Bénin – Procès ICC SERVICES: le procureur Togbonon « trop » pressé pour faire la peau à Yayi?

Le procureur spécial de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), le magistrat Gilbert Togbonon dans son réquisitoire, ce Lundi 4 Février 2019, a requis en dehors des accusés du dossier ICC-Services des poursuites contre des personnalités politiques, comme l’ancien chef de l’Etat, le président Thomas Boni Yayi, jugé de co-auteur alors que le principe de contradiction n’a jamais été exercé en ce qui le concerne.

Dans sa réquisition de ce lundi, le procureur spécial de la CRIET, a invité le président de la Cour à ne pas définitivement fermer la page de ce dossier à la fin du présent procès. Pour lui, il faut aller au-delà, pour poursuivre d’autres personnes, notamment des personnalités politico-administratives qu’il qualifie de « co-auteurs » dans ce scandale.

De façon précise, le procureur spécial souhaite que des juridictions compétentes prennent le relais de la CRIET, pour écouter des personnalités, comme l’ex-Président de la République, Boni Yayi, les anciens ministres Armand Zinzindohoue, Kogui N’douro et d’autres hauts responsables de l’appareil étatique au moment des faits. Ceux-ci, de par les fonctions qu’ils ont occupée seront donc interpellés devant la Haute Cour de Justice, lorsque la procédure de poursuite serait engagée.

Yayi Boni peut-il être poursuivi?

Ce qui gène dans la réquisition du procureur spécial, est l’évocation du nom de l’ancien président de la république en lien avec l’accusation de « co-auteur ». Cette formulation du chef d’accusation à l’encontre de l’ancien président de la république, semble violer le principe de la « présomption d’innocence » cher à notre droit positif. Si le nom de l’ancien chef de l’Etat a été cité à maintes reprises dans le procès, par des accusés et même par des « sachants » ou témoins, en aucun moment, l’homme n’a été écouté dans le cadre de ce dossier. Comment peut-il être « co-auteur » ou même complice, s’il n’a jamais eu la possibilité de faire une déposition devant la cour ou de donner sa part de vérité.

Il sera certainement dit, qu’il aura l’occasion de se défendre devant la juridiction compétente qui reste la haute cour de justice. Soit; mais dans ce cas, il bénéficie toujours de la présomption d’innocence et ne saurait être poursuivi avec chef d’accusation « co-auteur » comme cela transparaît dans la réquisition du procureur spécial.

La question qu’il y a lieu de se poser, est de savoir si le procureur spécial de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme peut-il prendre des réquisitions de poursuite contre une personne qu’il n’a jamais auditionné? Les juristes pourront faire le débat, mais à notre connaissance, la décision de poursuite ou d’abandon de poursuite contre une personne vient après l’audition de cette dernière. Peut-on donc se baser sur des dépositions d’accusés pour juger de la culpabilité d’un individu? les juristes pourront également nous éclairer.

Le procureur spécial de la CRIET est-il habilité à poursuivre le président Yayi? 

Le magistrat Gilbert Togbonon, procureur spécial à la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme a-t-il la capacité d’auditionner l’ancien résident de la République, le docteur Thomas Boni Yayi? La réponse est sans doute négative. A notre entendement, seul le procureur général de la cour d’appel de Cotonou a capacité pour engager des poursuites dans le cas d’espèce. Mieux, le président Thomas Boni Yayi par le biais de ses avocats a déposé une plainte devant le tribunal de première instance de première classe de Cotonou contre le procureur général Georges Constant Amoussou qui a affirmé lors de sa déposition devant la cour, que le promoteur de ICC-Services est l’ancien président de la république, Thomas Boni Yayi.

Sans qu’une suite soit donnée à cette procédure afin que par le respect du principe qui veut que la charge de la preuve incombe à celui qui accuse, le procureur spécial de la CRIET  estime que l’ancien président de la république peut être poursuivi pour complicité dans un dossier d’escroquerie. En effet, dire que l’ancien président Boni Yayi est déclaré co-auteur et sera par conséquent poursuivi par les juridictions compétentes n’est rien d’autre en droit qu’une forme de condamnation qui devrait appeler au préalable le principe de la contradiction.

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