Bénin : famille monoparentale, le calvaire des mères célibataires

La vie conjugale et l’éducation des progénitures vont souvent de pair. La norme sociétale qui voudrait la présence au foyer du papa et de la maman pour une éducation adéquate des enfants n’est plus trop respectée aujourd’hui. De plus en plus naissent au Bénin des foyers monoparentaux avec toutes les difficultés qu’ils comportent.

« Je suis divorcée et je vis avec mes deux enfants que j’éduque seule ». Cette phrase, on l’entend de plus en plus au Bénin plus précisément dans la partie méridionale. La civilisation d’antan qui préconisait un mariage et une vie de couple pour une meilleure éducation des descendants perd à petit feu ses vraies valeurs. Une immersion dans la vie quotidienne de ces parents célibataires, surtout des mères, a permis de comprendre leur calvaire et surtout les mobiles de leur séparation conjugale.

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Dans la civilisation et suivant les dispositions traditionnelles qui ont cours au Bénin, les deux prétendants à la vie conjugale qui sont les initiateurs au plan individuel, sont consacrés par les deux grandes familles dont ils proviennent à travers la célébration du mariage dans les sphères à la fois religieuse, coutumière et juridique. La célébration du mariage qui consacre la vie s3xuelle institutionnalisée des deux individus dépasse alors ces derniers pour faire engager la responsabilité des deux familles dans la pérennisation et la cohésion de cette petite famille qui reste ainsi une unité de la grande famille de part et d’autre de la famille de provenance de chacun d’eux. Cette stratégie a contribué, entre autres, à la longévité des familles pour des décennies de vie conjugale où seul le décès modifiait la structuration familiale dans son essence.

Mais aujourd’hui, la manière dont le mariage est consacré, dont l’union est faite entre la femme et l’homme ouvre la voie à beaucoup de « dérives » qui finissent sur une séparation du couple. En dehors des papas qui se retrouvent seuls avec leurs enfants, ils sont des milliers de mères célibataires qui ont sous leurs bras leurs enfants pour leur éducation et leur « survie ». Félicité est une quadragénaire, célibataire et mère de deux enfants dans le 2ème arrondissement de Cotonou. Avec ses revenus de boutiquière, elle s’occupe de ses enfants et tente de leur donner une « meilleure » éducation. Tout comme elle, Romaine, Sèdami, Myriam et près d’une dizaine de mères célibataires que nous avons interrogées sur le sujet, nous ont confié que la vie est bien loin d’être rose quand on se retrouve dans une situation du genre.

Forte probabilité de l’abandon d’une grossesse

Sèdami a rencontré son partenaire sur Facebook, un des réseaux sociaux en vogue depuis une décennie. Dans son histoire, elle raconte qu’après les échanges virtuels, le premier rendez-vous physique s’est tenu à la place des martyrs de Cotonou un samedi aux environs de 17h. « Ce contact visuel a plus activé la flamme sentimentale qui brûlait en moi et je n’ai pas hésité un instant à aller au lit avec lui, deux semaines plus tard. Mais ce fut un geste décisif et qui a changé, pour toujours, ma vie maintenant », confie Sèdami avec un sentiment de regret. Sur son canapé, dans un salon sis à Fidjrossè, Cotonou, elle regarde ses deux enfants sur une photo qu’elle a soigneusement fixée au mur du salon. « Pour l’heure, ils sont à l’école et reviendront dans la soirée », a-t-elle rassuré à la question de la présence ou non de ses enfants à ses côtés.

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En réalité, Sèdami s’est retrouvée dans une relation conjugale sans engagement puisque les étapes d’un mariage légalement constitué n’ont pas été respectées. Suivant ses propos, son partenaire l’a quitté à la survenance de la seconde grossesse en 2015. « D’ailleurs, on n’a jamais été ensemble puisqu’il a toujours vécu avec sa femme. Il venait à peine chez moi et je ne voulais pas que mon fils soit le seul dans cette famille », s’est-elle défendue pour justifier la naissance de son second enfant. Avec une telle relation, Sèdami a été victime de tout comportement de la part de son partenaire qui n’était que « s3xuel ».

Des raisons diverses

La courbe de la monoparentalité a pris une ascendance dans les années 90. Période à laquelle les prétendants au mariage s’éloignent à petit pas des normes en matière du processus de mariage pour une vie de couple épanouie. Jusqu’en 2016, les foyers monoparentaux tournaient autour de 18% selon les chiffres du ministère de la famille. Les dernières statistiques n’étant pas encore connues, les services du ministère ont confié que la courbe, loin de descendre, monte augmentant ainsi le nombre de foyers monoparentaux au Bénin.

Comme le cas de Sèdami, la progression de la monoparentalité est la conséquence de l’augmentation du nombre de ruptures des couples. Il y a quelques décennies, les familles monoparentales résultent du fait de veuvage. Mais même si cet aspect constitue l’une des causes, le veuvage est aujourd’hui en faible taux comparativement aux ruptures provenant des mariages « mal contractés ».

