Bénin: Nicéphore Soglo se prononce sur l’actualité nationale

Ancien Président de la République du Bénin, Nicéphore Soglo s’est, une fois encore, prononcé sur les sujets brûlants de l’heure, notamment sur le nouveau code électoral et la lutte contre la corruption sous le régime de la rupture. C’est à la faveur d’une déclaration rendue publique, ce mardi 25 septembre 2018.

Dans sa déclaration, l’ancien Maire de la ville de Cotonou s’insurge contre la manière dont la lutte contre la corruption est conduite au Bénin.  » …après les accusations d’empoisonnement et de coup d’état, proférées sous l’ancien régime contre l’actuel Chef de l’Etat et, la fuite de ce dernier en France, la lutte contre la corruption est devenue bien vite dans notre pays la mise en œuvre de la vieille philosophie, ‘’œil pour œil, dent pour dent’’ ; c’est-à-dire, la loi du talion : l’esprit de revanche« , a dénoncé Nicéphore Soglo qui souhaite une lutte impartiale et non sélective dirigée contre les opposants notamment les anciens Ministres et cadres du régime défunt. « Et le peuple béninois affamé, malade, victime du chômage des jeunes en particulier, est invité à n’être qu’un spectateur passif et docile du combat des gladiateurs ? », s’est-il interrogé.

S’agissant du code électoral qui exclut dorénavant la jeunesse des compétitions électorales, le Vice-président du Forum des anciens Chefs de l’Etat pense que le pouvoir actuel et ses députés ont poussé le bouchon trop loin.

« Mais c’est mal connaître le Dahomey rebaptisé Bénin, l’ancien quartier latin de l’Afrique francophone. C’est un pays de ‘’rebelles’’. En excluant brutalement et maladroitement des élections les jeunes, les pauvres, les déshérités, le gouvernement et ses alliés au parlement ont, cette fois, poussé le bouchon trop loin. Ils reprennent ainsi à leur compte, le fameux slogan ‘’salauds de pauvres’’ du film français La Traversée de Paris« , a-t-il fait savoir avant de souligner que cela ressemble à une véritable déclaration de guerre.

En effet, à l’en croire, les cautions exigées pour les différentes élections au Bénin constituent une insulte à la pauvreté. « Prenons donc garde, et remettons vite l’ouvrage sur le métier si notre objectif est vraiment la paix« , a laissé entendre Nicéphore Soglo sans manquer d’inviter le pouvoir à être à l’écoute du peuple avant qu’il ne soit trop tard. « Méfions nous, comme nous le dit La Fontaine dans ses Fables, de tout flatteur qui ne vit qu’aux dépens de celui qui l’écoute« , a-t-il martelé.

DECLARATION DE MONSIEUR NICEPHORE DIEUDONNE SOGLO

ANCIEN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU BENIN

Béninoises, Béninois, Chers compatriotes,

Je reviens de Tokyo où s’est tenue, à l’invitation du gouvernement japonais, sans oublier la Fondation Nippon, la réunion du groupe de base du Forum des anciens chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique (Forum Afrique). Nous leur présentons à nouveau ici, nos remerciements les plus chaleureux.

Notre groupe est composé de :

S.E. Joaquim CHISSANO, ancien président du Mozambique, président du Forum Afrique ;
S.E. Nicéphore SOGLO, ancien président du Bénin et vice-président du Forum Afrique ;
S.E. Ben MKAPA, ancien président de la Tanzanie ;
S.E. Olusegun OBASANJO, ancien président du Nigéria ;
S.E. Thabo MBEKI, ancien président de l’Afrique du Sud ;

L’objectif de la réunion est d’identifier les causes profondes des conflits en Afrique et les modalités de promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité sur le continent.

