Bénin – Dossier Modeste Toboula: au-delà de l’émotion, toutes les leçons à tirer

La presse locale et les réseaux sociaux sont en ébullition depuis le 20 février, avec le limogeage du préfet du département du Littoral, Modeste Toboula et du ministre de la décentralisation Barnabé Dassigli. Cette actualité qui bat le palmarès des commentaires dans les différents fora fait  oublier à la plupart des béninois, les grandes leçons à tirer de cet événement qui aura marqué tous les esprits.

Nommé à la faveur du conseil des ministres du mercredi 22 Juin 2016, pour accompagner le gouvernement dans la gestion des affaires du département du Littoral, Modeste Toboula avait une mission précise: aider le chef de l’État et son gouvernement à opérer les réformes mentales nécessaires au sein de la population cotonoise, réputée pour son incivisme et son laxisme.

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Ainsi nommé, le chef du département du Littoral avait une mission bien précise, mais aussi bien difficile. A la faveur de son passage sur « Café médias plus » le 30 Octobre 2016, Modeste Toboula a affirmé en marge des débats, qu’il a reçu un cahier de charges et que son boulot, est d’assumer ce pourquoi il a été nommé. Qu’il vous souvienne que le 4 février 2017, le chef de l’Etat, le président Patrice Talon a reçu en audience la communauté musulmane suite aux mécontentements engendrés par les déguerpissements, notamment ceux de la mosquée de Cadjèhoun. Face à ces concitoyens, le chef de l’État s’est montré suffisamment clair sur le sens de ses actions.

« J’ai été attristé par l’amalgame qui a été volontairement instaurée et a servi d’intoxication pour remettre en cause, l’esprit de l’embellissement de nos grandes villes; » a-t-il affirmé.

Cette déclaration du numéro 1 béninois, révèle de façon un peu plus clair, les intentions qui sous-tendent les casses et les déguerpissements. A en croire le chef de l’État, le seul mobile reste l’embellissement de la ville. « Je sais que nous sommes une population un peu têtue, mais nous allons progressivement nous corriger« , poursuit le chef de L’État qui précise, qu’il ne pense pas que Dieu ait fait certains ordonnés et d’autres pagailleurs. Pour faire donc face à la pagaille du cotonois, il fallait une personne assez rigoureuse à la tête de la préfecture. Le casting a permis la nomination de Monsieur Modeste Toboula.

Modeste Toboula, victime de sa volonté de bien faire?

Il n’a point de doute que dans son cahier de charges, le désormais ex-préfet du Littoral ait reçu pour mission, d’accompagner l’exécutif dans sa volonté de faire de Cotonou, une ville moderne, attractive et saine, tout en restaurant l’autorité de l’État dans la ville la plus indisciplinée du pays. Cette mission, il l’a confirmé lors de son passage sur « Café médias Plus ». En parlant de la ville de Cotonou, plus précisément du quartier Agla, Modeste Toboula rappelle qu’il faut rompre avec le désordre. Fustigeant l’ancien régime, le désormais ex-préfet a annoncé la restructuration de certains quartiers de Cotonou, plus précisément du quartier Agla.

« Aujourd’hui, nous sommes au carrefour de la modernité ou du désordre… Agla sera totalement remis en cause. Beaucoup de bâtiments vont être dégagés, rasés, et je pèse bien mes mots, rasés jusqu’au fond. Et beaucoup d’édifices seront détruits », a-t-il martelé, comme pour lever un coin de voile sur sa mission.

Malheureusement, cet ancien étudiant de l’ENAM n’a pas su faire la démarcation entre avoir de l’autorité et être autoritaire. Dans sa volonté de bien faire et de remplir convenablement ce pour quoi il a été nommé et bien loti, le jeune préfet, certainement par inexpérience et influencé par l’accoutrement que sa fonction lui imposait, s’est laissé aller à quelques excès, certainement dans la naïve volonté de prouver qu’il est à la hauteur de la mission de « dresser » la population de Cotonou.

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Soulignons que le préfet dans l’accomplissement de sa mission, n’a jamais été relevé par sa hiérarchie, en dépit des polémiques suscitées par les méthodes parfois brutales utilisées. C’est dire qu’au plus haut niveau, on y trouvait pas du mal dans le rôle joué par le tonitruant préfet dans la mise en œuvre du plan de restructuration de Cotonou. On pourrait même dire qu’il bénéficiait d’une certaine façon du soutien de sa hiérarchie.