Survivre, l’autre enjeu de la monoparentalité

Myriam, célibataire à Danto, Porto-Novo, vit avec ses quatre (4) enfants. Veuve deux ans après la naissance de sa benjamine, Myriam est contrainte de mener toute sorte d’activité commerciale afin de subvenir aux besoins de ses progénitures. Pour avoir refusé le lévirat, la veuve a été rejetée par la famille de son défunt mari. Cette dernière lui a donc abandonné les enfants afin de la contraindre à accepter un jour compte tenu du poids des besoins de ces enfants. « Au début, j’ai commencé avec la vente des fruits selon les saisons. Puis, les condiments et aujourd’hui, je vends un peu de tout pour nourrir mes enfants qui sont encore trop jeunes pour se débrouiller seuls », a déclaré Myriam.

Disposant de peu de revenus sur son commerce et ne pouvant plus s’occuper de l’éducation scolaire de ces enfants, les deux premiers ont été envoyés respectivement dans les ateliers de coiffure et de couture. Les deux derniers sont à la maison et l’aident dans son commerce afin que le manger quotidien soit au moins assuré. « Je souffre quand je vois mes enfants dans ces conditions. Ce n’est nullement l’avenir que je leur réservais. J’en pleure mais je ne pouvais le faire autrement », affirme-t-elle les larmes aux yeux. Mais dans ces conditions, souligne-t-elle, « je remercie ma famille qui m’apporte l’aide autant que possible ».

Mais si Myriam s’accroche à son commerce pour « joindre les deux bouts », Romaine, elle, préfère une toute autre stratégie pour s’occuper de son unique enfant de 6 ans. Ancienne caissière dans une boutique de prêt à porter à Sèkandji, dans la commune de Sèmè-Podji, Romaine a choisi gagner sa vie avec le plus vieux métier du monde. Travailleuse de nuit, elle dit revenir à la maison chaque l’aube avec au moins vingt (20) mille francs CFA. Des revenus qui lui ont permis de bien équiper sa chambre et de subvenir, selon ses mots, convenablement aux besoins de son enfant. « Mon enfant est un accident de parcours comme on le dit dans le jargon familier. Et tant que je me porte bien, je m’évertuerai pour sa satisfaction. Je ne compte pas me remarier puisque l’expérience avec le père de mon enfant était bien cauchemardesque », a révélé Romaine.

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Le nombre croissant de la monoparentalité préoccupe certains responsables d’Organisation non gouvernementale (ONG) et acteurs politiques qui comptent désormais s’y intéresser de près. Interrogée sur le sujet, Alimatou Badarou, députée suppléante dans la 15ème circonscription électorale, préconise que l’Etat central envisage désormais une politique pour l’accompagnement de ses parents qui vivent le martyr dans de tel foyer. « Les données récentes sur la monoparentalité au Bénin ne sont certes pas disponibles, mais le constat dans la société inquiète et nous pensons qu’une politique d’allocation familiale attribuée à ces familles monoparentales contribuerait à résorber, un tant soit peu, leurs difficultés quotidiennes », plaide Alimatou Badarou.

Pour Virginie Boton, responsable en charge des questions du genre dans une ONG intervenant dans le domaine du développement à la base, « on ne pourra pas s’appuyer sur des erreurs de jeunesse de certains pour ne pas voler au secours de ces familles monoparentales qui éprouvent bien de difficultés à s’en sortir quotidiennement ». « Nous faisons de notre mieux et, en communion avec quelques députés de la 7ème législature, nous avions entamé des démarches pour l’adoption d’une proposition de loi dans ce domaine. Mais puisque cela n’a pas pu aboutir au cours de leur mandature, nous continuerons le combat pour une suite favorable au cours de cette 8ème législature », soutient-elle.

Pour Lydie Dessou, coach en développement de couple, « des enfants élevés dans des foyers monoparentaux sortent souvent avec des séquelles et sont, pour la plupart, agressifs dans la société ».  

« C’est donc pour cette raison qu’il vaut mieux travailler à consolider les relations de couple que de vouloir recoller les morceaux après la casse », conseille le coach à tout individu vivant ou voulant se lancer dans une vie de couple.

Pour elle, éduquer les enfants ensemble n’est pas encore chose aisée, et quand on se retrouve encore dans un foyer monoparental, « c’est le comble » avec une éducation «  à sens unique ».

Ce n’est pas pour autant que ces parents seront traités n’importe comment. Il faut se méfier d’une vision trop simpliste et parfois misérabiliste des familles monoparentales. Être une « famille monoparentale » n’est pas, le plus souvent, définitif. La plupart des parents seuls reforment un couple avant le départ des enfants du domicile familial. L’ancienneté moyenne des familles monoparentales était ainsi de cinq ans et demi en 2011. Les pères célibataires avec enfants à la charge se mettent plus vite en couple. Par contre, pour les femmes, c’est bien compliqué. C’est encore plus problématique pour les mères de la famille monoparentale qui sont sans diplômes et situation professionnelle stable. Toutefois, suivant les informations au ministère de la famille du Bénin, des mesures sont en cours pour mieux s’occuper de ces parents célibataires. Mais pour l’heure, leur calvaire demeure.

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