Endettement du Bénin par l’émission d’Euro-bond: quand le FMI répond à Casimir Kpédjo

« Quid du taux d’endettement du Bénin ? Le Bénin a émis un euro-bond de 500 millions d’euros. Est-ce une bonne opération ? ». Ces questions posées au Chef de mission du FMI pour le Bénin lors de son point de presse conjoint avec le ministre des Finances ne sont pas anodines. Du moins, elles s’apparentent à une réponse au journaliste Casimir Kpédjo dont l’arrestation pour ses publications sur l’endettement du Bénin par l’émission d’euro-bond a choqué le gouvernement béninois et certains au plan international.

Le 18 avril 2019, suite à une plainte de l’agent judiciaire du Trésor, l’Office centrale de répression de la cybercriminalité (Ocrc) a procédé à l’interpellation du journaliste Casimir Kpédjo, Directeur de publication du journal « Nouvelle Economie ». Selon son avocat, il est reproché au journaliste des publications de « fausses informations » sur l’économie béninoise sur la page Facebook de son journal et d’autres structures en ligne. Des publications qui, en réalité, portent sur l’émission de 500 millions d’euro-bond (soit environ 328 milliards de francs cfa) par le Trésor public béninois.

Dans sa publication, le journaliste Casimir Kpédjo a, entre autres, fait observer que cet endettement du Bénin sur le marché financier européen est contraire aux dispositions de la loi des finances exercice 2019 qui prévoit un niveau d’endettement de 40 milliards de francs cfa. Sans apporter un démenti formel aux publications du journaliste encore moins user du droit de réponse conformément aux dispositions de la loi portant Code de l’information en République du Bénin, l’Agent judiciaire du Trésor a préféré mettre la justice aux trousses du journaliste.

[su_heading size= »17″]A lire aussi : Bénin : placé en garde à vue, ce qui est reproché au journaliste Casimir Kpédjo[/su_heading]

Arrêté à son domicile dans des conditions qui ne sont pas éloignées de la violation des droits humains, Casimir Kpédjo a passé 5 jours en garde à vue, toujours dans des conditions déplorables, avant d’être remis en liberté, sous convocation, par le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Une situation qui a suscité de vives réactions dans l’opinion publique nationale et internationale au point de porter un coup à la liberté de presse dans le pays. Provoquer des explications d’un expert du FMI sur l’endettement du pays par l’émission d’euro-bond apparaît donc comme une réponse de la communication gouvernementale aux publications du journaliste.

Les répondes de Luc Eyraud, Chef de mission du FMI pour le Bénin (Verbatim)

Quid du taux d’endettement du Bénin ?

Nous, ce qu’on observe dans notre analyse, c’est que la dette va (on part de PIB) diminuer en 2019. Donc c’est une bonne nouvelle. Elle diminue alors qu’il y a cette mission de cet euro-bond qui est de 500 millions d’euros. On a aussi fait dans le cadre de notre rapport, une analyse de la viabilité de la dette qu’on fait dans tous les pays et qu’on fait régulièrement, et l’analyse de la viabilité de la dette montre que le Bénin a un risque modéré sur sa dette alors que beaucoup de pays en Afrique et même des voisins du Bénin sont évalués avec un risque élevé. Donc ça c’est notre analyse générale.

[su_heading size= »17″]A lire aussi : Finance : l’échec cuisant du Bénin sur le marché financier ouest africain[/su_heading]

Le Bénin a émis un euro-bond de 500 millions d’euros. Est-ce une bonne opération ?

Le Bénin a fait sa grande entrée sur les marchés internationaux avec cet euro-bond de 500 millions d’euros. C’est un montant très important. Je pense que de notre analyse c’était une bonne affaire pour le Bénin par deux aspects : d’abord le taux d’intérêt qui est le coût de la dette était inférieur aux taux d’intérêt auxquels le Bénin emprunte généralement sur les marchés régionaux, et deuxièmement cette dette avait une maturité plus longue ; l’euro-bond à une maturité plus longue ça veut dire que c’est un prêt qui a une durée plus longue. Donc on a emprunté moins cher et plus long ce qui est une bonne nouvelle pour les finances publiques.

Evidemment, cet accès aux marchés internationaux nouveaux du Bénin va créer de nouveaux défis en particulier il va exposer le Bénin aux conditions financières internationales et aux chocs extérieurs. Mais, il me semble que le ministère des Finances et notamment l’agence de gestion de la dette est très bien équipé pour répondre à ses défis du fait d’une gestion proactive et modernisée de la dette béninoise.

Et pour faire avaler la pilule…

« Des conclusions que nous venons d’entendre sont la preuve que nous sommes dans la bonne direction. Nous avons la preuve que la gouvernance économique du pays est bonne, nous avons surtout la preuve que le Bénin a retrouvé le rang des pays crédibles. » a déclaré le ministre béninois des finances Romuald Wadagni, juste après (et sans transition) les explications de l’expert du FMI dans une vidéo diffusée par la communication gouvernementale.

Mais cette déclaration du ministre Wadagni en forme de bénédiction finale à la messe dite par l’expert du FMI est loin de dissiper les craintes soulevées par le journaliste Casimir Kpédjo dans ses publications. La communication gouvernementale devra donc mieux faire pour convaincre. C’est peut être là aussi l’un des défis créés par l’« accès du Bénin aux marchés financiers internationaux ».

Les commentaires sont fermés.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus