[Opinion] Fermeture des frontières et tout le cirque autour…

Pour aborder à fond et ce, de façon intellectuelle, la question de la contrebande entre le Nigeria et le Bénin, il faut interroger l’histoire de vie commune entre ces États. Buhari reprend juste une solution qui l’a fait quitter le pouvoir en 1985.

En effet, le Nigeria a connu une économie prospère jusqu’en 1980 et c’est à partir de 1981, selon EMMANUEL GRÉGOIRE, dans son étude scientifique intitulée : les chemins de la contrebande, que le Nigéria « fut confronté à de graves difficultés dues à la chute des cours du pétrole et à la diminution des exportations : ses revenus passent ainsi de 26 milliards de dollars en 1980 à 6, 8 milliards en 1986. Les autorités fédérales furent alors contraintes de prendre des mesures pour économiser les devises » allant de l’interdiction de l’importation de certains produits (riz, sucre, sel gemme…) jusqu’à la la fermeture des frontières en passant par la demonétisation du naira. Les hommes d’affaires nigérians contournèrent ces dispositions en faisant venir frauduleusement les marchandises recherchées depuis les pays voisins : le Niger, le Bénin et le Cameroun. C’est le début même de la contrebande provoquée par les Nigerians et non par le Bénin.

Cette fraude persistait malgré les interdictions, jusqu’à la venue de Buhari au pouvoir en décembre 1983. Rappelons que Buhari est arrivé au pouvoir par coup d’État. Ce qui a induit la fermeture des frontières pour plusieurs jours. Et cinq mois après, le militaire et ses amis décidèrent de la fermeture prolongée des frontières pour lutter contre la fraude. Une fermeture qui dura d’avril 1984 à février 1986, environ deux ans.

Ce que Buhari n’a pas calculé, c’est que, plus la fermeture des frontières persistait, plus la contrebande vivait mieux. En colère comme il le fait aujourd’hui avec des hélicoptères qui circulent, Buhari a renforcé son dispositif par des mutations de douaniers, arrestation de commerçants, relèvement d’agents… Les Nigerians eux-mêmes n’en pouvaient plus , étaient fatigués. Puisqu’à l’époque, un type qui épousait une femme du côté du Niger, il lui était quasiment impossible de le faire venir au Nigeria. Donc pour finir, probablement, avec cette sombre période, Buhari fut renversé en août 1985 par le général Ibrahim Babangida qui « adopta une politique plus souple à l’égard des commerçants et des pays voisins » sans ouverture des frontières. Mais les activités reprirent lentement jusqu’à la fin de cette époque.

Aujourd’hui, une nouvelle fermeture des frontières en août 2019: pour le même motif, la contrebande ; par le même dirigeant, Buhari. Ce n’est pas nouveau. Buhari est juste un héritier des méthodes britanniques. Le colon avait, en 1940 fermé les frontières contre le Niger pour à peu près le même Motif.

Ce qui est fondamental c’est que le Bénin a toujours été impacté par les décisions et mouvements du Nigeria. Et s’il est regrettable la baisse de l’activité des opérateurs dans cette période, il est néanmoins important de souligner que toutes les agitations aujourd’hui, tendant même à diaboliser les autorités béninoises en place, sont des preuves d’une méconnaissance de l’actualité d’une part et de l’ingéniosité des opérateurs qui savent bien s’adapter d’autre part.

Sinon qu’il vous souvienne qu’en mai 2013, sans fermeture de frontières, l’essence de contrebande à l’intérieur du Bénin est passée de 450 à 1200 FCFA en deux jours. En mars 2016, précisément le 29, « de 400 Fcfa le litre, l’essence est passée dans l’intervalle d’une demi-journée à 1500 francs Cfa le litre par endroits avant de chuter à 600 F » (fraternité 1er/05/2016) le lendemain. 20 août- 14 septembre 2019, bientôt un mois de fermeture des frontières, l’essence de contrebande est passée de 325 à 600 FCFA le litre pour se stabiliser autour de 500, 550 le litre. Montrant la capacité d’adaptation des marchands des deux côtés des frontières. Ce qui pourrait laisser croire que les opérateurs des autres secteurs, ont des moyens pour venir à bout de cette fermeture brutale et unilatérale des frontières. C’est face aux grandes difficultés qu’on découvre la véritable force d’une personne, d’une communauté, d’un pays. En ce moment, il y a plus à réfléchir qu’à bavarder.

C’est le moment!

C’est le moment de saluer la promptitude des autorités béninoises qui, au lendemain de la fermeture, ont mis en place un comité de crise. Le Bénin de Patrice Talon doit et va continuer de dialoguer, de négocier, d’agir pour réduire le choc de cette fermeture sur ses opérateurs à court terme et aussi trouver une solution à la perte des recettes douanières au niveau du corridor.

Fermées ou ouvertes, c’est le moment de développer une politique durable pour que d’ici, 5 , 10 voire 15 ans, le Bénin trouve les outils économiques pour asseoir une économie stable qui sera moins influencée par les pulsions Nigérianes. Dos au mur, il y a plus d’opportunités à saisir pour finir avec la dépendance que de larmes à verser.

B K H l’Intégral

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