Enseignement supérieur: le CAMES répond aux critiques de Dandi Gnamou

Dans une tribune publiée sur le site d’information Fasozine.com le 28 juillet 2019, l’universitaire Dandi Gnamou a porté des critiques acerbes contre les résolutions prises par le Conseil des Ministre du Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES) tenu à Cotonou en Mai 2019. Suite à cette tribune, le Service de la Communication du CAMES a apporté une réponse. Dans cet article, Bénin Web Tv vous propose les publications des deux camps.

 

La tribune de Dandi Gnamou publiée sur Fasozine

«Le Conseil des ministres du CAMES tenu le 30 mai 2019 à Cotonou (Bénin) a décidé par Résolution 2019-015 de réviser la Convention de Lomé de 1972 créant le CAMES, organisation internationale de coopération regroupant 19 Etats francophones, pour la transformer en organisation d’intégration. Si l’organisation de coopération a rarement le pouvoir de décider pour le compte des Etats, l’organisation d’intégration possède des pouvoirs au-dessus du niveau étatique qui lui permettent de prendre des décisions obligatoires pour les Etats et leurs citoyens et de les faire appliquer sans actes particuliers d’adhésion ou d’internalisation. Plusieurs décisions sont prises à Cotonou, comme si la révision de la Convention du CAMES est déjà en vigueur.

Ainsi en est-il du Règlement intérieur du Conseil des ministres adopté par Résolution n°2019-013, mais prévu par la Résolution 2019-015. Elle porte un numéro antérieur à celle dont elle doit faire application, est datée du même jour et procède à l’adoption du règlement intérieur. On pourrait ainsi relever plusieurs curiosités, sur le plan légistique et juridique, dans ces décisions prises sous la férule d’un « noyau d’experts ». La métamorphose du CAMES en organisation supranationale dirigée par un organe exécutif puissant, le Secrétariat général, se fait néanmoins dans un contexte juridique très équivoque.

Le CAMES devient supranationale. C’est le sens de la Résolution n°2019-015 qui dote le CAMES d’un ordre juridique autonome et hiérarchisé avec primauté sur les lois et autres dispositions des Etats dans le domaine de l’enseignement supérieur. Conséquence, les décisions du CAMES s’imposeront aux Etats et s’appliqueront directement aux individus. La Résolution n°2019-015 institue un journal officiel et à l’image de l’UEMOA a des ressources propres avec obligation de solidarité financière entre Etats. Le diktat du CAMES aux Etats est licité.

Son secrétariat général désormais puissant. Auparavant organe d’exécution, le Secrétariat général se mue à Cotonou en Organe Exécutif, bénéficie d’un large pouvoir de légation, détient un pouvoir réglementaire autonome qui peut s’étendre à l’adoption des règlements d’exécution, en lieu et place du Conseil des ministres qui le contrôle une fois par an. Sans excès interprétatif, le Secrétaire Général du CAMES est l’équivalent d’un chef d’Etat, dans le domaine de l’enseignement supérieur, le Conseil des ministres, un Parlement qui légifère « souverainement » pour les Etats.

Cette mutation profonde est équivoque. La transformation du CAMES sur la base d’une résolution est inédite. Pour modifier un traité fondateur, il faut un autre traité. Sous le couvert de la Résolution, c’est un nouveau traité qui a été adopté par les Ministres du CAMES. Tout traité même de forme simplifiée obéit au droit des traités contenu dans la Convention de Vienne de 1969 et aux dispositions constitutionnelles des Etats.

Les exigences constitutionnelle et conventionnelle sont ignorées. Au regard des Constitutions des Etats membres, seul le président de la République négocie, signe et ratifie les traités. Conformément à la Convention de Vienne, sauf pleins pouvoirs du président de la République ou accréditation spécifique, les Ministres du CAMES sont incompétents pour signer un nouveau traité.

Ensuite, conformément aux Constitutions des Etats, tout traité qui porte sur une organisation internationale ou qui engage les finances d’un Etat doit obligatoirement être ratifié. La législation voire la politique en matière d’enseignement supérieur et de recherche serait désormais gérée par cette organisation internationale. C’est une renonciation de compétences souveraines au profit du CAMES.

