Bénin : Patrice Talon, le narcissisme au superlatif ou le visionnaire mal conseillé ?

Au Bénin la tension est retombée depuis jeudi soir après l’intervention musclée des forces de l’ordre pour disperser la population en colère qui manifestait dans les rues depuis deux jours. Les autorités béninoises ont-elles tiré des leçons de ces deux journées et quelle réaction le chef de l’Etat Patrice Talon pourrait ou devrait avoir ? Décryptage.

A la Base…

Des bâtiments saccagés et brûles, des voies barricadées et des pneus brûles, des morts et des blessés. C’est en gros le bilan que l’on peut faire à l’issue de seulement deux jours de violentes manifestations à Cotonou contre le pouvoir en place. D’autres cas de violence ont été signalés à l’intérieur du pays notamment à Kandi dans le nord où une usine d’égrenage de coton a été incendiée entre autres. Le calme est revenu après une intervention assez musclée de la garde républicaine qui aurait tiré à balles réelles pour disperser les manifestants et prendre contrôle des lieux.

Vendredi les militaires associés à quelques policiers sont toujours fortement présents à Cadjehoun d’où est partie la manif. A la base, la population s’était réunie autour de la résidence de l’ancien président Boni Yayi pour empêcher son arrestation supposée suite au fait que la police s’est déployée en nombre sur les lieux. Ensuite le rassemblement s’est transformé en une manifestation de colère contre Patrice Talon, le président de la République.

Que Yayi Boni et l’opposition ne se trompent pas !

Même si la population semble lui apporter un soutien indéfectible en se mobilisant mercredi et jeudi de façon spontanée et comme un seul homme, il ne s’agit pas là d’une marque de sympathie à son égard ou à l’égard de l’opposition, mais il est question de défense des acquis de la République. Le caractère spontané du mouvement d’humeur de ces derniers jours à Cotonou démontre l’expression de la colère d’un peuple qui a su patienter et garder son calme pendant que le pouvoir de Patrice Talon est en train de le dépouiller progressivement de certains acquis socio-économiques et de certaines libertés.

Connu pour sa tolérance légendaire et sa patience de panthère, ce que Patrice Talon sait très bien, le peuple béninois n’est pas impulsif. Malgré les appels de plusieurs personnalités de l’opposition, les béninois ont gardé le sang-froid faisant la part des choses entre les politiques et lui. Mais le président Talon semble vouloir en abuser et le résultat on l’a vu ; malgré le calme revenu, la tension reste vive et très vive.

Patrice Talon un visionnaire

Le président de la République est considéré comme le principal artisan et peintre de cette macabre toile qui ternie l’image de marque de la république du Bénin. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est l’entêtement incompréhensible de Talon à continuer à gouverner avec la politique du « forcing ». Les béninois ne sont pas contre les réformes, au contraire ils applaudissent patiemment en espérant qu’à la fin, ils auront de meilleures conditions de vie. Et cette attitude, le président l’a bien compris. De nouvelle règles de gestion des affaires publiques ont été mises en place; des réformes courageuses mais nécessaires ont été entreprises au grand dam de l’opposition qui semblait être contre l’évolution.

Le Bénin commençait a avoir une ligne directive vers ne serait-ce qu’un petit pas vers le développement qui serait un grand pas pour le citoyen. Talon a ensuite tenté d’inculquer dans la tête des béninois l’esprit patriotique par la croyance en une idéologie et non en un « homme ». C’est l’avènement de la fusion des quelques deux cent partis politiques de ce petit pays, en blocs. Toutes ces réformes, les béninois, même s’ils ne l’avaient pas exprimé, ont apporté leur bénédiction car cela allait dans le sens de leur bien-être. Tout aurait pu bien se passer si cette sorte de « vendetta » ou de règlement de comptes à la Machiavel (Ajavon, Koutché, Djènontin, les journalistes, etc…) n’était mélangé comme des tâches d’huile de palme brute sur un linge blanc, à ces actions.

…mais le narcissisme semble avoir pris le dessus

Ce qui n’est pas dans la mentalité de « ce peuple à part », c’est l’acceptation du musellement de « l’autre » pour rester le plus fort. Tellement jaloux de sa démocratie, le peuple vient de donner un avertissement à son président afin que ce dernier gouverne avec moins de velléités d’autocrate qu’on ne peut raisonner. Il faut donc que Patrice Talon se transforme en un dirigeant leader et rassembleur qui inclut tous les béninois dans sa politique de développement car, « ensemble ont est plus fort » dit-on.

[su_heading size= »17″]A lire aussi : Bénin – Impasse électorale: Patrice Talon étouffe l’ultime espoir de l’opposition[/su_heading]

Cependant, le président a eu plusieurs fois l’occasion d’éviter cette réaction violente du peuple. Plusieurs fois depuis le début du processus électoral, il a été interpellé sur la question et bon nombre de fois ses compatriotes ont espéré le voir « faire quelque chose » pour apaiser la situation, mais rien. Soit sa « fierté » est tellement forte pour qu’il ne veuille pas reconnaître qu’il y a peut-être eu des erreurs dans sa stratégie, soit il a été conforté dans ses prises de décision par un entourage trop content d’avoir du pouvoir pour ne pas se préoccuper du peuple.

Dans le premier cas, certains diraient que Patrice Talon ne supporte pas la contradiction et « se croit « plus » visionnaire, moderniste et intelligent » que la plupart des personnalités qui constituent la classe politique béninoise. Si c’est le cas, il doit apprendre à reconnaître ses erreurs ou des ratés dans ses stratégies et les reprendre ou les améliorer et ce sera tout à son honneur. Mais est-il capable de le faire vue le caractère narcissique très fort que plusieurs observateurs collent à sa personnalité ? Seules ses actions dans les prochains jours répondront à cette question.

Son entourage : Djogbénou, Wadagni, etc…

L’un, financier émérite doté d’une forte personnalité caractérise une suffisance plutôt remarquable et l’autre, du même acabit, ils sont les fidèles et proches conseillers du chef de l’Etat, entre autres bien entendu. On leur impute et surtout à Joseph Djogbénou, président de Cour constitutionnelle, le jusqu’au-boutisme qu’affiche Patrice Talon dans les décisions qu’il prend. Dans tous les cas, Talon doit savoir ou se rappeler désormais qu’il est un « chef d’Etat » et qu’il doit faire des concessions par moment pour gagner la confiance de son peuple quitte à sembler faible car, selon un dictons, « l’avantage d’être intelligent, c’est de pouvoir jouer au con ».

Aujourd’hui très décrié, Patrice talon peut toujours regagner le respect et la considération des béninois s’il change de fusil d’épaule. Au Bénin, après près de deux décennies de dictature et de répression sanglantes, le Général Mathieu Kérékou est décédé en 2016 en tant que « héros national » ; il va sans dire que Talon a encore l’occasion de changer les choses et retrouver le soutien du peuple.

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