Bénin – alignement des mandats: un cheval de Troie selon Steve Kpoton

Le juriste et analyste politique Steve Kpoton, s’est préoccupé de la situation socio-politique béninoise. Dans une tribune publiée sur sa page Facebook, il retrace l’historique de la crise, les non-dits du dialogue politique et les dangers qui guettent le pays lorsqu’on s’obstine à réviser la constitution dans les conditions qu’il a pris le soin de décrire.

Steve Kpoton est parti de la convocation du dialogue politique. Pour lui, le dialogue tenu du 10 au 12 octobre au palais des congrès n’a aucune base juridique. La raison est toute simple. Pas de décret ni d’arrêté consacrant l’organisation du dialogue comme c’est le cas au Burkina-Faso, fait-il constater. Ce faisant, « il revient exclusivement au Président de la République de décider de ce qu’il veut en faire », fait-il remarquer. Cependant, note le juriste, le chef de l’Etat a pris le soin de prendre un décret lorsqu’il s’est agi de mettre sur pied un comité d’experts devant travailler sur les recommandations du dialogue politique. Il est plus que convaincu que quelque chose n’a pas tourné rond. La représentativité des partis au dialogue n’est pas de nature à recueillir l’avis de toute la classe politique, déplore-t-il. Il a également insisté sur la dissociation des couches socio-professionnelles du dialogue dont les origines, estiment-ils, demeurent et peuvent à tout moment dégénérer.

Quant à la révision de la constitution, Steve Kpoton soupçonne que les acteurs politiques sont sur une piste glissante. En effet, à l’en croire, c’est l’alignement qui, par ailleurs est une proposition grave et dangereuse, est la brèche trouvée pour réviser la constitution. Pour le juriste, « c’est le cheval de Troie en réalité ». Il soutient que « si nous questionnons le sens des choses, le mandat de quatre (04) ans pour les députés et celui de cinq (05) ans renouvelable une seule fois pour les autres institutions, consensus issu de la conférence nationale et approuvé par le peuple Béninois par référendum, a un fondement démocratique solide : les députés sont des représentants du peuple. Leur mandat relativement court par rapport aux autres institutions a été décidé pour leur permettre de ne pas rester trop distant du peuple une fois leur élection acquise. Donc, le mandat de quatre (04) ans des députés a tout son sens et ne pose aucun problème ».

Ramener tous les mandats à quatre ans

Steve Kpoton pense que l’alignement des mandats n’est pas la bonne option. Pour lui, et des exemples sont légions, l’organisation des élections législatives au cours du mandat du chef de l’Etat est un baromètre par excellence pour jauger la gouvernance de celui-ci. Aligner les mandats constituerait un danger pour la démocratie. Et, s’il faut en arriver là, Steve Kpoton pense qu’il faut ramener tous les mandats à quatre comme c’est le cas au Nigéria, première puissance de l’Afrique occidentale.

Par ailleurs, dans le régime présidentiel béninois, le Président de la République est l’acteur politique le plus important. Il est élu au suffrage universel direct. Il concentre beaucoup de pouvoirs et tous les rapports politiques à l’interne se structurent autour de sa personne. Les élections qui s’organisent au cours de son mandat sont un baromètre de l’efficacité de l’action gouvernementale. A travers ces élections, le résultat des partis politiques qui soutiennent ses actions très souvent indique si le peuple souverain approuve ou désapprouve sa gestion. L’utilité d’un tel système est si avéré que certains systèmes démocratiques ont prévu des élections de mi-mandat. C’est le cas des Etats-Unis par exemple. D’autres systèmes démocratiques comme la France, l’Allemagne, le Ghana, ont le même système que le Bénin. C’est-à-dire, l’élection du chef de l’Exécutif ou du Président de la République est la principale. Après, les élections régionales, communales, communautaires (pour les pays de l’Union Européenne) sont organisées dans le cours de son mandat et servent de baromètre du peuple pour sa gestion. Est-ce vraiment les élections le problème au Bénin ou la médiocrité de la classe politique ?

Pour conclure cette réflexion, si l’on s’en tient aux objectifs de checkup et de réorganisation de notre cadre politique annoncés, le compte n’est pas bon. Le dialogue politique est une mise en scène politique dont le résultat le plus visible est la projection dans le néant du destin de 11 millions d’âmes. L’effondrement de notre édifice démocratique ne peut être exclusivement imputable au président Patrice TALON. En revanche, c’est avec regret qu’il faut relever que sa philosophie politique et son mode de gestion du pouvoir conduisent inexorablement à un délitement de notre Etat….

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