France-Rwanda: polémiques autour de la commission d’étude du génocide

Vingt-cinq ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, l’Élysée a dévoilé la formation d’une « commission d’historiens et de chercheurs » chargés de mener un travail de fond centré sur les archives françaises de la période 1990-1994. Un groupe de neuf chercheurs va être chargé pendant deux ans de faire la lumière sur les zones d’ombre qui planent encore sur le rôle joué par l’armée française. Mais cette commission suscite déjà des remous.

Faisant suite à une promesse d’Emmanuel Macron formulée en mai 2018 lors de la visite du président Paul Kagame, l’Élysée vient d’annoncer la formation d’une commission d’historiens et de chercheurs qui sera chargée de « mener un travail de fond centré sur l’étude de toutes les archives françaises concernant la France et le Rwanda en 1990 et 1994 », explique un communiqué de l’Élysée.

Cette commission, présidée par l’historien Vincent Duclert, aura un « accès direct » aux archives présidentielles, du Quai d’Orsay, du ministère des Armées et de la DGSE, a indiqué vendredi l’Elysée à l’issue d’une rencontre entre Emmanuel Macron et une association de soutien aux rescapés du génocide, Ibuka France.

« Le but final c’est d’avoir un rapport au bout de deux ans qui sera public, remis au président de la République, accessible à tout le monde et qui rendra compte de manière scientifique à partir des archives de ce qu’a été le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994 », souligne-t-on à Paris. Une note intermédiaire est prévue dans un an.

Cette annonce intervient deux jours avant la journée de commémoration des massacres qui ont fait 800.000 morts à laquelle Emmanuel Macron, officiellement invité par les autorités rwandaises, sera représenté par le député des Côtes-d’Armor et orphelin tutsi Hervé Berville.

Aucun spécialiste du Rwanda

La commission a beaucoup fait réagir la communauté historienne ces derniers jours, après l’annonce de la mise à l’écart de deux des principaux spécialistes français du sujet : Stéphane Audoin-Rouzeau directeur d’études à l’EHESS, et Hélène Dumas, chargée de recherche au CNRS et seule experte à maîtriser le kinyarwanda.

Selon Jeune Afrique, Stéphane Audoin-Rouzeau, qui dit avoir été reçu par la cellule Afrique de l’Élysée quelques jours avant l’annonce explique qu’on lui a laissé entendre que « certains de [ses] écrits sur le rôle de l’armée française au Rwanda avaient pesé dans la balance et que [sa] présence serait une source de blocage. Et ce, après m’avoir expliqué au préalable que mes travaux avaient contribué à motiver la création de cette commission », expliquait-il à Jeune Afrique avant l’annonce de la composition de la commission.

Selon la composition de la commission, que Jeune Afrique a pu consulter, aucun spécialiste du sujet ne fait partie du groupe mené par Vincent Duclert. « Le président de la République a souhaité réunir les conditions pour l’expression d’une vérité historique et consacrer la place du génocide des Tutsi dans la mémoire collective française », conclut le communiqué.

Plus de 280 universitaires, enseignants et intellectuels ont signé une pétition pour dénoncer la composition de cette commission.

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