Bénin: Sacca Lafia et l’opposition réveillent les vieux démons

Le Bénin n’est pas encore sorti de l’auberge, est-on tenté de dire. Au regard des derniers développements de l’actualité nationale, il y a bien de raisons d’avoir des craintes pour la suite des événements. Le ministre de l’intérieur d’un côté et les partis d’opposition de l’autre. Tous s’affairent visiblement pour l’envenimation de la situation à la limite chaotique.

La paix n’est pas un vain mot mais un comportement, avait enseigné feu Félix Houphouet-Boigny. Mais tout semble bien le contraire au Bénin. Depuis le début des intrigues politiques à la veille des élections législatives, plusieurs personnalités se sont mises dans la danse pour permettre l’inclusion des partis de l’opposition. Hélas, le chef de l’Etat, au cours d’une de ses sorties médiatiques, a clamé publiquement et la main sur le cœur, qu’il est prêt à porter le chapeau de l’exclusion. Ce fut le 11 avril 2019. Les opposants ont incanté « pas d’élection sans opposition ». Et pourtant, les élections ont eu lieu. Le parlement monolithique est installé. L’opposition a vu certains de ses barrons fuir le pays par les voies les plus intrigues. Les militants et sympathisants des partis exclus des législatives, confondus aux drogués (ministre de la santé lors d’une déclaration de presse) croupissent depuis des mois en geôle. D’autres ont fait le sacrifice suprême dans des heurts post-électoraux. Le face à face militaires-populations a fait des dégâts humains considérables.

Patrice Talon, sous la pression  de ses pairs, certainement après la tournée africaine de ses émissaires, a changé de version. Le 20 mai, alors qu’il appréciait les joutes électorales, il n’était visiblement plus apte à arborer le chapeau des événements douloureux qui ont marqué ce tournant de l’histoire démocratique béninoise. Le chef de l’Etat s’est montré favorable à un dialogue franc, direct et sincère avec la classe politique pour, doit-on comprendre, conjurer le mal. C’est dans cette atmosphère que, visiblement décidé à concrétiser ses desseins, Patrice Talon convoque les partis n’ayant plus une personnalité juridique à son bureau. Certains, la majorité d’ailleurs, ont répondu favorablement. Même s’ils expriment leur déception après avoir pris langue avec le locataire de la Marina.

La pomme de discorde…

Patrice Talon, au cours de la rencontre de la Marina, aurait donné des instructions fermes à l’effet de délivrer des certificats de conformité ou les récépissés définitifs à chaque parti selon le cas. Mais très tôt, ces instructions, à moins d’être des farces et attrapes, ont été balayées du revers de la main par le ministre de l’intérieur. Il y a des conditions bien corsées à remplir pour se faire délivrer l’acte d’existence. Les prémices d’une plomberie du dialogue tant prôné par le chef de l’Exécutif refont donc surface. Quand on sait que l’une des raisons pour lesquelles certains partis politiques dont l’Union sociale libérale avaient été exclus de la compétition électorale était l’éjection du financier en chef du parti, il est incompréhensible qu’en voulant résorber la crise, l’on se mette à remuer le couteau dans la plaie.

Présumé innocent ou présumé coupable ?

Les partis d’opposition n’entendent pas céder aux instructions de Sacca Lafia, ministre de l’intérieur et de la sécurité publique. Pour eux et au regard du code de procédure pénale en vigueur, un présumé innocent n’est pas encore condamné. Partant, il ne peut donc être exclu des instances d’un parti politique. Encore que la loi n’exclut que les condamnés. Mieux, certains responsables de formations politiques condamnés au Bénin ont été disculpés par une cour africaine. Ce qui voudra signifier, selon certains avocats et praticiens de droits, que la décision béninoise est nulle et non avenue.

Cependant, le ministre de l’intérieur n’entend pas les choses de cette façon. Il tient à l’exclusion des figures de prou de ces partis, la présidentielle 2021 obligerait. Mais dans ces conditions, le dialogue ne pouvant se tenir, la crise sera davantage crispée et le diable toujours aux portes béninoises. Certainement que le chef de l’Etat, seul responsable à rendre compte des actes posés par ses collaborateurs sous sa mandature, prendra ses responsabilités pour une issue favorable. Autrement, comme le dira Sai Maa « aucune paix n’est possible tant qu’il y a en vous des luttes, des tensions, de la peur. Comment peut-il avoir la paix sur terre si c’est la guerre en vous? ».

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