Maroc: vives émotions après la mort d’une jeune migrante tuée par la Marine

La mort d’une étudiante de 22 ans tuée par les tirs de la Marine marocaine alors qu’elle se trouvait à bord d’une embarcation clandestine en route pour l’Espagne, suscite l’émoi et l’indignation au Maroc.

La Marine royale marocaine a ouvert le feu mardi sur une embarcation rapide « go-fast » (puissante embarcation à moteur) qui « se trouvait de manière suspecte dans les eaux marocaines », au nord du pays, et qui avait « refusé d’obtempérer aux avertissements », selon les autorités locales. Touchée par les tirs, Hayat, étudiante en droit à la faculté de Martil (nord), a succombé à ses blessures à l’hôpital. Trois autres passagers, âgés de 20 à 30 ans, ont été blessés, dont l’un est dans un état critique. L’embarcation transportait une vingtaine de migrants marocains.


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De nationalité espagnole, le pilote du « go-fast » est indemne et a été arrêté, selon les autorités marocaines, qui ont annoncé l’ouverture d’une enquête. « Des citoyens marocains civils sont tués de sang-froid parce qu’ils veulent juste quitter ce pays de disparités sociales, de pauvreté et de répression », a fustigé mercredi la section de Nador de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH). « Rien ne prouve que les passagers du bateau représentaient une menace, ce qui aurait été la seule justification légale pour que le Maroc leur tire dessus », a de son côté réagi jeudi Sarah Leah Whitson, responsable Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch (HRW). « Les autorités se sont engagées à enquêter sur ce grave incident; elles devraient le faire immédiatement, divulguer publiquement leurs conclusions et traduire les responsables en justice », a-t-elle ajouté dans un communiqué.

La « grande évasion » ou les « exagérations »

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont partagé des portraits de la « martyre Hayat », dont le « seul tort était de vouloir quitter la misère pour aider sa famille ». « La balle mortelle est porteuse d’un message, elle tue plus qu’une jeune fille, elle tue l’espoir d’une génération », a commenté sur sa page Facebook, Mohamed Ennaji, écrivain et universitaire. Des médias marocains sont allés à la rencontre de sa mère ouvrière et de son père au chômage, vivant très modestement dans un quartier populaire de Tétouan (nord).

L’affaire a fait la une de plusieurs journaux, jeudi : certains évoquent la « grande évasion » de la jeunesse marocaine, d’autres la « guerre menée par les autorités » contre les « go-fast », ou les « exagérations » des réseaux sociaux qui donnent l’impression que « tout le pays aspire à l’immigration ». Plusieurs rapports alarmants sur la jeunesse du Maroc, par ailleurs l’une des économies les plus développées du continent africain, ont été publiés ces derniers mois.

Le dernier, rendu public par le Conseil économique et social (CESE), s’inquiète du fossé « vertigineux » séparant les 11 millions de jeunes Marocains (de 15 à 34 ans) du reste de la population. Décrochage scolaire, chômage, pauvreté et sentiment de frustration exposent les jeunes aux risques de la délinquance, aux sirènes de l’extrémisme et à la tentation de fuir, avance ce rapport.

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