[Dossier] Bénin – Accès aux soins de santé publics (3/5) : le poids des coûts de services sanitaires

Selon le Plan national de développement sanitaire 2009-2018 du Bénin, la croissance démographique (+2,7% par an) et le taux d’urbanisation (estimé à 44% en 2015) exercent une très grande influence sur l’évolution de la demande sociale notamment en matière de services de santé. Un facteur positif pour le secteur sanitaire béninois qui semble se heurter au faible niveau de revenu des populations.

De plus en plus dans les hôpitaux publics du Bénin, il est enregistré, notamment dans les services de pédiatrie et de gynécologie, des cas de patients incapables de faire face aux frais de soins. Ils sont pour la plupart du temps empêchés de quitter les hôpitaux sans solder les frais dus. Mais certains arrivent à tromper la vigilance des agents de sécurité des hôpitaux pour s’échapper sans avis médical. D’autres se font aider par le personnel de l’hôpital.

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« Venir au centre de santé ne t’expose pas à la prison. Ne t’évade donc pas après l’intervention quelles que soient tes difficultés ». Ce message de sensibilisation du répertoire des bonnes pratiques en matière de césarienne affiché dans presque tous les hôpitaux visités par notre équipe de reportage illustre à quel point les autorités ont conscience de l’ampleur du phénomène. « Le phénomène de l’évasion des patients pour frais de soins impayés est un couteau à double tranchant. Ce n’est ni la faute des patients ni celui de l’Etat. Toute personne malade a le réflexe de se rendre dans un centre de santé même s’il n’a pas de moyens. L’hôpital de son côté à l’obligation de le soigner même s’il n’a pas les moyens », a estimé un responsable d’hôpital.

Hopital Saint Jean de Dieu. de Tanguiéta PH: Pédro Ribeiro

Au Centre hospitalier départemental Borgou-Alibori, le service social est parfois débordé par le nombre de cas de patients incapables de faire face aux frais de soins. « Nous recevons en moyenne par jour au moins 5 demandes de prise en charge. Nous n’arrivons pas à répondre favorablement à toutes les sollicitations. Tout dépend du cas du patient et du montant qui doit au centre. A titre d’exemple : il y a un patient qui doit près de 200.000 fcfa. Quand nous avons soumis son cas, l’administration lui a demandé de payer une partie et la prise en charge va couvrir le reste. Mais depuis environ 10 jours, le patient n’a pu apporter que 10.000 fcfa sur les 200.000 fcfa. Et depuis, il traine dans le centre », nous explique un agent.

Le rôle de la pauvreté…

Pour le Directeur d’un hôpital de zone du Nord Bénin, « le phénomène de l’évasion de patients sans avis médical dénote de la pauvreté absolue des populations ». Selon le rapport 2018 sur les perspectives économiques en Afrique de la Banque africaine de développement (BAD), le taux de pauvreté au Bénin est de 40,1%. Selon le même rapport, le pays est caractérisé par un chômage persistant, et un indice de développement humain de 0,485. Il en résulte, d’après le statisticien économètre béninois Dona Kokou, qu’une frange importante de la population béninoise est confrontée au manque de ressources nécessaires pour faire face aux besoins de survie notamment l’accès aux soins de santé.

Hopital Saint Jean de Dieu. de Tanguiéta PH: Pédro Ribeiro

Mais à l’hôpital de zone de Dassa-Zoumè, il est difficile de cerner les causes éventuelles du phénomène d’évasion des patients sans avis médical. « L’hôpital n’a pas de clôture donc le phénomène est légion. On n’a même pas de statistique en la matière », a fait savoir un responsable. A Parakou et à Djougou, la vigilance des responsables administratifs des hôpitaux a permis d’identifier de faux indigents. « Il y a des cas des indigents de faits, des personnes de mauvaise foi qui se font passer pour un indigent alors qu’en réalité, elles ne le sont pas », nous confie le Chef division recouvrement d’un hôpital public.

Quelle incidence sur les variables sociales ?

Au Bénin, il est difficile d’évaluer l’incidence des évasions des centres de santé sans avis médical indépendamment des causes ou non sur les variables sociales. Dans le cadre de notre reportage, nous avons sollicité, mais en vain, l’occasion de poser la question aux autorités ministérielles. A l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique, le phénomène est vaguement connu et pas documenté. Mais la 5ème enquête démographique et de santé du Bénin 2017-2018 semble laisser quelques pistes.

Hopital Saint Jean de Dieu. de Tanguiéta PH: Pédro Ribeiro

Selon le rapport synthèse de ladite enquête la mortalité des enfants est en hausse depuis 2011-2012. Globalement, le risque de décès entre la naissance et le cinquième anniversaire est passé de 70 ‰ en 2011-2012 à 96 ‰ en 2017-2018 même si le rapport précise que l’évaluation de la qualité des données de l’enquête entre 2011-2012 avait révélé une sous-estimation des indicateurs de mortalité des enfants due à la sous-déclarations des naissances.

Selon le même rapport, les taux de mortalité infanto-juvénile pour les dix dernières années varient selon le département, passant d’un minimum de 64 ‰ dans le département du Littoral à un maximum de 122 ‰ dans le département de la Donga. « La probabilité de décéder avant l’âge de 5 ans est deux fois plus élevée pour les enfants du second quintile de bien-être économique que pour les enfants du quintile le plus élevé (124 ‰ contre 60 ‰) », précise le rapport.

A suivre…

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