Bénin: des agricultrices s’affranchissent pour un développement communautaire

La situation socioprofessionnelle des béninoises reste toujours préoccupante. Pour une femme rurale, le calvaire est encore plus lourd à supporter. Au Bénin, les femmes représentent 51.2% de la population totale avec un taux de 52% en milieu rural selon le dernier recensement général de la population. Elles sont nombreuses à contribuer au développement du pays avec leurs activités génératrices de revenus surtout dans l’agriculture. En attendant une meilleure politique les concernant, des initiatives communautaires sont nées pour des actions palliatives.

Le Bénin, à l’instar des autres pays de l’Afrique subsaharienne, est un pays où l’activité dominante est l’agriculture. Sources majeures de la croissance économique, les activités agricoles participent au Produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 42% et constitue la principale activité génératrice de revenus. Si les regards, jadis, ne portaient que sur les hommes dans ce secteur agricole dans les zones rurales, l’évolution des réalités sociologiques permet aujourd’hui de retrouver dans les champs, de plus en plus de femmes. Ces agricultrices se battent en travaillant la terre et en militant dans des associations et groupements féminins ayant à cœur leur promotion et leur épanouissement socioprofessionnel.

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Henriette Padonou est la représentante des femmes maraîchères de la commune de Sèmè-Podji située entre les villes de Porto-Novo et Cotonou. A quarante-deux (42) ans, elle mène ses activités maraîchères sur un domaine de trois (3) hectares au bord de la RN1 à hauteur du PK16. Rencontrée dans son « jardin », Henriette confie ne pas se plaindre de l’évolution de ses activités depuis son installation sur le site. « Je me suis installée ici depuis 2011 avec un petit espace agricole. Aujourd’hui, je dispose de trois (3) hectares et j’ai réalisé plusieurs de mes rêves surtout concernant mes enfants », a –t-elle débuté. Dans ses propos, elle est désormais financièrement autonome. Ceci, non seulement grâce à ses activités maraîchères, mais également grâce à l’association des femmes de la commune qui a institué une mutuelle dédiée uniquement à l’achat du matériel adéquat pour plus de rentabilité dans le travail abattu.

« Chaque semaine, nous cotisons de l’argent. Le montant collecté sert à payer du matériel aux membres pour plus de facilité dans l’exercice de nos activités maraîchères. Plus vous avez des outils modernes et en bonne forme, plus vous allez accroître votre rendement et votre chiffre d’affaire augmente inévitablement », nous a témoigné Henriette.

Grâce donc à cette mutuelle, elle a pu scolariser ses quatre (4) enfants tout en payant régulièrement leur frais de scolarité depuis six (6) ans maintenant. Une telle initiative féminine lui a permis d’être à l’abri du besoin et de ne plus vivre sur le dos de son mari, un chauffeur taxi.

 Et la femme béninoise s’est affranchie…

Il est de notoriété de tous que la femme rurale béninoise est un maillon très important dans la chaîne de production de la richesse. Au-delà des autres tâches à elle dévolues, elle joue un rôle crucial dans la production agricole. La femme, jadis, dans la société béninoise, constituait la main d’œuvre agricole considérable, soit 90% selon le rapport produit par l’institut de recherche agricole. Pendant tout ce temps, elle était exploitée comme ouvrière et n’avait pas le droit de disposer même de ses propres terres cultivables. Du moment où elle est exclue de l’héritage de sa famille et même de son époux, elle était contrainte à ne faire que la volonté des hommes. Mais aujourd’hui, elle s’affirme, s’affiche et pourra aisément mener ses activités autant que possible pour en tirer des profits.

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A la sortie de la commune de Sèmè-Podji du côté de la ville capitale, Porto-Novo, Eugénie, présidente de l’association « Mihalodo » se retrouve en face d’une trentaine de femmes pour leur regroupement mensuel. Cette association a été créée, selon ses dires, pour doter les agricultrices de terres et d’équipements agricoles nécessaires pour leur travail. « Ce qui est exigé avant le ramassage de la tontine de l’association « Mihalodo », c’est qu’il faut clairement définir ce à quoi devrait servir le montant à ramasser », a précisé Eugénie Assogba. L’initiative, poursuit-elle, a déjà permis à beaucoup de femmes de disposer de terres cultivables et les témoignages sont légions.

