[Dossier] Bénin – Accès aux soins de santé publics (2/5) : état des lieux du coût des soins prioritaires

Souvent exposés aux maladies chroniques en raison de leur condition et mode de vie, les béninois de faibles revenus peinent à faire face aux coûts des services sanitaires dans les centres de santé publics. Dans la deuxième partie de notre reportage sur l’accès aux soins de santé publics au Bénin, nous nous intéressons à l’état des lieux des coûts des soins prioritaires les plus sollicités dans les formations sanitaires publiques du pays.

L’équipe déployée par « Bénin Web Tv » sur l’étendue du territoire national en mai 2019 a parcouru 13 centres de santé publics dont 8 Centres hospitaliers de zone (CHZ), 3 Centres hospitaliers départementaux (CHD) et 2 Centres nationaux (l’Hôpital de la mère et de l’enfant Lagune-HOMEL et le Centre national hospitalier et universitaire Hubert K. Maga – CNHU-HKM). Des observations faites sur le terrain, il ressort que les services de gynécologie, de pédiatrie et des urgences sont les plus sollicités par les béninois, notamment ceux de faibles revenus.

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D’après un médecin en service au CNHU à Cotonou, pour un meilleur diagnostic d’un mal chez un patient, il lui faut faire des examens biomédicaux. Quels sont alors les examens biomédicaux prioritairement prescrits aux béninois de faibles revenus ? La recherche à la réponse à cette question nous a permis de dégager une liste d’examens médicaux les plus prescrits aux services de gynécologie et de pédiatrie. Aux urgences, les prescriptions varient en fonction de la gravité du cas du patient. Toutefois, il est noté que l’imagerie médicale est l’une des prescriptions fréquentes. A cette liste synthétique, s’ajoutent les frais d’hospitalisation journalière.

Data des prix des sanitaires les plus prescrits

Des disparités importantes

L’analyse comparative du prix des prestations dans les différentes formations sanitaires du pays révèle des disparités importantes. En effet, il est noté une échelle à géométrie variable des prix en fonction du niveau d’administration des formations sanitaires. Selon le Plan national de développement sanitaire du Bénin 2009-2018, le système de santé du Bénin a une structure pyramidale inspirée du découpage territorial. Il comporte trois différents niveaux : le niveau central ou national administré par le ministre de la Santé ; le niveau intermédiaire ou départemental administré par les Directeurs départementaux de santé ; et le niveau périphérique ou opérationnel administré par des Comités de santé des zones sanitaires et des équipes d’encadrement sous tutelle du ministère.

Pour la même prestation sanitaire, le prix au niveau périphérique ou opérationnel peut doubler ou voir triplé au niveau départemental, central ou national. C’est le cas, à titre illustratif, de l’Hémogramme ou Numération de Formule Sanguin (NFS), l’un des examens médicaux les plus demandés pour évaluer l’état de santé général du patient tant en gynécologie qu’en pédiatrie. Facturé à 2.500 fcfa à l’hôpital de zone de Malanville, le même examen est facturé à 3.000 fcfa à l’hôpital de zone Djougou, Dassa-Zoumè et Covè ; 4.050 fcfa au CHD de Parakou ; 4.500 fcfa à l’HOMEL de Cotonou ; 5.250 au CHD de Porto-Novo et à 9.900 fcfa au CNHU à Cotonou.

Pareil pour l’Examen cytobactériologique des urines (ECBU + ATB) qui permet de déceler une éventuelle infection urinaire et les germes qui la causent. 14.080 fcfa au CNHU à Cotonou, le même examen coûte 13.500 fcfa à l’hôpital de zone de Covè ; 10.050 fcfa au CHD de Lokossa ; 9.000 fcfa au CHD de Porto-Novo et Parakou et 6.200 à l’HOMEL de Cotonou. Au niveau des frais d’hospitalisation journalière, la disparité est plus profonde. 10 jours de frais d’hospitalisation au CNHU à Cotonou (60.000 fcfa) équivaut à 4 mois de frais d’hospitalisation à l’Hôpital de zone de Covè ; 1 mois à l’hôpital de zone d’Abomey-Calavi, de Djougou ou à l’HOMEL de Cotonou ; et 20 jours à l’hôpital de zone de Kandi ou de Malanville.

Absence d’une politique nationale d’harmonisation des prix des services sanitaires publics ?

Qu’est ce qui pourrait expliquer la disparité observée dans les prix des services sanitaires dans le secteur public ? A cette question, les réponses sont aussi diverses que variées. Pour certains responsables administratifs des hôpitaux publics avec qui nous avons pu échanger dans le cadre de notre reportage, « la démission de l’Etat »  face aux problèmes sanitaires urgents des populations est la seule explication possible à la situation.

« Le coût élevé des prestations du Centre peut s’expliquer par le retard des subventions de l’Etat. Plus de 50% des prestations du Centre sont faites à crédit à travers les différentes prises en charge (agents de l’Etat, indigents, césarienne, dialyse, etc. – ndlr). Il faut bien que l’hôpital fonctionne », nous a confié un Chef service des affaires économiques et sociale d’un hôpital public. « Depuis trois ans, l’Etat n’a pas remboursé les prises en charge. Quand vous réclamez, on vous demande de trouver les ressources à l’interne pour faire fonctionner l’hôpital. Dans ces conditions, on est obligé de revoir le prix de certaines prestations pour faire face aux charges et aux dettes », a indiqué, pour sa part, un Directeur d’hôpital public.

Dans le pays, il est difficile de dire qu’il existe une politique nationale « opérationnelle » d’harmonisation des prix des services sanitaires dans le secteur public. Sur le sujet, les autorités ministérielles se muent au silence. Dans le cadre de notre reportage, nous avons adressé un courrier au ministre de la Santé publique, à l’attention du Directeur national des hôpitaux. L’objectif était de recueillir son avis sur les faits observés et les explications de certains responsables d’hôpitaux. Mais jusqu’au moment où nous mettons en ligne ce reportage, notre démarche est restée sans suite. Toutes nos tentatives sont restées vaines.

A suivre…

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