Philippe Noudjènoumè: « la CRIET est anti-constitutionnelle en trois volets essentiels »

La cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) est toujours au banc des accusés au sein de l’opinion publique. Pour Monsieur Philippe Noudjènoumè,  secrétaire national du parti communiste du Bénin et professeur de droit public, la Criet est anti-constitutionnelle.

A travers une déclaration rendue publique le lundi 22 Octobre 2018 suite à la décision de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme condamnant à 20 ans de prison, le président d’honneur du parti Union sociale libérale, le professeur de droit public, Philippe Noudjènoumè, tout en condamnant cette cour spéciale créée par la loi 2018-13 du 02 Juillet 2018, estime que son existence est contraire à la constitution de 1990. « … la CRIET est anti-constitutionnelle en trois volets essentiels…. » peut-on lire dans sa déclaration.

[su_heading size= »17″ align= »left »]A lire aussi : Bénin: après Sébastien Ajavon, Atao Hinnouho, prochain client de la CRIET ? [/su_heading]

Pour le professeur Philippe Noudjènoumè, la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme est contraire à la constitution pour ce qui est de l’objet de cette cour, du point de vue du pouvoir conféré aux juges qui l’animent et du point de vue des procédures.

  • Pour ce qui est de l’objet

Relativement à l’objet de la CRIET, le professeur Philippe Noudjènoumè estime que l’institution juridictionnelle béninoise a tout prévu (tous les cas d’incriminations sont prévus et réprimés) dans les circonstances d’exercice normal de la démocratie. A le croire, la répression de la corruption, de la drogue et même du terrorisme est prise en compte dans la loi portant lutte contre la corruption.

« La répression de la drogue, même la répression du terrorisme est prévue. Du reste, on ne légifère pas sur une infraction à venir, une infraction non encore existante et le Bénin heureusement n’est pas encore dans le viseur terroriste comme les pays voisins pour que l’on décide des mesures exceptionnelles. Dès lors que l’on rentre dans des dispositions dérogatoires de droit de commun, on rentre dans le cadre d’une Cour d’exception. » affirme t-il.

  • Du point de vue des pouvoirs conférés aux juges de la CRIET

En ce qui concerne le pouvoir conféré par le législateur aux juges de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, le professeur Philippe Noudjènoumè estime que ces pouvoirs sont exorbitants.

« Du point de vue des pouvoirs conférés aux administrateurs de cette justice ; ils sont exorbitants et donc exceptionnels : Le « Procureur Spécial » devient un super-patron en matière de poursuite judiciaire, un Léviathan au-dessus non seulement du procureur de la République, mais même du procureur Général, usurpant ainsi les attributions de la traditionnelle Chambre d’accusation de la Cour d’appel supprimée dans la même loi » indique t-il.

  • Du point de vue des procédures

Pour le professeur Philippe Noudjènoumè, l’article 12 de la loi créant la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme viole le principe qui veut qu’en matière pénale, que le justiciable est la possibilité de faire recours. Pour lui, la procédure de la criet est totalement en contradiction avec les exigences de notre loi fondamentale notamment son préambule qui stipule; « Affirmons solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer un État de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle « .

Par ailleurs, le président du parti Communiste du Bénin estime que la procédure de la Criet selon les articles 12 et 15 de cette loi est contraire aux dispositions des articles 8 et 20 de la constitution de 1990.

« L’État a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger » etc… Article 20 « Le domicile est inviolable. Il ne peut y être effectué de visites domiciliaires ou de perquisition que dans les formes et conditions prévues par la loi ».
– Au regard de ces dispositions formelles constitutionnelles, les dispositions de la loi sur la CRIET en les articles 12 (pas de recours) et 15 (perquisitions) ne garantissent nullement la jouissance de ces droits fondamentaux de l’homme. On peut désormais, sur simple accusation de terrorisme ou de trafic de drogue, perquisitionner à toute heure de jour comme de nuit !
Il apparaît nettement qu’en dehors des critiques formelles de textes constitutifs de la CRIET, la pratique qui est en cours de cette Juridiction révèle sans fard son caractère de Cour politique pour opposants, une Cour de condamnation de délit d’opinion politique, une Cour d’exception du genre de la Cour criminelle d’Exception des années 1988-1989 sous le PRPB. » poursuit-il.

Au demeurant, le professeur Philippe Noudjènoumè conclut que la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme  ne bénéficie pas de critères d’indépendance pour des procès équitables et justes ; elle est à l’antipode des engagements internationaux auxquels le Bénin a souscrits, notamment le pacte international sur les Droits civils et politiques etc. Et doit être balayée comme instrument de la dictature autocratique.

Les commentaires sont fermés.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus