[Dossier] Retour sur les hics, les chocs et les flops des législatives 2019 au Bénin

A l’issue d’un processus électoral émaillé de polémiques et de controverses, les béninois ont élu le 28 avril 2019, les députés de la 8ème législature. Du cadre législatif à la situation post-électorale critique en passant par les faits marquants du processus électoral, la rédaction de « Bénin Web Tv » se propose de vous faire revisiter les hics, les chocs et les flops de la première élection organisée par le régime du président Talon.

  • Le cadre législatif du scrutin de 2019

La réforme du système partisan

Patrice Talon, alors candidat à l’élection présidentielle avait évoqué, durant la campagne électorale, ses ambitions politiques en vue du renforcement du modèle démocratique béninois. Au nombre desquelles, la réforme du système partisan ou encore système de partis. Dans le programme Bénin révélé, le président de la République a réitéré sa volonté de redéfinir le cadre institutionnel et démocratique à travers la revitalisation du système partisan et la modernisation du système électoral.

La commission nationale technique chargée des réformes politiques et institutionnelles, dans son rapport général présenté au chef de l’Etat le 28 juin 2016, a aussi donné carte blanche en vue de redéfinir le système des partis. Et dans le cadre de sa mise en application, la loi n° 2018-23 portant nouvelle Charte des partis politique a été  adoptée par les députés le 26 juillet 2018.

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Un document de 7 titres et de 58 articles fixant les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des partis politiques. Moins de deux mois plus tard, précisément le 03 septembre 2018, la loi n° 2018-31 portant code électoral en République du Bénin a été votée à l’Assemblée nationale. Toute chose qui balise le terrain à la réforme du système partisan.

Pourquoi revitaliser le paysage politique ?

A l’image des grandes nations démocratiques, le Bénin s’achemine progressivement vers l’assainissement de son espace politique à travers la réforme du système de partis. Une option d’envergure qui sonne ou sonnera le glas des micros et petites formations politiques souvent non représentatifs. Evidemment cette réforme ne vient pas remettre en cause le multipartisme intégral adopté à la suite de la conférence nationale des forces vives de la Nation.

Puisque la nouvelle Charte des partis politiques, en son article 11 stipule clairement que « tout citoyen, jouissant de ses droits civils et politiques, est libre d’être membre ou d’adhérer au parti de son choix… ». Là où le bât blesse est que certaines formations politiques sont quasi-inexistantes quand il s’agit d’animer la vie politique. Il était donc crucial d’aller vers les grands ensembles pour revitaliser le cadre institutionnel et moderniser le processus électoral.

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C’est à cette tâche que se sont attelés les tenants du pouvoir. Un chantier qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive mais semble porter progressivement ses fruits. La preuve,  deux grands ensembles politiques sont déjà constitués autours du chef de l’Etat. Il s’agit de l’Union Progressiste et le Bloc Républicain qui regroupent chacune, un nombre impressionnant de partis politiques. D’autres formations politiques tâtonnent encore parce qu’ils restent attachés à leurs attributs et continuent de gonfler malheureusement le nombre de partis au Bénin.

Il faut noter qu’avant l’institution de cette réforme, le Bénin comptait plus de 250 partis politiques. Il était donc temps d’aller vers les grands regroupements en lieu et place des personnages clivant.  La Commission Djogbénou a même recommandé un financement qualitatif de l’Etat au profit des partis politiques, surtout un mécanisme incitatif au regroupement, à la représentativité nationale et à la prise en compte du genre.

Des partis s’opposent

Opter pour la fusion contraint les partis à faire des concessions jusqu’au renoncement  de  leurs attributs. Des chapelles politiques, fort de leur ancrage  historique et leur combat permanent pour la survie de la démocratie béninoise depuis des lustres, manquent à l’appel. C’est le cas du Parti du renouveau démocratique (PRD) qui, après moult tergiversions, a sursoit à sa participation aux travaux devant aboutir à la création du Bloc Républicain. Il serait superflu d’évoquer les différentes étapes qui ont marqué le processus. Néanmoins le parti de Me Adrien Houngbédji s’est conformé aux nouvelles dispositions en vue de sa participation aux élections législatives. D’autres formations, pas des moindres ont donné raison aux Tchoco-Tchoco en optant de ne fondre dans aucun parti politique en dépit de l’appel incessant et des pressions diverses.

Levée de boucliers contre les lois électorales

De mémoire de béninois, jamais une loi électorale n’a suscité tant de polémiques. Citoyens, acteurs politiques et observateurs de la vie socio-politique ont vertement critiqué certaines dispositions de la nouvelle mouture du Code électoral. D’aucuns y voyaient une volonté manifeste d’une frange de députés, d’écarter les opposants de la course électorale.

Avant le vote du document, le Juriste Nourou-Dine Saka Saley, avait estimé que « faire perdre à un ancien Président de la République son statut, parce que candidat, et même pas parce qu’élu, n’est pas assez sexy. Il faut étendre cela à tout ancien Président d’institution dès qu’il est candidat ». Pour lui, « s’opposer avec force et détermination à ce diktat de la majorité parlementaire devient un impératif de salubrité publique pour la postérité ».

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Allant quasiment dans le même sens, Irénée Agossa, président du parti le Nationaliste, pense que les forces de l’argent entrent en phase de délire et de perdition au parlement. « 200 millions de francs cfa, 250 millions  de francs cfa pour une liste et pour être Président de la République, quitus fiscal, perte de titre d’ancien président… alors pour éviter la révolte ou encore l’insurrection, la seule possibilité qui s’offre à nous, c’est de RÉSISTER ».

Invité sur Canal 3 Bénin,  jeudi 09 août 2018, pour apporter plus d’éclairements sur les innovations contenues dans cette nouvelle mouture,  le député Orden Alladatin, rapporteur de la Commission des lois, a laissé entendre que l’initiative vise le regroupement des forces politiques. « Il faut pouvoir contenir la flopée de candidatures fantaisistes qu’on a toujours connues par le passé. Il faut qu’on ait des partis forts et non des individus et des hommes forts ».

En dépit du rififi autour de certaines dispositions, les nouveaux textes électoraux ont été adoptés et entérinés par la Cour constitutionnelle. Etant donné qu’une loi votée engage la responsabilité de tous, le processus électoral pour les législatives de 2019 prend corps.

  • Un processus électoral controversé

La convocation du corps électoral

La fièvre des élections législatives se faisait déjà sentir au Bénin à un an de la fin du mandat de la 7ème législature. C’est dans ce contexte marqué par le repositionnement des acteurs politiques dans les partis et blocs que le chef de l’Etat, Patrice Talon a annoncé la convocation du corps électoral pour le 28 avril 2019. C’était le 08 janvier 2019 à l’occasion de la cérémonie d’échanges de vœux du nouvel an avec les corps constitués de la République. Le 09 janvier 2019, cette annonce est actée par la signature du décret n°2019-012 portant convocation du corps électoral pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, de la 8ème législature.

Réunies au sein de la Task Force Citoyenne de la CEDEAO pour la gouvernance, la médiation, la démocratie et la paix ; les organisations de la société civile se réjouissent de la convocation du corps électoral par le chef de l’Etat. Mais par contre d’autres y voient un piège qui pourrait bousculer l’ordre constitutionnel. A cet effet, mi-janvier 2019, la Cour constitutionnelle a été saisie de deux recours en inconstitutionnalité du décret portant convocation du corps électoral pour n’avoir pas pris en compte le délais de six mois que dispose les partis politiques pour se conformer aux dispositions de la nouvelle Charte des partis politiques.

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Le 1er février 2019, à l’occasion d’une audience plénière spéciale, la Cour constitutionnelle, après analyse des recours, a décidé de ce qui suit : « le décret n°2019-012 du 9 janvier 2019 portant convocation du corps électoral pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, huitième législature, n’est contraire ni à la constitution, ni à la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018, portant Charte des partis politiques en République du Bénin ». Mieux, la Cour a profité de cette saisine pour poser aux partis politiques une nouvelle condition, autres que celles déjà prévues par le Code électoral.

« Les partis politiques qui envisagent de présenter des candidats aux élections législatives, doivent se conformer aux dispositions de la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018, portant Charte des partis politiques en République du Bénin à la date fixée pour le dépôt de la liste des candidats, par la production d’un certificat de conformité aux dispositions de ladite Charte délivré par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique ». Une décision sans recours.

La liste électorale

Pendant que la constitutionnalité ou non de la convocation du corps électoral fait débat au sein de la classe politique, le 16 janvier 2019, le Conseil d’orientation et de supervision de la Liste Electorale Permanente Informatisée (COS-LEPI) a rendu publique les statistique du fichier électoral. 4.992.399 électeurs inscrits seront donc appelés aux urnes le 28 avril dans 14.079 postes de vote répartis 7.909 centres de vote. Contrairement aux années antérieures, le fichier électoral n’a pas fait l’objet de contestation par les acteurs politiques.

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Mais l’une des particularités du scrutin législatif du 28 avril 2019, c’est que le COS-LEPI n’a pas confectionné de carte à tous les électeurs inscrits au fichier électoral. Seuls les nouveaux majeurs, les électeurs en quête de duplicata et ceux ayant changé de domicile ont eu droit à la confection de nouvelles cartes. A cet effet, les cartes d’électeurs éditées en 2011 et en 2016 sont autorisées pour le scrutin du 28 avril. Saisie d’une requête, la Cour constitutionnelle a ordonné la redistribution des cartes d’électeurs non retirées en 2016. Une décision qui n’a pas eu un écho favorable dans le rang les opposants qui ont dénoncé une manœuvre de fraude.

Les opérations de distribution des cartes d’électeurs confectionnées ont quant à elles connu très peu d’affluence. Initialement prévue du 06 au 16 avril 2019, la période de retrait a été prorogée au 21 avril 2019. En dépit de ce délai supplémentaire, le taux de retrait des cartes est demeuré faible.

L’organisation des élections

Le budget alloué à la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) est le premier point de l’organisation du scrutin de 28 avril qui a retenu toutes les attentions. Sur un montant total de 5,5 milliards de francs cfa sollicités, c’est 3,9 milliards de francs cfa qui vont être d’abord mis à la disposition de la CENA. Ce qui a d’ailleurs fait réagir son président Emmanuel Tiando face à la Commission budgétaire de l’Assemblée nationale. Mais au final, les 5,5 milliards de francs cfa ont été mis à la disposition de l’institution pour l’organisation du scrutin.

Outre le budget de la CENA, la désignation, le 12 avril 2019, des Coordonnateurs d’Arrondissements et de leurs assistants, une semaine plus tard, a été au cœur de l’actualité relative à l’organisation du scrutin du 28 avril. Premiers représentants de la CENA sur le terrain, les Coordonnateurs d’Arrondissement et leurs assistants sont principalement chargés de la supervision ainsi que de l’organisation du scrutin au plan local. Installés dans leur fonction à 5 jours du scrutin, ils ont reçu mandat de veiller au bon déroulement du scrutin du 28 avril.

Le dépôt des candidatures

Selon le calendrier électoral, la réception et l’enregistrement des déclarations de candidatures pour les élections législatives du 28 avril sont prévues du 21 au 26 février 2019. La contrainte du certificat de conformité imposée aux partis politiques par le juge constitutionnel a suscité la polémique dans la classe politique. En effet, depuis la décision du juge constitutionnel, les formations politiques disposent d’un délai de 20 jours pour obtenir auprès du ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique leur certificat de conformité. Mais par contre, le juge constitutionnel n’a pas soumis le ministère de l’Intérieur à des délais pour la délivrance dudit certificat aux partis politiques.

Outre la contrainte du certificat de conformité, les candidats aux législatives du 28 avril 2019 ont été également confrontés aux difficultés d’obtention du quitus fiscal, l’une des nouvelles exigences du Code électoral. Plusieurs candidats de l’opposition ont dénoncé non seulement la complexité du processus d’obtention du quitus fiscal mais aussi le retard accusé par l’administration fiscale pour sa délivrance.

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Au soir du 26 février 2019,  la CENA a reçu sept (07) listes de candidats au scrutin du 28 avril. Il s’agit des listes de l’Union progressiste (UP), du Bloc Républicain (BR), des Forces cauris pour le développement du Bénin (FCDB), de l’Union sociale libérale (USL), le Parti du renouveau démocratique (PRD), du Mouvement des élites engagées pour l’émancipation du Bénin… (Moele-Bénin), Union démocratique pour un Bénin nouveau (UDBN).

Des sept (07) candidatures déclarées seules deux (02) listes ont été validées par la CENA. Il s’agit des listes de l’Union progressiste et du Bloc Républicain. Des listes qui ont la particularité d’appartenir à la majorité présidentielle. Aucune liste de l’opposition n’a été qualifiée pour participer aux élections. Lors d’une conférence de presse, le président de la CENA a indiqué que de nombreuses irrégularités ont été notées dans la déclaration de candidature des partis de l’opposition. Quant à la déclaration de candidature des partis de la mouvance, il dit avoir noté des irrégularités mineures.

Selon la mission d’observation de l’Union Africaine, la mise en œuvre de certaines dispositions notamment le certificat de conformité, le cautionnement fixé à 249 millions de fcfa et l’application du quitus fiscal a une incidence sur le caractère inclusif et compétitif du scrutin du 28 avril 2019.

L’impasse électorale

Le scrutin législatif du 28 avril 2019 au Bénin est marqué par la non-participation, pour la première fois dans l’histoire démocratique du pays, des partis politiques de l’opposition. Une situation qui résulte non seulement de l’application des nouvelles dispositions de la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant Charte des partis politiques en République du Bénin, et de la loi n° 2018-31 du 09 octobre 2018 portant Code électoral, mais aussi de la décision du juge constitutionnel relative au certificat de conformité des partis politiques.

Une situation qui a plongé le pays dans une impasse électorale sans précédent. Pour plusieurs acteurs de l’opposition, l’application de la Charte des partis politiques par l’obligation faite au parti d’obtenir un certificat de conformité avant de participer au scrutin témoigne de la volonté délibérée du pouvoir de les écarter des élections. Certains observateurs estiment pour leur part que le certificat de conformité qui n’est pas prévu par le Code électoral va à l’encontre du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui proscrit aux Etats membres de modifier les règles électorales dans les six (6) mois qui précèdent les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques.

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Face à l’impasse électorale, plusieurs initiatives de médiation ont été entreprises pour rapprocher les positions politiques divergentes pour une sortie de crise. Des missions de bons offices de la CEDEAO, des Nations Unies à travers son Bureau pour l’Afrique de l’Ouest et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ont été dépêchées à Cotonou. Des échanges, qui sont avérées infructueuses, ont été organisées avec les acteurs politiques de la mouvance comme de l’opposition, la société civile, les présidents des institutions de la République ainsi que les responsables de la CENA.

Après sa rencontre avec tous les acteurs de la classe politique, le chef de l’Etat, Patrice Talon, a mandaté le président de l’Assemblée nationale pour trouver une issue législative à la crise. Une mission rendue impossible par la majorité parlementaire qui a exigé la modification de l’article 80 de la Constitution pour prolonger le mandat des députés le temps pour les partis politiques de se conformer aux dispositions de la loi portant Charte des partis politiques en République du Bénin.

Face à cette situation, la société civile a appelé le chef de l’Etat à user d’une ordonnance, une prérogative de dernier ressort que lui confère la Constitution, pour une sortie de crise. Un appel qui restera lettre morte. Lors d’une émission à la télévision nationale, le président Talon a écarté la prise d’une ordonnance dans le cadre du processus électoral en invoquant la nécessité de respecter l’Etat de droit et les lois en vigueur. Une position perçue comme un manque de volonté politique du chef de l’Exécutif pour une sortie de l’impasse électorale.

La poursuite du processus électoral malgré tout

Après l’échec des négociations pour une sortie de crise au Parlement, le chef de l’Etat a consulté les présidents d’Institutions de la République. Il ressort de cette consultation que le processus électoral doit se poursuivre pour la tenue à bonne date du scrutin. Dans un communiqué, les présidents des Institutions ont souligné que l’Assemblée nationale chargée de trouver une issue à la crise a visiblement échoué dans sa mission. « Le constat est établi que l’Assemblée nationale n’a pu obtenir le consensus nécessaire à la modification de la législation en vigueur sur la charte des partis politiques et le code électoral », ont-ils fait observer dans leur communiqué.

Mais selon une investigation publiée par la rédaction de Bénin Web Tv, contrairement au contenu de ce communiqué, les présidents d’Institutions notamment le président de la Cour suprême, le président de l’Assemblée nationale, le président du Conseil économique et social, le médiateur de la République, le président de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication et le président de la CENA ont plaidé auprès du président de la République pour une issue consensuelle de la crise afin de permettre l’organisation d’une élection inclusive. Une plaidoirie qui aurait suscité la furie du chef de l’Etat.

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Réunis en Conseil des ministres le 03 avril 2019, le Gouvernement béninois, en se basant sur les conclusions contenues dans le communiqué des présidents des Institutions de la République a décidé de la poursuite du processus électoral. Il a également instruit les structures concernées aux fins de prendre toutes les dispositions nécessaires pour la tenue à bonne date des élections législatives du 28 avril 2019.

La campagne électorale sous fond de tension

La campagne électorale est ouverte le 12 avril 2019 dans un contexte de crise politique marquée par des mouvements d’humeur à certains endroits du pays par des militants de l’opposition qui se sont sentis exclus du processus électoral. Une situation qui semble avoir crispé la fièvre électorale. Dans plusieurs villes du pays, des affiches de campagne des partis en lice ont été vandalisées. Des patrouilles régulières de la police et la présence des charts dans certaines villes du pays ont pu permettre aux candidats en compétition de battre campagne.

Pendant ce temps, l’opposition dans son ensemble appel au boycott du scrutin et à la résistance face au pouvoir Talon. L’ancien siège du parti de la Renaissance du Bénin a été à cet effet baptisé le siège de la Résistance. Mais pour des raisons de maintien de l’ordre public, la police a investi les lieux. Des affiches d’appel à la résistance auraient été saisies par les forces de l’ordre. Une permanence policière est assurée devant ledit siège pour dissuader toutes initiatives de trouble à l’ordre public.

Dans son rapport, la mission d’observation de l’Union Africaine a noté que tous les acteurs sociopolitiques s’accordent à reconnaître que l’ambiance a été moins festive que par le passé. Ceci s’expliquerait soit par le nombre réduit de listes en compétition appartenant à la majorité présidentielle soit par les menaces proférées par certains partis politiques.

Un scrutin « bénin »

Le scrutin législatif du 28 avril 2019 restera gravé dans les annales de la démocratie béninoise. Malgré les controverses çà et là, le scrutin s’est déroulé conformément au calendrier électoral défini par la CENA. Dans plusieurs localités du pays notamment dans le Nord, des actes de vandalisme du matériel électoral et des violences ont été enregistrés, ce qui a empêché l’ouverture de bureaux de votes dans ces localités. Selon plusieurs observateurs, les violences auraient fait deux morts le jour du scrutin. Mais cette information a été démentie par le Gouvernement qui est tout de même resté muet jusqu’à présent sur les raisons de la coupure de la connexion Internet dans le pays le jour du scrutin.