Et c’est ce qui nous emmène à tirer la sonnette d’alarme dans notre propre pays. Car :

La patrie de Béhanzin, Bio Guera, Kaba est en grand danger.
Depuis l’élection présidentielle de 2016, le berceau de la conférence nationale souveraine de 1990 qu’est le Bénin, n’a pas retrouvé la qualité, l’expérience et l’équilibre des forces qui lui ont permis de lancer à travers l’Afrique francophone, ce qu’on appela alors le ‘’printemps des peuples’’.

Or notre pays est avec le Togo la charnière, le pont entre deux pays anglophones : le Nigéria bientôt peuplé de 200 millions d’habitants et le Ghana, d’environ 30 millions. Cet émiettement est le résultat de l’agression de l’Europe à la fin du 19ème siècle. Ce qui n’empêche pas nos deux pays francophones de 20 millions d’habitants d’être aujourd’hui, l’une des pierres angulaires de la CEDEAO. Mais l’atmosphère devient malheureusement de plus en plus irrespirable dans notre patrie.

La raison en est connue de tous. Dans un régime démocratique, c’est une obligation de rendre compte à ceux qui vous ont fait confiance ou non à la fin d’un mandat ou de toute fonction élective.

Mais au Bénin, après les accusations d’empoisonnement et de coup d’état, proférées sous l’ancien régime contre l’actuel Chef de l’Etat et, la fuite de ce dernier en France, la lutte contre la corruption est devenue bien vite dans notre pays la mise en œuvre de la vieille philosophie, ‘’œil pour œil, dent pour dent’’ ; c’est-à-dire, la loi du talion : l’esprit de revanche.

Et le peuple béninois affamé, malade, victime du chômage des jeunes en particulier, est invité à n’être qu’un spectateur passif et docile du combat des gladiateurs ?

Mais c’est mal connaître le Dahomey rebaptisé Bénin, l’ancien quartier latin de l’Afrique francophone. C’est un pays de ‘’rebelles’’.

En excluant brutalement et maladroitement des élections les jeunes, les pauvres, les déshérités, le gouvernement et ses alliés au parlement ont, cette fois, poussé le bouchon trop loin. Ils reprennent ainsi à leur compte, le fameux slogan ‘’salauds de pauvres’’ du film français La Traversée de Paris.

Cela ressemble à s’y méprendre, à une véritable déclaration de guerre. Il est vrai que le Président nous avait prévenu dans une interview qui circule sur les réseaux sociaux qu’il était venu pour ‘’soumettre’’ et ‘’avoir à sa solde’’ toutes les oppositions.

Or, c’est l’exclusion ‘’réelle ou perçue’’, (thème largement débattu à Tokyo) synonyme de mépris, de marginalisation et d’injustice qui a fait le lit des Samuel DOE, Charles TAYLOR, Prince JOHNSON, Robert GUEÏ (ivoirité) dont les violences ont ensanglanté l’Afrique de l’Ouest. C’est notre expérience d’ancien Président de la CEDEAO, pendant l’atroce guerre civile du Libéria, que nous voulons partager ici avec nos compatriotes.

Prenons donc garde, et remettons vite l’ouvrage sur le métier si notre objectif est vraiment la paix. Écoutons enfin le peuple car c’est lui le souverain et l’arbitre avant qu’il ne soit trop tard. Méfions nous, comme nous le dit La Fontaine dans ses Fables, de tout flatteur qui ne vit qu’aux dépens de celui qui l’écoute.

En tout cas notre pays entre, depuis cette malheureuse décision qui est une insulte à la pauvreté, dans un cycle infernal aux développements imprévisibles. Quel gâchis ! Mais nous ne cesserons, car, c’est notre rôle, de tirer régulièrement la sonnette d’alarme.

Vive la démocratie béninoise !

Vive le Bénin !

Je vous remercie.

Fait à Cotonou, le 25 Septembre 2018.

Le Président Nicéphore Dieudonné SOGLO.
Ancien Président de la République
Ancien Maire de la ville de Cotonou
Vice-Président du Forum des Anciens Chefs d’Etats et de Gouvernements d’Afrique,
Créé en 2006 à Maputo sous le haut patronage de Nelson MANDELA

 

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