorie 2A. Ce qui veut dire que les Experts du Cicr ont estimé qu’il y avait suffisamment de données animales, mais que les données humaines étaient insuffisantes pour que le Glyphosate soit considéré comme un cancérigène même si le produit  est étroitement surveillée de ce point de vue.

Alors que retenir du procès de « Monsanto »?

Pour le médecin en santé publique, Paul Tossa,  le groupe Monsanto n’a pas été sanctionné parce que  les preuves de la cancérogénicité du produit ont été faites, mais parce que le groupe industriel est accusé d’avoir caché des informations depuis des décennies qui auraient sans doute permis d’informer les utilisateurs du danger du produit.

La question importante est : « Que contiennent ces documents cachés pendant longtemps par Monsanto » ? L’enquête en cours fera la lumière sur le sujet, mais il est fort probable que le contenu de ces documents ne fera pas de classer le Glyphosate dans le groupe 1 puisque l’industriel compte faire appel de la décision de Justice; a expliqué Paul Tossa qui estime que si les documents étaient compromettants, le groupe Monsanton  ne ferait pas appel de la décision rendue par la justice.

Il faut préciser que la condamnation du géant américain de l’agrochimie, le groupe Monsanto aujourd’hui filiale d’un autre géant de la chimie, le groupe allemand Bayer a été faite par la justice californienne, le vendredi 10 août avec une condamnation à verser 289,2 millions de dollars à un jardinier américain, Dewayne « Lee » Johnson. Agé de 46 ans et père de deux enfants.

Il est, selon ses médecins, en phase terminale d’un cancer du système lymphatique, qu’il attribue à son exposition à des herbicides – Ranger Pro et Roundup Pro – contenant du Glyphosate et commercialisés par la firme agrochimique.

Si l’affaire a fait peu de bruit aux Etats-Unis d’Amérique, ce n’est pas  le cas en Europe (notamment en France où la firme a plusieurs dossiers de Justice en cours pour la dangerosité de son produit) et au Bénin où le produit serait utilisé dans la culture du coton.

Les saucisses et le jambon…  sont bien plus dangereux que le Glyphosate

Pour montrer que la polémique suscitée par le sujet a pris un volume inconsidéré, le spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires fait une comparaison du produit avec d’autres produits de grandes consommations qui, pourtant sont classé probablement cancérigènes.

Le docteur Paul Tossa a évoqué le café qui a été classé comme cancérigène possible. En 2016, une réévaluation par le Circ a conduit les Experts à retirer le café de cette catégorie car le problème n’était pas le café, mais la chaleur de la boisson. Ainsi, depuis 2016, la consommation de boisson très chaude (café ou non) est considérée comme probablement cancérigène. Curieux que ce soit dans le même groupe que le Glyphosate mais que personne n’en parle; explique t-il.

Pourquoi s’attaquer au Glyphosate alors qu’on s’expose au même risque de cancer quand on boit sa bouillie chaude le matin ? Mieux, le Glyphosate serait moins dangereux que les saucisses et le jambon; a t-il indiqué.

Selon ses explications, le Circ a classé la consommation de produits carnés transformés (jambon, saucisses, corned-beef, lanières de bœuf séché, viandes en conserve et sauces à base de viande) dans le Groupe 1, donc cancérogène pour l’homme alors que le glyphosate figure dans le groupe 2A, donc probablement cancérogène.

Par ailleurs, Consommer de la viande rouge (bœuf, veau, porc, agneau, mouton, cheval et chèvre) expose au même risque que le glyphosate; précise t-il.

Le spécialiste a tout de même précisé qu’il n’a aucun lien d’intérêt dans la vente du glyphosate mais se retiens d’avoir une position par rapport à l’interdiction ou non du glyphosate; car estime t-il, il ne maîtrise pas les contours de son utilisation. Cependant, il invite les autorités béninoises vue la polémique à mettre en place une véritable étude de traçabilité des usages et des conditions d’exposition des populations. C’est seulement de cette manière estime t-il, qu’on pourrait déterminer les véritables risques liés à son utilisation.

Ne rien faire serait aussi irresponsable que les polémiques sans fondement scientifique qui s’enfle depuis un moment; conclut le spécialiste qui préconise une  étude d’évaluation des risques sanitaires parallèlement à une étude d’impact socio-économique de son interdiction.

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