Aussi, l’Etat central a-t-il pensé, mesurant l’immensité des tâches qu’elle abat dans ce domaine agricole, à un arsenal juridique conférant à celle-ci, des droits au même titre que l’homme. La loi N° 2013-01 portant Code foncier et domanial en République du Bénin  spécifie en son article 6 que l’Etat doit « assurer un accès équitable aux terres pour l’ensemble des acteurs, personnes physiques et personnes morales de droit public et de droit privé ». Cette loi donne à la femme, depuis son adoption, sa promulgation et son entrée en vigueur, les mêmes droits que l’homme et elle pourrait bénéficier des titres de propriété par voie successorale, par donation, achat, testament ou échange. Cette loi sur le code foncier en République du Bénin est le renforcement de la loi N° 2002 – 07 du 14 juin 2004 portant Code des personnes et de la famille. Ce qui était impossible il y a quelques années est donc désormais réglementé.

Se basant sur cet arsenal juridique, l’Association des femmes agricultrices du Bénin (Anaf) a initié des séances de sensibilisation, de formation. Ces rencontres ont permis la vulgarisation des textes au sein des différentes associations régionales de la structure. Ce qui a permis également à la femme agricultrice de se sentir désormais concernée et surtout se rassurer de ce que « la terre, non seulement lui appartient, mais doit être sécurisée pour la concrétisation de son projet agricole ». « Une fois que la femme dispose de son espace cultivable, il faut la sécuriser afin qu’elle investisse sur cela pour la rentabilité de ses productions. Et à l’Anaf, c’est le combat que nous menons depuis que cet arsenal juridique a été mis en place par l’Etat », a confié Louise Aylara, présidente de l’Anaf.

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« Non seulement, nous aidons les femmes membres de notre association à acquérir des parcelles, mais nous œuvrons pour les papiers administratifs afin qu’elles jouissent pleinement de leur domaine. In fine, nous suivons aussi chaque membre dans ses activités et les formations que nous initions ou que bénéficient les membres permettent également de disposer d’un background adéquat en la matière pour plus de productivité étant donné qu’il faut aussi miser, impérativement, sur le capital humain », a signalé Eugénie Assogba, présidente de l’association « Mihalodo ».

En plus, comme le relève le rapport de la banque mondiale intitulé « Mieux établir les droits fonciers des femmes et des hommes dans les zones rurales au Bénin », il ressort des premiers résultats « qu’améliorer la sécurité foncière en délimitant les terres a pour effet d’accroître les investissements de long terme et d’éponger les disparités entre hommes et femmes au regard de la mise en jachère des terres ».

Un palliatif aux crédits bancaires

Cette initiative de développement communautaire de l’association « Mihalodo » est la résultante de ce que les banques n’octroient pas souvent, comme la femme rurale béninoise l’aurait souhaité, de crédits pour des activités agricoles surtout quand c’est le début. Ces genres de mutuelles sont donc des alternatives crédibles ayant permis la concrétisation des rêves de ces femmes qui ont une passion pour la terre et ses merveilles. Il est de notoriété de tous aujourd’hui que la grande difficulté pour l’éclosion des entreprises au Bénin est l’accès au financement et au crédit. « Comment finance-t-on l’économie dans un contexte comme celui du Bénin où l’informel occupe une place importante et où le coût du crédit est particulièrement élevé ? » s’est interrogé Lionel Zinsou, initiateur de banque d’affaires Southbridge.

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En attendant une bonne politique bancaire, un accompagnement adéquat par le pouvoir central ou décentralisé, des initiatives de ces femmes, dans les différents secteurs doivent être encouragées et soutenues. Et comme le dit cet adage populaire au Bénin, « la terre ne ment jamais ».

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