L’autorisation des Parlements nationaux est impérative. Enfin, créer une organisation internationale sur la base d’un traité en forme simplifiée est inadéquat, cette forme est réservée pour des questions techniques et mineures du ressort de l’Exécutif. Pour mettre en place une organisation supranationale de l’envergure attendue par la Résolution n°2019-15, c’est un traité en bonne et due forme qui doit être négocié, signé et ratifié par les Etats.

Mais, bien que dénué de formalisme, le traité en forme simplifiée reste régi par ses propres termes. La Convention créant le CAMES précise que pour entrer en vigueur, il faut respecter un délai de six mois après la signature par les 2/3 des Etats. Adopté le 30 mai 2019, non signé par les Etats, cette modification n’est pas encore en vigueur. Elle manque d’efficacité juridique.

Pour conclure, la Convention de Lomé de 1972 est juridiquement en vigueur. Les « Résolutions » prises à COTONOU ne sont pas obligatoires pour les Etats. Nous gageons, que l’absence de signature des Ministres présents, hors le Cameroun, est la confirmation que pour tous les Etats, le CAMES reste une organisation de coopération. Car, choisir la voie subreptice d’une résolution pour changer une organisation de coopération en organisation supranationale dont l’entrée en vigueur ne se fonderait sur aucun acte spécifique d’approbation des Etats membres et entrerait en vigueur quasi instantanément, est une dépossession des compétences souveraines des Etats dans l’enseignement et la recherche, rondement menée. Si la volonté assumée des Etats membres est de transférer leurs compétences souveraines au CAMES, l’aval du Parleent reste une obligation constitutionnelle qui ne doit pas occulter des insuffisances profondes de ce projet en rupture avec les basiques du droit des traités et de l’Etat de droit.»

Pre Dandi GNAMOU, Auteure de Dissolution et succession entre organisations internationales, Bruylant, Bruxelles, 2008.

La réplique de l’Institution…

Les décisions du Conseil des Ministres du CAMES tenu le 30 mai 2019 à Cotonou au Bénin, présidé par le Pr Jacques FAME DONGO, Ministre d’État, Ministre de l’Enseignement supérieur du Cameroun, signataire à ce titre des actes de la session, et co-présidé par le Pr Alkassoum MAÏGA, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation du Burkina Faso, Vice-Président statutaire, n’ont pas fini de susciter des réactions.
Une tribune polémique a été ainsi publiée dans un journal burkinabé en ligne, Fasozine.com, le 28 juillet 2019. L’auteure, Madame Dandi GNAMOU, s’y livre à une critique acerbe de certaines décisions adoptées par cette Instance suprême de l’auguste institution. Elle invoque leur caractère inopportun et illégal en se fondant sur la procédure suivie et sur les règles de fond adoptées.
Il importe d’apporter des éclaircissements et précisions face à cette critique qui, à n’en point douter, manque d’objectivité, de rigueur et de pertinence et participe plutôt à entretenir l’obscurantisme et à tromper le grand public.
En ce qui concerne la procédure suivie, l’auteure fait valoir d’abord que certaines décisions du Conseil des Ministres du CAMES ont été adoptées avant l’entrée en vigueur des modifications apportées à la Convention portant statut du CAMES ; tel serait le cas du « Règlement intérieur du Conseil des Ministres adopté par Résolution n° 2019-013, mais prévu par la Résolution n° 2019-15 » ; selon l’auteure, « Elle (sic) porte un numéro antérieur à celle (sic) dont elle (sic) doit faire application ».
Dans l’esprit de l’auteure, la Résolution considérée comme mode d’adoption des décisions du Conseil des Ministres n’existe que depuis la révision de la Convention portant statut du CAMES en 2019 à Cotonou au Bénin. De ce fait, selon l’auteure, la Résolution portant adoption du Règlement intérieur des sessions ministérielles ne pouvait pas intervenir avant l’entrée en vigueur de la Résolution n° SO-CM/2019-015 portant révision de ladite Convention.
Une telle analyse procède d’une méconnaissance des textes de l’organisation et des pratiques institutionnelles en vigueur depuis la création du CAMES. La discussion sur l’entrée en vigueur de la Résolution n° SO-CM/2019-15, relative à la révision de la Convention portant statut du CAMES, n’aurait de sens que si le Règlement intérieur du Conseil des Ministres trouvait son fondement dans cette Résolution. Or, tel n’est pas le cas.
L’adoption de la Résolution n° SO-CM/2019-013 trouve son fondement dans les articles 10 et 11 de la Convention de 2000 portant Statut du CAMES. Il résulte de la combinaison de ces articles que le Conseil des Ministres, qui a compétence notamment pour adopter les Résolutions concernant les politiques d’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que pour examiner et approuver les comptes rendus des travaux du Comité des experts, y compris les propositions de résolutions et de recommandations, adopte ses décisions par consensus.

D’ailleurs, le Règlement intérieur que la Résolution n° SO-CM/2019-013 abroge et remplace a été adopté, à Ouagadougou, par Résolution du Conseil des Ministres le 17 avril 1989. Au vu de ce qui précède, il est aisé d’admettre que cet aspect de l’analyse de l’auteure est erroné, fallacieux et vise à entretenir la confusion sur le fonctionnement des instances supérieures du CAMES et la légalité de leurs actes, pour trouver une justification imaginaire à une situation somme toute personnelle.

L’auteure fait ensuite observer de manière factuelle inexacte que « l’autorisation des parlements nationaux est impérative (…) », que « créer une organisation internationale sur la base d’un traité en forme simplifiée est inadéquat (…) » et que « pour modifier un traité fondateur, il faut un autre traité (…) ». Les propos tendant à faire accréditer l’idée que le CAMES, pour avoir été créé en violation « des basiques du droit des traités et de l’État de droit », n’a jamais eu d’existence légale n’engagent que l’auteure qui les a tenus et qui, pourtant, a toujours bénéficié des prérogatives attachées à son titre d’agrégée obtenu dans le cadre des programmes du CAMES, notamment celui du Concours d’agrégation.

Cela dit, au-delà de l’amalgame entre procédures de création d’une organisation internationale et processus de modification d’un traité relatif au Statut d’une organisation déjà créée, il y a lieu de relever que l’observation révèle curieusement une grave méconnaissance des textes du CAMES, pour une personne qui a été à maintes reprises sollicitée comme expert au sein de l’Institution. En effet, c’est l’article 26 de la Convention portant Statut du CAMES, qui prévoit les modalités de sa révision. Il résulte de ce texte que cette Convention peut être amendée ou révisée à la demande d’un État signataire, que le projet d’amendement doit recueillir l’avis favorable de deux autres États membres avant d’être remis au Secrétaire Général, que ledit projet est soumis au Conseil des Ministres et qu’il est adopté à la majorité des 2/3 des États membres. La procédure ainsi décrite débouche sur l’adoption, par le Conseil des Ministres, d’une Résolution validant les modifications ainsi apportées. Cette règle prévue par l’article 26 de la Convention de 2000 portant Statut du CAMES est traditionnellement consacrée par le droit des Traités. En effet, c’est le Traité fondateur qui prévoit les modalités de sa révision ainsi que les organes compétents pour y procéder.

S’agissant des règles de fond, l’auteure considère que du fait de l’adoption de la Résolution n° SO-CM/2019-015, le CAMES serait passé d’une organisation de coopération à une organisation supranationale, avec pour effet de conférer à son Secrétaire Général « un pouvoir de légation… un pouvoir réglementaire autonome qui peut s’étendre à l’adoption de règlement d’exécution » et de faire du « Conseil des Ministres un parlement qui légifère dans le domaine de l’enseignement supérieur ».

L’idée selon laquelle le CAMES se transforme en organisation supranationale comparable à l’UEMOA avec la possibilité de prendre des « décisions qui s’imposeront aux États et s’appliqueront directement aux individus sans une internalisation préalable » est, de toute évidence, une vue de l’esprit. En effet le CAMES a toujours été une structure supranationale, à caractère spécifique. Il suffit pour s’en convaincre de se référer à ses textes fondamentaux.

Aux termes de l’article 6 de la Convention portant statut du CAMES, chaque programme du CAMES est régi par une Convention ou un Accord négocié et signé par les États qui acceptent d’en faire partie. Il en résulte que la signature par un État d’un Accord ou d’une Convention sous l’égide du CAMES implique l’engagement d’accepter et d’exécuter les obligations qui en découlent. En application des stipulations des Accords ou Conventions signés par les États dans le domaine de l’enseignement supérieur, le CAMES peut prendre des acte pour la réalisation des politiques communes.

C’est pour prendre en compte cette réalité que la Résolution n° SO-CM/2019-015 modifiant la Convention, a prévu deux types d’actes qui, bien que présentant des similitudes avec ceux qu’adoptent traditionnellement les organisations supranationales telles que l’UEMOA, n’en ont ni la même nature ni le même régime juridique.

Les actes émanant du CAMES, contrairement aux règlements et directives de l’UEMOA cités par l’auteure, ne sont pas formulés pour constituer un ordre juridique autonome mais plutôt pour harmoniser la position des États membres en vue de la réalisation de certains programmes et/ou la structuration des organes et instances du CAMES. Ces actes sont de deux ordres : les Directives et les Règlements.

Les Directives sont adoptées pour préciser les engagements que les États ont librement souscrits en vue de la réalisation des objectifs contenus dans les programmes ou pour déterminer les modalités de mise en œuvre des solutions communes dans les domaines prévus par l’article 4 de la Convention portant Statut du CAMES.

Les Règlements, en ce qui les concerne, n’ont ni pour objet ni pour effet de créer des droits ou des obligations au profit ou à la charge des ressortissants des États membres. Comme le prévoit le nouvel article 20-4 de la Convention dans sa rédaction due à la révision de 2019, ils sont destinés uniquement aux organes et instances du CAMES dont ils fixent les modalités de fonctionnement. Cela dit, l’absence de textes ayant un effet direct dans l’ordre juridique interne des États ne s’oppose pas à ce que le CAMES mette en place des instances chargées de prononcer les sanctions appropriées contre les enseignants et chercheurs qui, dans le cadre des programmes auxquels ils participent, s’écartent de manière délibérée des règles d’éthique et de déontologie qui garantissent la qualité des évaluations.

Le CAMES n’est pas devenu, au vu de ce qui précède, une organisation supranationale par l’effet de la Résolution adoptée lors du dernier Conseil des ministres. Il a toujours été et demeure cette organisation investie par ses fondateurs de la mission d’harmoniser les politiques des États dans les domaines de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

La Résolution de 2019 modifiant la Convention portant Statut du CAMES a eu le mérite de préciser la nature des actes qui doivent être accomplis pour atteindre les objectifs visés et déterminer l’identité des organes ou des instances habilités à les adopter. L’adoption de cette Résolution ne peut donc avoir pour effet de transférer les compétences du Conseil des Ministres au Secrétaire Général qui en tant qu’organe d’exécution, exerce une mission générale de représentation, dirige l’administration du CAMES, exécute les décisions du Conseil des Ministres et des instances académiques et scientifiques du CAMES et participe à la conception des programmes (cf. article 17 de la Convention portant Statut du CAMES).

En ce qui concerne le Conseil des Ministres, il reste l’Instance voulue dès l’origine par les fondateurs du CAMES, c’est-à-dire investie de la mission d’adopter les textes par lesquels sont définies les solutions communes et appropriées aux problèmes posés par les systèmes d’éducation, les établissements d’Enseignement supérieur, les Institutions de Recherche, les diplômes délivrés, l’accueil des étudiants, l’éducation, la formation et la circulation des étudiants ainsi que la mobilité des enseignants et des chercheurs.

En conclusion, il est à regretter que l’auteure, bénéficiaire des programmes du CAMES, ignore curieusement les textes de l’Organisation, les modalités de fonctionnement de ses instances ainsi que ses pratiques institutionnelles spécifiques. Il peut néanmoins lui être accordé le bénéfice des circonstances atténuantes.

Les textes du CAMES n’étant pas publiés, l’auteur peut soutenir au moins qu’elle n’est pas censée les connaitre. Mais, avec la création d’un Journal officiel du CAMES en vue d’assurer la publication des textes produits dans le cadre de notre Organisation commune, un tel système de défense ne pourra plus être opposé par les enseignants ou chercheurs de mauvaise foi prompts à demander, en invoquant l’absence de mesure de publicité, que soit écartée la règle
selon laquelle nul n’est censé ignorer la loi.

Pour la mémoire et la responsabilité collective, il convient de noter que ce Conseil des Ministres ordinaire a été précédé d’une réunion des Experts et a connu la participation de 13 pays membres sur les 19 que regroupe le CAMES.

Service de la communication du CAMES
01 BP 134 Ouagadougou 01, Burkina Faso
Courriel : communication@cames.online
Tél. : +226 25 36 81 46
www.lecames.org

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