Quid du bilan des actions de Modeste Toboula

La question de la modernisation de la ville de Cotonou a été toujours une préoccupation des régimes successifs. Si après un mandat de 5 ans, le président Nicéphore Soglo n’a pu transformer fondamentalement Cotonou, devenu Maire, il a nourri l’ambition de faire de la ville un « Singapour ». Les régimes qui ont précédé l’actuel régime, ont tous d’une manière ou d’une autre, tenté des actions sporadiques de libération des abords des voies et les terres pleins centraux. C’est dire que unanimement, les dirigeants sont conscients que la ville, pour sa modernisation, a besoin que les gouvernants aient une politique de modernisation mais en plus la fermeté nécessaire pour changer les habitudes.

Les problèmes auxquels le désormais ex-préfet s’est attaqué restent de ce point de vue des problèmes auxquels il urge d’apporter de solutions. Libérer les espaces publics en soi n’est pas une mauvaise option, interdire la présence constante des mendiants à tous les feux tricolores, n’en est pas une non plus. Il serait honnête de reconnaître que les intentions étaient bonnes, même si sur la méthode, on pourrait y trouver à dire. Mais, il importe de situer les responsabilités dans tout ce qui s’est passé dans la gestion de la ville par les actions des autorités centrales.

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En tant que bras opérationnel des opérations de libération des domaines publics, le préfet Modeste Toboula est-il l’autorité qui disposait le pouvoir de décider des mesures d’accompagnement ? Sa mission ne se limitait-elle pas dans la mise en œuvre de l’opération sur le terrain, et au gouvernement, l’initiateur de ce projet de prendre les mesures qu’il faut pour amoindrir la souffrance de la population? Il est vrai que quelques actes brutaux ont été constatés et qui relèvent de la responsabilité du préfet qui d’ailleurs n’est pas au dessus du gouvernement qui pourrait bien le cadrer dans la mise en œuvre du projet sur le terrain.

Quelques acquis de l’ère Toboula à la préfecture de Cotonou

Avant Toboula, Cotonou a connu l’époque de Dandjinou à la tête de la municipalité. Et ce dernier aussi avait lancé des réformes dans le cadre de l’assainissement et de la modernisation de la ville. Donc en la matière, Toboula n’a pas innové. Tout Cotonois le sait, même si la méthode n’était pas la même. Ce rapprochement vise à faire un constat: Cotonou va mal et très mal, surtout en comparaison avec certaines capitales de la sous-région. On s’en rend compte, quand on passe les frontières nationales.

Au-delà du ressentiment, humainement compréhensible, que nourrissent bon nombre des habitants de la ville, il importe de souligner que la gestion de Toboula a révolutionné la mentalité des cotonois quant-à l’occupation de l’espace public. Depuis 48 heures, on note dans la population une gaieté de vengeance, une jubilation, suite au limogeage de Modeste Toboula bien que ce limogeage ne soit pas lié à l’objet de ressentiment des cotonois.

Pour rappel, les actions à l’actif de l’ex préfet ont toujours été rejetées au début avant d’être applaudies à la fin . Aujourd’hui, les places publics qui ont été libérés assainissent un temps soit peu la ville. Citons à titre illustratif, l’espace situé devant la pharmacie « Les 4 thérapie » non loin du marché Dantokpa, l’ordre et la discipline instaurés dans les environs de missèbo, l’interdiction de circuler à moto dans la zone de Missèbo dont les vertus contre les braquages ont été avérées , les interventions de la police en cas d’urgence seront désormais facilitées, les abords des rues dégagés offrent de la visibilité sur des centaines de mètres devant soi, le déguerpissement de la plage de Fidjrossè…. .

Les grandes leçon à tirer de la déchéance du préfet Toboula

Les événements de ces derniers jours qui ont conduit Monsieur Modeste Toboula d’abord à la brigade économique et financière et ensuite à la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme sont riches de leçon pour tous les cadres qui, profitant de leur position, deviennent des instruments au service de leur hiérarchie. Toute personne commise à une mission républicaine doit savoir que:

  • La mission pour laquelle il a été appelé, est pour un temps et qu’après cette mission, il doit continuer d’être fier de lui;
  • La mission au nom de la République est toujours exercée pour la communauté et en ce sens, il faut garder le respect qui est dû, à ceux pour qui vous exercez la mission;
  • Le respect du manuel de procédure est une bouée de sauvetage durant les jours sombres…

En conclusion, tous ces rappels visent à montrer la nécessité d’assainir la ville, si nous aspirons à la modernité. Il reste à espérer que le prochain préfet ou l’intérimaire désigné accompagne ses administrés dans l’auto-discipline pour le bien du vivre ensemble.

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