[Enquête] Bénin : les travailleurs domestiques face aux mépris des employeurs

Comme ailleurs, des ménages au Bénin font appel à des travailleurs domestiques pour l’exécution de certaines tâches quotidiennes. Un travail souvent sous-évalué, mal payé et sous le regard indécis des dirigeants qui considèrent ces employés comme des travailleurs « informels ».

Il convient de signaler, avant tout développement que le travail domestique est loin du phénomène enfant placé communément appelé « vidomègon » au Bénin. Ceux qui sont des travailleurs de maison, sont des personnes recrutées sur la base d’un contrat, généralement verbal, pour une tâche précise moyennant un salaire journalier, hebdomadaire ou mensuel. Au Bénin et selon les statistiques des services du ministère du travail, de la fonction publique et des affaires sociales, « un ménage sur trois dispose des travailleurs de maison et la quasi-totalité des ménages à fort revenu en disposent (2016)». Mais seulement, le traitement salarial de ces travailleurs laisse toujours à désirer et la reconnaissance de leurs droits ne semble nullement préoccuper les employeurs.

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Avec ce manque d’intérêt aux droits les plus élémentaires de ces travailleurs de maison, ces derniers ne bénéficient quasiment pas de protection sociale au travail et sont souvent « contraints » d’exécuter de très longues heures de travail en contrepartie d’un revenu bien plus faible. Mort dans l’âme, ces agents de maison s’accrochent à ce « job » afin de survenir aux besoins vitaux de leur famille malgré les risques auxquels ils sont constamment exposés.

Pour un grand nombre d’employeurs de maison interrogés, les dispositions légales en vigueur sur le travail de maison sont bien inconnues. Alors que l’Etat béninois, à travers le ministère de la fonction, du travail et de l’administration territoriale, avait pris un arrêté pour fixer les conditions de travail et de vie de ces employés de maison. En absence de loi, l’autre combat des défenseurs de cette catégorie de travailleurs, l’arrêté devrait être le seul instrument légal pouvant réglementer ce secteur d’activité.

L’article 6 de cet arrêté N°026/MFPTRA/DC/DT/SRT/ du 14 avril 1998 fixant les conditions générales d’emploi des employés de maison en République du Bénin toujours en vigueur précise la durée du travail.

« Compte tenu des arrêts et temps morts inhérents à cette profession, la durée des services des employés de maison est fixée par application du principe des équivalences à 200 heures par mois correspondant à un travail effectif mensuel de 173,33 heures par mois soit une durée hebdomadaire de 50 heures de travail. Toute heure de travail effectuée au-delà des 50 heures réglementaires sera réputée « heure supplémentaire » et donnera droit à la rémunération indiquée à l’article suivant », a clairement spécifié l’article 6 dudit arrêté.

L’article 8, lui, définit les jours de repos. Dans cet arrêté, il est précisé que « le repos hebdomadaire est de 48 heures. Il est de 24 heures consécutives qui a lieu en principe le dimanche. D’accord parties, la seconde tranche pourra être fixée à un autre jour ou donnée à raison de 2 demi-journées dans la semaine ».

« Je travaille depuis quatre (4) chez Solange, ma patronne, et je n’ai aucun jour de repos, ni de fête. Mon travail est encore plus dense les week-ends et les jours de fêtes. Ce qui me prive des moments festifs avec les membres de ma propre famille », témoigne Rosemonde, quadragénaire et domestique dans une famille modeste dans la zone des Ambassades à Akpakpa, Cotonou. Malgré ce travail continue de la dame, elle est payée en deçà du Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et ne bénéficie d’aucune prime de travail supplémentaire comme le spécifie l’article 7 de l’arrêté ministériel.

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Pour Emile Ahissou, coordonnateur national du Mouvement des travailleurs chrétiens du Bénin (MTCB), Rosemonde a bien de la chance de toucher mensuellement son salaire malgré son caractère dérisoire. « Dans beaucoup de cas, le payement est discontinu et les charges ne sont pas spécifiques avec une surexploitation de ces derniers dans les ménages », a-t-il ajouté.

« Le caractère hautement privé rend le secteur plus vulnérable »

Le travail domestique, contrairement aux autres formes d’emplois, est marqué par son caractère hautement privé du fait que tout se déroule dans la propriété privée de l’employeur. De ce fait, on assiste à toutes les formes de sévices suivies de menaces quotidiennes. Et ce, sous le regard impuissant des employés qui connaissent peu leurs droits alors même que leurs devoirs sont parfois « surlistés ». Bien qu’un nombre conséquent d’hommes travaillent dans le secteur, le travail domestique demeure extrêmement féminisé. Selon les statistiques de l’Organisation internationale du travail (OIT), 83 pour cent des travailleurs domestiques sont des femmes (2018).

L’article 5 de l’arrêté N°026/MFPTRA/DC/DT/SRT/ du 14 avril 1998 fixant les conditions générales d’emploi des employés de maison en République du Bénin parle certes des conditions d’hébergement des travailleurs de maison avec le respect des règles d’hygiène, mais il est généralement constaté que ces agents de maison vivent dans des conditions, à la limite inhumaines chez leurs employeurs.

Pour Pierrette Vidégla, secrétaire générale du Syndicat des travailleurs de maison, une organisation affiliée à la Confédération Générale des Travailleurs du Bénin (CGTB), « les travailleuses de maisons sont, en plus des autres formes de violences, confrontées à de harcèlement sexuel de la part de leur employeur ». « Les abus sexuels existent dans presque tous les lieux de travail mais pour ce qui est des cas des travailleurs domestiques, c’est un autre monde et tout un scénario qui met dangereusement en mal les droits de la personne humaine », déclare Amavi Degué, secrétaire général du Syndicat National des Travailleurs Domestiques (SYNTRAD), affilié à la Cosi-Bénin.

La convention C189 en question

Il y a quelques années, la valeur sociale et économique du travail domestique est internationalement reconnue et des instruments procurent une base garantissant qu’au regard de la loi, les travailleurs domestiques jouissent du respect et des droits pour lesquels les travailleurs de l’économie officielle ont longtemps lutté, pour ensuite les acquérir. La Convention n° 189 garantit une protection minimale aux travailleurs domestiques, identique à celle des autres catégories de travailleurs, tout en permettant une flexibilité considérable pour sa réalisation. Amener les travailleurs domestiques dans le giron des normes internationales du travail est un développement crucial pour progresser vers l’objectif d’un travail décent pour tous.

La convention 189 a été adoptée le 16 juin 2011 et devrait permettre le renforcement des législations nationales existantes dans les différents pays. Le Bénin dispose certes d’un arrêté définissant les conditions des travailleurs de maison, mais les défenseurs estiment que la ratification de cette convention garantira davantage un travail décent aux agents concernés. Pour Emile Ahissou, Pierrette Vidégla, tout comme leur camarade de lutte Amavi Degué,

« le lobbying se fait toujours au niveau des acteurs concernés, des employeurs et même des dirigeants et parlementaires du Bénin afin que ce pas décisif soit franchi pour le bonheur de ces millions de Béninois et étrangers travaillant dans les maisons ».

Pour l’heure, il n’y a  aucune existence légale d’un conseil des employeurs de maison pouvant prendre connaissance des textes légaux pour une synergie d’action dans le but de l’amélioration des conditions de vie et de travail de leurs employés. Si un tel regroupement existait, souligne Pierrette Vidégla, secrétaire générale du Syndicat des Travailleurs et Employés de maison, « travailler dans les maisons serait plus plaisant et plus rémunérateur ».

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