Bénin : l’Arcep et son inconstitutionnalité

L’actuelle équipe de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP) Bénin continue d’opérer sans une base constitutionnelle. Malgré la méconnaissance des textes par le gouvernement Talon prononcée par  la haute juridiction du pays à travers une décision rendue après avoir été saisie au fin de juger de la conformité à la loi fondamentale du pays, de leur nomination par le pouvoir exécutif, cette équipe de l’autorité continue d’agir avec des décisions qui pourront coûter chères au contribuable béninois les années à venir.

Ils ont été nommés et ont été installés au cours d’une cérémonie solennelle comme l’exigent les textes en la matière. Ils disposent des compétences nécessaires et leurs expériences avérées ne font objet d’aucun doute. Ils sont capables de faire le « job » comme on le dit si bien dans le jargon familier. Mais, ils ont été nommés et installés en violation de la constitution du Bénin du 11 décembre 1990. Ils, ce sont les membres de l’actuelle mandature de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep) Bénin.

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Les faits remontent au 27 juillet 2016 où le gouvernement d’alors du Président Talon avait décidé, au cours de sa  traditionnelle rencontre hebdomadaire, de suspendre  les membres de cette autorité pour des cas de malversations financières qu’auraient révélé les conclusions du rapport à mi-parcours de la mission d’audit concernant l’organisation et la gestion de l’autorité. Suite donc à ce conseil des ministres, le Président de la République a pris le décret N°2016-631 du 12 octobre 2016 portant relèvement de fonction et abrogation de décret de nomination à l’′Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste. L’article 1er de ce décret stipule que « les membres de l’Autorité de Régulation des communications électroniques et de la Poste et le Secrétaire Exécutif sont relevés de leur fonction ». Saisie par les requérants  Servais Sossoukpe, Nicolas Djiguin, Marcellin Ilougbade, Félicien Chabi Zacharie, N’unayon Hervé Hountondji, la Cour constitutionnelle que présidait le professeur Théodore Holo avait jugé contraire à la constitution cette décision du conseil des ministres. Dans sa décision DCC 17-023 du 02 février 2017 en son article 1er, il est clairement signifié que

« la décision du Conseil des ministres du 27 juillet 2016, objet du relevé des décisions administratives du 28 juillet 2016 et du décret n°2016-631 du 12 octobre 2016, est contraire à la Constitution en ce qui concerne les membres de l’ARCEP-Bénin ».

Dans un Etat aussi démocratique que le Bénin et aussi légaliste, l’on ne comprend pas pourquoi cette même équipe, sans que le gouvernement ne se conforme à la décision de la Cour constitutionnelle, garante de la loi fondamentale du Bénin, continue d’exercer.

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Encore plus loin, la Cour constitutionnelle a été saisie par le requérant Amédée Vignon Serge Weinsou pour violation des articles 35, 53 et 124 de la Constitution toujours au sujet des membres de cette autorité qui ont été reçus par la ministre de la communication d’alors, Rafiatou Monrou, le 12 avril 2017 alors même que leur nomination a été déclarée contraire à la constitution du pays. Dans sa décision DCC 17-209 du 19 octobre 2017, la même Cour de Holo a encore déclaré contraire à la constitution l’acte de la ministre de la communication. Malgré donc ces différentes décisions, les membres de l’ARCEP exercent « librement » et prennent des décisions qui parfois font grand bruit dans l’opinion publique. Le peuple béninois, il y a de cela 28 ans, s’était déjà engagé à travers l’adoption, par référendum, de la constitution du pays à respecter les textes de ladite loi fondamentale. Dans son préambule déjà, la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, stipule

«  (….) Affirmons solennellement notre détermination par la présente constitution de créer un Etat de droit de démocratie pluraliste, dans les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle (…) ».

A l’article 53 de la même loi, il est écrit qu’« avant son entrée en fonction, le Président de la République prête le serment suivant :

« Devant Dieu, les mânes des ancêtres, la Nation et devant le Peuple béninois, seul détenteur de la souveraineté, Nous, Président de la République, élu conformément aux lois de la République jurons solennellement :

  • de respecter et de défendre la constitution que le Peuple béninois s’est librement ;
  • de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation nous a confiées ;
  • de nous laisser guider par l’intérêt général et le respect des Droits de la personne humaine, de consacrer toutes nos forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’unité nationale ;
  • de préserver l’intégrité du territoire national ;
  • de nous conduire partout en fidèle et loyal serviteur du peuple.

En cas de parjure, que nous subissions les rigueurs de la loi ».

Le président Patrice Talon, en prêtant ainsi le serment reçu par  le Président de la Cour Constitutionnelle devant l’Assemblée Nationale et la Cour Suprême le 6 avril 2016, devrait être le garant de cette constitution du pays. Mais hélas. Inutile de rappeler d’autres cas de non-respect des décisions de la Cour constitutionnelle. La décision sur la disposition des couleurs du drapeau national sur des actes administratifs et officiels, le limogeage du DG de l’ORTB pour ne citer que celles-là sont des décisions en souffrance dans les tiroirs du pouvoir exécutif.

L’actuelle équipe de l’Arcep pourrait-elle rembourser les salaires, frais de missions et autres avantages liés à leur poste pendant tout ce temps où elle opère dans l’inconstitutionnalité? Quelles implications pourraient avoir ses décisions sur  l’Etat béninois et quelle légitimité ou légalité  pourrait-on lui accorder ? Pour l’heure, toutes ses décisions sont exécutoires malgré l’inconstitutionnalité de la nomination des membres qui la composent.

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