[Exclu] Luis Chabaneix, avocat de Komi Koutché: « nous avons démonté le dossier d’extradition»

Hier jeudi 11 avril 2019, l’ancien Ministre de l’économie et des finances Komi Koutché était de nouveau devant le tribunal dans le cadre de l’examen du dossier d’extradition introduit en Espagne par le gouvernement béninois dans le dossier Fnm pour lequel il est impliqué. Joint au téléphone par la rédaction de Bénin Web Tv, Me Luis Chabaneix, l’un des avocats de Komi Koutché a livré les points saillants de cette audience tenue à Madrid.

Impliqué dans une affaire de mauvaise gouvernance pendant qu’il était Directeur du Fond National de la Microfinance (FNM) au Bénin, Komi Koutché a été arrêté en Espagne en décembre 2018 sur la base d’un mandat d’arrêt délivré contre lui par l’Etat béninois. Alors qu’il était détenu dans les liens de la justice espagnole, le gouvernement du Bénin a introduit une demande d’extradition afin que ce dernier soit jugé devant la Cour de Répression des Infractions Economique et du Terrorisme (Criet). Ainsi, après sa libération sous condition intervenue il y a quelques semaines, le procès en extradition s’est ouvert ce jeudi où les juges espagnols seront emmenés à se prononcer sur le dossier.

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A l’analyse des pièces du dossier et les plaidoiries des différentes parties, le Procureur espagnol dans sa réquisition, s’est opposé à l’extradition de l’ancien ministre Komi Koutché. Selon Me Luis Chabaneix, plusieurs raisons ont motivé la réquisition du Procureur qui a visiblement compris les arguments avancés par la défense de Komi Koutché. « Le Procureur s’est opposé à l’extradition de Komi Koutché. Il s’est basé sur deux moyens sur le fait que la Criet est un tribunal d’exception et sur la probabilité que la motivation réelle soit politique », a-t-il confié à Bénin Web Tv.

Les failles du dossier d’extradition soumis par l’Etat béninois selon Me Luis Chabaneix

La demande d’extradition déposée par les autorités béninoises comporterait des failles sur lesquelles la défense s’est appuyée pour la démonter. Ces failles sont évidentes selon Me Luis Chabaneix qui en a relevé  quelques unes.

« Le point de départ de tout ça, c’est l’envoi frauduleusement à l’Interpol du mandat d’arrêt du juge d’Instruction de Cotonou alors que ce dernier avait déjà révoqué ce mandat d’arrêt. Et cinq mois plus tard, je ne sais quelle autorité du Bénin qui frauduleusement et de mauvaise foi a envoyé ce mandat d’arrêt contre Komi Koutché pour qu’il soit détenu. C’est déjà un argument. C’est à dire que sa détention s’est basée sur un mandat qui n’avait plus de validité. On a apporté la preuve que ce mandat d’arrêt avait été révoqué.

Quand ils se sont rendus compte que ça n’ira pas loin avec ce mandat d’arrêt déjà révoqué, ils ont émis un autre mandat d’arrêt contre Komi Koutché le 27 décembre 2018 parce qu’il ne s’était pas présenté à la Criet le 18 décembre. C’est difficile de répondre à une convocation le 18 décembre si vous êtes arrêté le 14 décembre, quatre jours auparavant. Il était détenu en Espagne, malgré ça ils n’ont pas hésité à envoyer un autre mandat d’arrêt dans le but de corriger celui qui avait précédemment été envoyé »,

Me Luis Chabaneix

La Criet mise en cause…

Dans leur stratégie de défense, les avocats de Komi Koutché ont aussi mis en cause le système judiciaire béninois. Selon eux, il y a des risques que leur client ne soit pas jugé dans un procès équitable dans le respect des principes élémentaires du droit. A titre d’exemple, la défense a cité le cas de Sébastien Ajavon qui avait été condamné par défaut à 20 ans de prison par la Criet en ne donnant pas l’occasion à ses avocats de le défendre et violant ainsi le principe sacro-saint du contradictoire. Une décision cassée quelques mois après par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. « On a défendu que la Criet n’est qu’un tribunal politique, un tribunal d’exception puisque tous ses membres sont nommés par l’exécutif. On a apporté tous les documents qui prouvent que les membres de la Criet sont nommés par le conseil des ministres », a-t-il confié.

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Selon l’avocat, sept différents points ont permis de démonter le dossier d’extradition soumis par l’Etat béninois. Il s’agit entre autres de la nature frauduleuse du mandat d’arrêt, les doutes sur un procès équitable devant la Criet, des risques sur l’intégrité physique de Komi Koutché s’il retournait au Bénin, sa demande d’asile politique, et la comparaison avec le cas Ajavon. Avec tous ces arguments et surtout la réquisition du Procureur, la défense se dit très confiante par rapport au verdict final qui tombera dans cinq ou dix jours maximum.

Des actions en vue contre un témoin désigné par l’Etat béninois…

Selon Me Luis Chabaneix, le témoin désigné par l’Etat béninois dans l’audience d’hier est tombé sous le coup de la loi espagnole. Il s’agit en effet d’un avocat de Komi Koutché au Bénin qui devient encore témoin contre son client. A l’en croire, ce dernier n’a même pas pris la peine d’avertir Komi Koutché avant d’agir ainsi. « Il s’agit d’une infraction très grave. Une infraction déontologique; mais il s’agit aussi d’un délit en Espagne, un délit de déloyauté professionnelle. C’est à dire quelqu’un qui est l’avocat de la défense d’une personne ne peut se retrouver témoin contre lui dans un autre procès », a-t-il précisé.

A l’en croire, les avocats espagnols engagés par l’Etat béninois n’étaient visiblement pas informés de cet agissement car ils savent que c’est interdit. C’est sûrement une fois informés qu’ils lui ont demandé de ne plus se rendre au procès. « Il faut que le peuple béninois sache que la République du Bénin est allée chercher l’avocat de Komi Koutché, Alain Orounla pour le proposer comme témoin lors de l’audience. C’est un scandale; et je vous assure que des représailles vont être prises contre cet avocat. On va faire tout notre possible pour qu’il soit sanctionné au plus haut degré par le barreau auquel il appartient », a-t-il promis.

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