Bénin: entre les articles 56 et 68, Patrice Talon a fait son choix

Le président Patrice Talon ayant reçu les présidents des institutions ce lundi a constaté ensemble avec les responsables de ces institutions l’échec de la mission Houngbédji et ont appelé à la poursuite du calendrier électoral sans tenir compte des autres pistes proposées aux chefs de l’Etat.

« Tous les ingrédients pour l’enlisement de la crise sociale sont réunis et la seule personne qui  peut sauver le Bénin d’un effondrement, c’est le président Patrice Talon ». C’est du moins ce que disait Jean-Baptiste Elias dans l’émission socio politique « le grand baobab » de Radio Tokpa ce dimanche. En tout cas, la réaction du chef de l’Etat ne s’est pas fait attendre.

Après avoir consulté hier les présidents des institutions, ils ont pris acte de l’échec de la mission Houngbédji et ont unanimement convenu du respect de l’ordre constitutionnel, ce qui suppose la poursuite du calendrier électoral avec la précision que les discussions peuvent continuer au sein de la classe politique.

Les différentes propositions faites au chef de l’Etat:

Dans un ton presque suppliant, le président du front des organisations nationales de lutte contre la corruption a demandé au président Patrice Talon de prendre en urgence et dès ce lundi 1er Avril 2019, une ordonnance pour modifier l’article 56 de la charte des partis politiques. Pour le président Jean-Baptiste Elias, c’est la seule issue pour sortir de l’impasse après l’échec des discussions au parlement.

« Nous demandons à genoux au président Patrice Talon de prendre dès demain 1er Avril, une ordonnance pour modifier l’article 56 de la charte des partis politiques » supplie-t-il.

«

Pour le président du Fonac, c’est la voie, à son avis, pour sortir de l’impasse actuelle. Mais si le chef de l’état a une autre voie pour atteindre le même résultat, ce qui importe, c’est que nous aboutions à la paix à travers une élection inclusive, conclut-il.

Un appel qui visiblement n’ai pas été écouté.  En effet, à la faveur de sa consultation avec les numéros 1 des institutions de la  république, le président Patrice Talon a fait l’option de laisser les deux blocs de la mouvance poursuivre le processus en attendant l’aboutissement des discussions don’t l’échec est pourtant déjà constaté.

Dans une analyse de la situation de crise actuelle, le professeur titulaire de droit public, Victor Topanou a également fait des propositions au chef de l’Etat. Dans tous les cas, estime-t-il, « il faudra attendre que le Président de l’Assemblée Nationale aille rendre compte des résultats de sa mission au Président de la République qui en est le commanditaire. Deux solutions s’offriront à lui », poursuit-il. « Soit avant la fin de la session extraordinaire, les Députés trouvent un consensus et ils votent les nouvelles lois (ce qui n’a pas été le cas), soit il s’en tient au constat d’échec et dans cette seconde hypothèse, le Président de la République pourrait explorer de nouvelles voies ». « En tout état de cause, il ne revient ni au Député Abimbola ni aux universitaires qui soutiennent le pouvoir en place de conclure qu’après l’échec des discussions à l’Assemblée Nationale, il ne reste plus au Peuple qu’à aller accomplir son devoir citoyen le 28 avril 2019 : ils n’ont pas qualité pour cela ; c’est trop prétentieux de leur part. Cette prérogative revient de façon exclusive et discrétionnaire au Président de la République »; ajoute-t-il.

En effet, il revient au Président de la République, dans l’hypothèse où le Président de l’Assemblée Nationale lui ferait un compte rendu d’échec, de constater l’incapacité des Députés à remplir convenablement avec succès la mission.

Dès lors, il pourrait choisir une autre voie pour sortir de l’impasse, à savoir celle que lui offre l’article 68 de la Constitution complétée par l’article 69.

Quid des articles 68 et 69

L’article 68 dispose :

«  Lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacés de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et constitutionnels est menacé ou interrompu, le Président de la République de la République, après consultation du Président de l’Assemblée Nationale et du Président de la Cour Constitutionnelle, prend en conseil des Ministres les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances sans que les droits des citoyens garantis par la Constitution soient suspendus.Il en informe la Nation par un message.

L’Assemblée Nationale se réunit de plein droit en session extraordinaire ».

L’Assemblée Nationale est une Institution de la République et un pouvoir constitutionnel qui est menacé de manière grave et immédiate dans son fonctionnement si rien n’est fait pour organiser des élections inclusives et à bonne date. Il revient donc au Président de la République de prendre les mesures exceptionnelles qu’exige cette circonstance sans que les droits garantis par la Constitution ne soient suspendus. L’article 69 vient compléter le dispositif de l’article 68 ; il dispose que

« Les mesures prises doivent s’inspirer de la volonté d’assurer aux pouvoirs publics et constitutionnels dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. L’Assemblée Nationale fixe le délai au terme duquel le Président de la République ne peut plus prendre des mesures exceptionnelles ».

Ici, poursuit-il dans son analyse, l’idée d’assurer au pouvoir constitutionnel qu’est l’Assemblée nationale dans les moindres délais les moyens d’accomplir sa mission se justifie par les délais qui se rétrécissent chaque jour un peu plus. Ainsi, toutes les conditions sont réunies pour l’utilisation de l’article 68 à savoir la menace grave et imminente sur le fonctionnement de l’Assemblée Nationale et l’incapacité de la classe politique à trouver un consensus. Par le passé, cet article avait été utilisé dans des circonstances, sans doute de menace moins imminente encore. En effet, la pratique de l’utilisation de l’article 68 a pris corps avec le Président Nicéphore Dieudonné Soglo et s’est poursuivie avec le Président Mathieu Kérékou avant de se renforcer avec le Président Boni Yayi qui l’a utilisé quatre fois en cinq ans; fait-il savoir.

Mais face à toutes ces propositions pour une élection inclusive, le président de la République qui du reste a le pouvoir discrétionnaire de choisir a fait son choix. Il s’en est en effet référé aux présidents des institutions de la République qui ont préconisé le respect de l’ordre constitutionnel et la poursuite du processus électoral avec le détail que les discussions se poursuivent. Les acteurs politiques qui tournent en rond depuis un mois pourront-ils s’entendre en dix jours ? En tout cas, la campagne électorale démarre le 12 Avril prochain.

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