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Le scrutin du 28 avril est également marqué par le taux de participation historiquement faible. Depuis l’avènement du renouveau démocratique, le Bénin n’a jamais enregistré un taux de participation en dessous de 50%. Selon la plateforme électorale des organisations de la société civile, le taux de participation au scrutin du 28 avril est d’environ 22%. Un taux confirmé par la CENA qui avance un chiffre de 22,99%. Ce taux sera revu à 27,1% par la Cour constitutionnelle. Pour les acteurs de l’opposition, le taux de participation est en dessous de 10% avec un nombre très élevé de bulletins nuls. Cette contestation n’a pas pu empêcher l’attribution des 83 sièges du Parlement aux candidats en lice : 47 sièges pour l’Union progressistes et 36 pour le Bloc Républicain.

  • Une situation post-électorale critique

Le boycott massif des législatives du 28 avril 2019 n’a pas laissé indifférents les leaders de l’opposition béninoise. Au lendemain de ce qu’ils ont appelé « un cinglant désaveu » pour le pouvoir, ces derniers ont, à la faveur d’une sortie médiatique tenue au siège de la « Résistance », remercié les Béninois pour s’être restés chez eux. Ils ont également dénoncé ce scrutin qui, selon eux, est « illégitime et illégal ».

Par ailleurs, ils ont appelé le peuple à prendre ses responsabilités si le scrutin n’est pas annulé, ceci, afin de sauver la démocratie béninoise qui serait en danger depuis l’avènement du régime Talon. « Ça ne se passera pas ici. Talon marchera sur notre corps », avait furieusement lancé l’ancien chef de l’Etat, Boni Yayi.

Comme on pouvait s’y attendre, cette sortie médiatique des figures de proue de l’opposition a suscité une vive réaction dans le camp au pouvoir. Certains thuriféraires du chef de l’Etat sont vite montés au créneau pour dénoncer et condamner non seulement cette sortie de l’opposition mais aussi et surtout les propos du prédécesseur du Président Patrice Talon.

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D’autres en ont même appelé à l’interpellation de Boni Yayi au regard de ses propos jugés « gravissimes » dans un contexte post-électoral très tendu caractérisé par l’absence de l’opposition aux dernières législatives. Mieux, les anciens présidents de l’Assemblée Nationale tous proches du pouvoir ont, dans la journée du mardi 30 avril 2019, fait une sortie pour appeler l’opposition notamment les anciens chefs de l’Etat, Nicéphore Soglo et Boni Yayi à préserver la paix.

Des violences post-électorales

Depuis le renouveau démocratique, le Bénin n’avait jamais tant été éprouvé par une crise post-électorale comme celle des législatives du 28 avril. Même le fameux K.O de 2011 de l’ancien président Boni Yayi n’avait connu autant de violences. En effet, les mercredi 1er et jeudi 02 mai 2019  furent des journées toutes particulières pour les béninois. Sans nul doute, ils ne l’oublieront jamais. On se croirait en Côte d’Ivoire, au Congo ou dans d’autres pays où les élections sont souvent soldées par des violences.

Suite à une supposée tentative d’arrestation de l’ancien chef d’Etat Boni Yayi le 1er mai 2019, les populations se sont massivement mobilisées à Cadjèhoun (Cotonou) pour s’y opposer. Ainsi, la capitale économique du Bénin était devenue le théâtre de vives altercations entre forces de l’ordre et les centaines de manifestants venus exprimer leur soutien à Boni Yayi.

Situation confuse à Cotonou ce 01 mai 2019

Au regard de la sensibilité du dossier, le ministre de l’Intérieur Sacca Lafia est vite monté au créneau pour donner les raisons de cette incursion jugée « brutale » par les proches de l’ancien Président.  Il ressort de son intervention que les rumeurs de l’arrestation de l’ancien chef de l’État étaient une « fausse information », et que la police avait été déployée pour disperser une manifestation non autorisée.

Dans la partie septentrionale notamment à Kandi, la nuit du 1er au 02 mai a été également toute particulière. Des manifestants ont brûlé l’usine de la société de développement du coton (SODECO), ex-CCB de même que la résidence du chef d’usine, causant ainsi d’énormes dégâts matériels et un jeune homme aurait succombé.

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A Cotonou, les violences ont repris, le 02 mai, dès la matinée et après des heures de face-à-face, les forces de l’ordre ont délogé par des tirs d’armes automatiques les manifestants. Le ministre de l’intérieur, Sacca Lafia a reconnu que certains éléments des forces de sécurité n’ont pas respecté la consigne donnée, celle de ne pas faire usage d’armes létales sans toutefois manquer de promettre une enquête et des sanctions à l’endroit de ces agents.

Le dispositif sécuritaire mis en place a contraint les manifestants à rebrousser chemin. Ainsi, le calme est revenu, jeudi soir, dans la capitale économique du Bénin pendant que la Cour constitutionnelle donnait les résultats définitifs des élections législatives. A noter que plusieurs personnes ont été interpellées et déposées à la maison d’arrêt de Cotonou en attendant d’être fixés sur leur sort dans les tout prochaines semaines.

Vagues d’indignation et de condamnation des violences

Le bilan de ces deux jours de manifestation est très lourd. On dénombre plusieurs morts et d’importants dégâts matériels. Lors d’une sortie médiatique, vendredi dernier, les forces politiques de l’opposition ont annoncé neuf civils morts, de nombreux blessés graves admis aux urgences du Centre national hospitalier et universitaire (CNHU) de Cotonou. Au cours de cette sortie, ils ont balayé d’un revers de main les allégations de la hiérarchie policière faisant état d’un attroupement au niveau du domicile de l’ancien chef de l’Etat, Boni Yayi.

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« Nous nous sommes donc dépêchés sur les lieux pour mieux comprendre la situation qui prévalait. Une fois sur place, contrairement aux déclarations des autorités de la police républicaine, il n’y avait aucun attroupement en dehors des curieux debout de l’autre côté de l’artère principale et suivant médusés la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Aucune manifestation de l’opposition n’était prévue à cette date », avaient-ils expliqué. Tout en condamnant ces actes, l’opposition à Patrice Talon avait aussi réclamé une enquête sur la mort des civils décédés sous la supervision des organismes internationaux.

Ces actes de violence post-électorale ont également suscité une vague d’indignation dans le rang des organisations internationales intervenant au Bénin, des confessions religieuses sans oublier les associations de défense des droits de l’homme. Elles ont toutes condamné ces violences et ont appelé à la retenue et à la préservation de la paix. Les Etats Unis, la France, l’organisation des Nations Unies (ONU), l’Union Africaine et bien d’autres ont déploré les violences électorales et les tueries enregistrées lors des affrontements.

La situation au Bénin avait donc attiré l’attention de toute la communauté internationale. Les médias internationaux en ont fait leur chou gras et le Bénin était présenté à la face du monde comme un pays où la démocratie aurait laissé place à la dictature.

Que faire ?

Devant les représentations diplomatiques accréditées au Bénin, Aurélien Agbénonci, ministre béninois des Affaires étrangères et de la coopération, s’est voilé la face en affirmant que le Bénin n’est pas en crise. Mais curieusement, lui et son collègue de l’Intérieur et de la sécurité publique, Sacca Lafia, ont été dépêchés par le chef de l’Etat, Patrice Talon, à Brazzaville auprès du président Dénis Sassou N’Guesso pour prendre conseils en vue de faire face à la situation politique qui prévaut au Bénin.

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Aujourd’hui, tout porte à croire que la situation arrange certaines personnes dans les deux camps. Sinon comment comprendre que pendant que certains jouent la carte de l’apaisement, d’autres par contre continuent d’attiser davantage le feu par des messages et des propos qui sont de nature à envenimer la situation.

« Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit ». La preuve, les personnes qui ont perdu leurs vies lors des violences sont de pauvres citoyens à l’image de dame Prudence Vihoutou tuée à Cotonou alors que, selon ses proches, serait allée à la recherche de sa fille, perdue dans la foule. Il urge donc, pour éviter à l’avenir de telle situation, que les acteurs politiques trouvent une solution pacifique aux différends afin que le Bénin puisse redorer son image de pays de démocratie et de stabilité.

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